Glissement vers le bleu

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Le grand Silverberg aime introduire ses textes, les expliquer, rappeler leur origine. Rappelons-nous l'intégrale de ses nouvelles, publiée en français chez Flammarion puis chez J'ai Lu. Chacune était précédée d'un petit commentaire de l'auteur, ce qui ne faisait qu'ajouter à son intérêt.

 

Pour ce roman, Silverberg fait de même. Sauf que cette fois, il s'agit d'un ouvrage un peu particulier. En 1987, il entame un nouveau roman, « dans un style post-moderne flamboyant, bourré d'humour ». Le thème en est carrément la fin de l'univers. Seulement voilà, arrivé à la 160e page, il cale et arrête les frais. Vingt-cinq ans plus tard, son ami Mike Resnick lui propose d'écrire un nouveau texte, conjointement avec un jeune écrivain. Il refuse, « ayant envie de se la couler douce », mais il reprend son roman avorté et en confie la suite et fin à un Espagnol né en 1979, Alvaro Zinos-Amaro. Sa mission ? « Finir le boulot » ! Et voilà ce qui a donné Glissement vers le bleu, paru aux States en 2012 sous le titre When the Blue Shift Comes, et dont voici l'excellente traduction française. Compte tenu du style et de l'humour de l'écrivain, il convient en effet ici de louer le travail très brillant du traducteur, Éric Holstein.

 

Qu'en est-il à présent du livre lui-même ?

C'est une sorte de joli divertissement, dans un style totalement déjanté, à l'écriture ironique et distanciée, très curieuse évidemment de la part de Silverberg : apostrophes au lecteur, allusions anachroniques, longues parenthèses amusantes, usage de mots techniques de fantaisie, on ne s'ennuie pas, même si cet emploi systématique devient un peu fastidieux à la longue, d'autant plus que Zinos-Amaro, lorsqu'il prend le relais, poursuit dans la même veine. L'histoire se déroule « dans la 777e année du 888e cycle de la 1111e circonvolution du Neuvième Mandala », autant dire dans un futur incroyablement lointain. C'est du Stapledon pour rire. Sur la planète Prime règne Hanosz. Il apprend qu'apparaissent des signes de glissement de l'univers vers le bleu du spectre (d'où le titre du roman). La vieille Terre (et tout l'univers) va être détruite, ou plutôt absorbée par un immense trou noir. Hanosz abdique et part vers la Terre, là où les humains sont immortels, mais risquent de ne plus l'être pour cause de contraction de l'univers. Une légende, cependant, prédit qu'un roi, venu d'ailleurs, sauvera le monde. Arrivé à bon port, il fait la connaissance de Sinon Kreidge et de sa fille Kaivilda, dont le physique change à tout instant. C'est à ce moment que Zimos-Amaro reprend la plume, page 121, pour la seconde partie : « Le grand ménage du dernier mandala ». Que faire sur Terre ? Accepter le destin ou réagir ? La querelle fait rage entre Quiétistes et Activistes. Intervient alors un messager étrange, qui semble provenir d'un autre univers, un univers effacé puis recréé. Ce messager serait-il un autre Hanosz, tel un « serpent autophage » (p. 217) ?

 

Je vous laisse sur cette importante interrogation, car débute ici un étonnant retournement, avec la naissance d'un... « bébé univers » (!). Un roman plaisant donc, qui amuse souvent, étonne parfois, mais n'ajoute rien à la gloire de Silverberg, sinon à faire connaître le nom d'Alvaro Zinos-Amaro.

Robert Silverberg et Alaro Zinos-Amaro, Glissement vers le bleu, Éditions ActuSF, août 2015, Chambéry, traduction d’Éric Holstein, illustration de couverture de Diego Tripodi, ISBN 978-2-917689-87-5, 263 p., 18 euros.

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