Notre-Dame-aux-Écailles
Saviez-vous qu’à Venise, qui vole des soupirs encourt la vengeance de la ville ? Connaissez-vous vos plus sensuelles métamorphoses, lorsque vous êtes loup, lorsque vous devenez lionne ? Avez-vous déjà pris un fleuve pour amant ? Partez à la découverte des troubles secrets de l’âme et des lieux les plus hantés : une villa qui palpite de vies enfuies, l’océan dont certains marins ne reviennent plus tout à fait humains ou encore ce train de nuit qu’empruntent ceux qui cherchent l’oubli… Mais attention : de ces voyages-là, on ne rentre pas indemne.
Notre-Dame-aux-Écailles est un recueil de nouvelles et, pourtant, j’ai du mal à l’envisager comme tel. Oh, il est bien composé de nouvelles, douze pour être précise, mais il baigne dans une ambiance indéfinissable et pourtant caractéristique qui donne au tout une cohérence comme rarement j’en ai vu dans un recueil.
En fait, j’aurais bien du mal à individualiser un récit m’ayant plus marquée qu’un autre. Peut-être La cité travestie, car ça a été la première rencontre, celle qui m’a fait vivre le choc d’entrer dans un univers inconnu et pourtant bizarrement confortable alors qu’il n’est pas forcément aisé à « enfiler ». Et peut-être aussi La danse au bord du fleuve, étrange histoire d’incarnation d’un cours d’eau qui devient un être hautement érotique et sensuel. Et surtout En forme de dragon, récit envoutant sur la création. Mais même si ces titres m’ont particulièrement plu, je n’arrive pas à les séparer du « tout » constitué par Notre-Dame-aux-Écailles (le recueil, pas la nouvelle - très dérangeante d’ailleurs).
De même, il y a quelques histoires qui ne m’ont pas plu. Mais en refermant le livre, je ne savais plus pourquoi. Parce que j’ai eu l’impression de voyager dans un même univers cohérent, habité par l’étrange et le naturel, là où le naturel paraît plus suspect que l’étrange d’ailleurs. Chaque récit apporte sa force à un tout, au lieu d’exister individuellement (et égoïstement comme le font en général les nouvelles)...
J’ai rarement autant « ressenti » des nouvelles, et bizarrement peut-être, cette expérience m’a fait penser à celle vécue en lisant Les Contes de la fée verte de Poppy Z. Brite. Non que les deux auteurs écrivent d’une manière similaire à mes yeux, mais le pouvoir évocateur de leurs mots m’a tout autant emportée chez l’une que chez l’autre. C’est donc ça que je retiendrai de Mélanie Fazi, ça qui me donne envie de me replonger dans son univers : cette capacité incroyable - et qui semble pourtant lui venir tellement naturellement - d’emmener le lecteur dans son monde, qui semble être le fantôme du nôtre. Ou plutôt, dont le nôtre semble être le fantôme, car le sien est tellement plus intense, plus mystérieux, plus dangereux et plus attirant à la fois.
Au final, avec Notre-Dame-des-Écailles, j’ai découvert une « voix » intense et originale, délicate et fluide, une rencontre comme on en fait finalement peu en littérature. Je ne peux donc que vous conseiller ce recueil, en espérant qu’il vous envoutera autant que moi.
Notre-Dame-aux-Écailles de Mélanie Fazi, illustration de Bastien L., Folio SF, 288 p.