Eternity Incorporated

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Illustrateur / Dessinateur: 


Cela fait franchement (très franchement) vraiment longtemps que le
premier roman d’un auteur francophone de SF ne m’avait pas autant bluffé...

C’est un premier roman qui ne suscitera pas (enfin je crois !) les
fréquents bémols qui accompagnent souvent les premiers romans ..

C’est bien écrit... C’est bien construit... C’est sensible...
intelligent... Il y a beaucoup d’ouverture d’esprit et de ruse dans ce
roman...

Le style est aussi digeste que solide et la caractérisation est d’une
redoutable efficacité car les personnages sont vivants et l’univers
affiche une remarquable présence...

Un virus foudroyant frappe et détruit presque totalement l’humanité qui
s’est réfugiée dans des villes sous dôme environnées d’une campagne
aussi hostile que dangereuse et méconnue...

Bref ! Le vieux coup (assez délicieux) de la ville dystopique et
survivante ??

Pas vraiment !!... les habitants de cette ville sont relativement
conditionnés mais pas beaucoup plus que nous autres (sourires...)

Ils possèdent fréquemment du libre arbitre et ils sont donc tout à fait
libres et capables de promouvoir leurs opinions et de suivre leur bonhomme de chemin...

C’est en ce sens que l’auteur renouvelle le thème de la cité état
survivante en milieu hostile...

Il réinterprète aussi ce genre d’univers de façons très contemporaines
et assez personnelles mais impossible d’en dire plus car ce serrait du
spoiling et cela reviendrait à dévoiler la fin qui est aussi noire que
surprenante et imprévue !!

Donc motus !!

Cependant les aspects classiques des thématiques afférentes aux règles
de ce sous-genre sont bien présentes et il faut donc posséder quelques
affinités avec ce type d’univers pour apprécier ce roman...

L’ordinateur omnipotent qui gère la plus grande partie de la ville a la
mauvaise idée de tomber en panne au début du roman !!

Cela représente un véritable coup de pied dans la fourmilière et les
diverses réactions et actions individuelles et collectives nuancées que
cela génère procure au lecteur un riche panel de perspectives... de
témoignages et de réflexions (quelquefois très contemporaines)...

L’auteur est physicien et sa formation ne lui est pas vraiment utile dans
ce roman... du moins pas avant la fin...

Quand (à ce moment du roman) la problématique de l’intelligence
artificielle est particulièrement fouillée, on est assez bluffé et on se
pose vraiment la question de savoir si par hasard le David Brin ou le
Benford de la SF francophone ne serait pas enfin parmi nous ?? !!

Un mot sur le style : nous avons dans ce texte des personnages aussi complexes que présents... un environnement qui possède du sens et de la réalité...

L’auteur arrive à concrétiser ces qualités sans se lancer dans de
véritables descriptions fouillées...

Il y parvient surtout par des oppositions : passé/présent... par
l’opposition intérieur/extérieur ou par des renvois psychologiques en
lien avec les spécificités des différents protagonistes (humains ou
artificiels) ou encore d’un léger trait de pinceau...

Les descriptions soignées des environnements (surtout de certains
protagonistes) existent dans ce roman mais principalement quand l’auteur juge que c’est indispensable...

Sincèrement c’est bien fait ! Et je pense que cette économie de moyens
qui vient en contrepoint avec les nombreux détails qui concernent la
caractérisation ou encore la valeur de certains instants particuliers et
singuliers crée une tension très spécifique (contraste entre ce qui est
écrit et ce que l’on imagine) qui devient réellement et progressivement
la marque de fabrique de l’auteur...

Excellent selon mon humble avis... encore que c’est vrai ! Les goûts et
les couleurs sont par nature inévitablement égo-centrés... variables et
différentiels !!

Raphaël Granier de Cassagnac, Eternity incorporated, illustration de Justin Van Genderen, 272 p., Mnémos

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