Galaxies Nouvelle série n° 38
En ces temps de défense des droits de la femme (j’écris ceci le 8 mars), l’éditorial de Pierre Gévart interpellera, irritera ou... amusera. Parités, quotas dans Galaxies ? Peu importe, le talent seul compte, décrète-t-il.
Le fait est que ce numéro est consacré aux femmes en SF, avec un dossier central sur Nathalie Henneberg. Toutes les nouvelles retenues sont écrites par des femmes. Et quelles femmes ! Sylvie Laîné ouvre le cortège, avec Le karma du chat, texte typique de cette maîtresse-écrivaine qui, à sa manière subtile, mélange domotique et védisme, avec ce zeste d’ironie qui lui est si personnel. Ses collègues seront Jeanne Debats, Giuliana Acanfora, Julie Subirana et Suzanne Malaval. La clef, de Subirana, très violente, rappelle la meilleure Leigh Brackett, celle de la saga de Northwest Smith, comme le rappelle Jean-Pierre Fontana. Suzanne Malaval, elle, est reprise dans le « Service des affaires classées » : le mystère entoure cette auteure dont, en effet, on ne possède aucune photo, et qui fut active dans les années 1960 dans Fiction, puis en littérature jeunesse. Elle livre ici deux petits bijoux fantastiques, Ce merveilleux matin, et La maison d’à côté, qui donnent furieusement envie de la connaître.
Arrive le gros morceau, le dossier Henneberg, concocté par Cyril Carau. Alors là, pour moi, stupeurs et tremblements ! On m’assène que Nathalie Henneberg a tout écrit, y compris les livres de son époux Charles. Établies chez Jacques Sadoul, Stan Barets ou les frères Bogdanov, mes certitudes vacillent : est-ce vrai ? Je croyais dur comme fer à l’existence de deux écrivains, bien différents, Charles et Nathalie Henneberg. Eh bien non, il semblerait que, « si Charles n’a pas écrit les romans signés de son nom, il a eu une réelle influence sur l’œuvre de Nathalie d’après son propre aveu ». La passion pour la musique, pour les sciences, l’apprentissage de la pensée et du raisonnement, voilà ce qui serait l’apport de Charles à la jeune auteure russe blanche fraîchement débarquée en France. Rappelons que Charles est décédé en 1959 et Nathalie en 1977. Le dossier comprend une esquisse biographique, l’analyse de quelques romans moins connus tels La rosée du soleil, Le sabre de l’Islam ou Trois légionnaires, un intéressant essai de Marthe Machorowski sur les thèmes et motifs de l’œuvre, une page de souvenirs de Jean-Pierre Fontana, et une bibliographie. Enfin, et comme promis dans le n° précédent, voici la seconde partie du dernier roman de Nathalie Henneberg, Kheroub des étoiles. Kheroub est devenu empereur mais Monyme, son épouse, s’enfuit. Pourquoi ? Où est-elle ? Toute la fin du roman repose sur ces énigmes, vite résolues. Car, comme toujours, le décor prime sur l’intrigue. Nous aurons ainsi droit à des descriptions splendides de cérémonies d’initiation, de défilé de cortèges, d’une scène horrible de cannibalisme, de sacrifices dans des arènes : le dernier texte d’Henneberg est bien digne d’elle.
Déjà fort complet, ce numéro de Galaxies contient encore une recension d’une exposition uchronique de Françoise Chamagne à Thionville, une critique du film Pope Joan (Jeanne, la papesse du diable) de Michael Anderson, avec Liv Ulmann dans le rôle titre, plus les habituelles chroniques cinéma et BD. Pas de livres, cette fois.
P.S. Pour en revenir à la journée des droits de la femme, signalons la réédition du texte fameux Défense des droits de la femme, écrit en 1792 par Mary Wollstonecraft, épouse Godwin, et mère de... Mary Shelley (Folio n° 6111, 141 p., présenté par Martine Reid).
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