Galaxies Nouvelle Série n° 45
Les nanosciences sont les « études des phénomènes observés dans des objets, des structures, des systèmes dont les propriétés découlent de la taille nanométrique », soit un milliardième de mètre. « Les nanotechnologies, elles, réunissent l’ensemble des techniques et des mécanismes permettant d’observer, de mesurer, de fabriquer ou de manipuler la matière à l’échelle nanométrique ». Ainsi Denis Taillandier introduit-il le thème du dossier de ce 45e numéro.
Pas évident pour le simple amateur de SF, sans connaissances particulières en physique. Il lira avec intérêt le petit hommage liminaire à André Ruellan, alias Kurt Steiner, qui nous a quittés le 10 novembre 2016. Auteur de romans-phares tels Le disque rayé, Tunnel, ou encore le fabuleux Cycle d’Ortog, Il était un grand de la SF française – sans parler de ses brillantes incursions dans la défunte série « Angoisse ». Mais revenons à nos nanotechnologies. Même si le thème fait appel à la technique la plus avancée, il n’est pas né de nulle part : la SF s’est toujours intéressée à l’infiniment petit. Dans un historique fouillé, Taillandier le fait remonter aux aventures de Gulliver ou de Micromégas, puis mentionne Hamilton, Sturgeon, Blish, Russell ou Dick. Même Dune sera appelé à la barre. Plus récents, Bear, Crichton ou Ayerdahl sont cités, sans oublier de nombreux auteurs de la planète nipponne, dont Taillandier est spécialiste.
Coline Bély fait le point scientifique requis. Deux nouvelles illustrent le dossier. Côté cour, côté jardin de Bruno Pochesci est bien écrit mais assez sibyllin. Très bien écrit aussi (ou très bien traduit ?), le long texte De nuit et de boue, du Japonais Tobi Hirotaka (né en 1960), pose la question de l’impact physique de la terraformation, tant sur la planète que sur les humains. Hirotaka semble un écrivain très versatile : il décrira une formidable bataille entre monstres de marais, digne de Rosny Aîné, mais aussi une subtile guerre civile entre satellites, dont les noms portent ceux des symphonies du compositeur suédois Berwald (!).
En dehors du dossier, ce numéro publie cinq nouvelles d’intérêt variable. J’en retiendrai trois. Très délicat, La route des orsadoles, de Célia Chalfoun, nous présente de rares entités : des instruments de musique vivants. Trois tasses de deuil sous les étoiles d’Aliette de Bodard, Française écrivant en anglais, très dense, réfléchit sur la transmission « post mortem » du savoir de la génération précédente, à travers le récit d’un fils à qui l’on refuse les implants-mémoire de sa mère décédée. Malgré la beauté prenante de ce texte, ma préférence va à La source, d’Eric Lysoe, essayiste et romancier d’origine norvégienne. Dans un style très imagé, plus épique que poétique, Lysoe nous parle du grand voyage vers le pôle qu’entreprend une communauté. Leur cité post-apocalyptique était gérée par des Machines, qui produisaient tout. Ce temps est fini, et les Machines meurent. Pour conjurer leur sort, la cité prend son envol (littéralement, car ce peuple maîtrise le vent) et part en exode, loin au Nord : à l’arrivée, la révélation sera terrible. Un texte superbe.
Ajouter un commentaire