Elijah

Il fut un temps où il s’appelait Gabriel. Il aurait pu mener une existence normale, heureuse, comme d’autres dizaines de gamins de son âge. Mais c’était sans compter sur un père alcoolique et violent, passant les frustrations de sa non-existence misérable en se servant de sa famille comme de punching-ball. Alors un jour, Gabriel commet l’irréparable : il tue ce père qui n’en est plus un. Seulement, il est déjà trop tard pour sauver sa mère, mortellement blessée elle aussi, qui accouche d’un enfant déficient. Gabriel le prénommera Elijah. Désormais, cet enfant pas tout à fait fini, à la vie suspendue avant même de l’avoir pleinement vécue, sera son unique raison de vivre. Gabriel ne s’épargne rien pour Elijah, devenant le gigolo de vieilles bourgeoises aux maris incapables de les satisfaire, couchant pour de l’argent, uniquement pour subvenir aux besoins de son frère. Mais la bête qu’il a réveillée en assassinant son père a encore soif, et la nuit, alors que tout le monde dort, Gabriel sort, traque l’homme violent, empêche le féminicide en commettant les meurtres les plus abjects qu’ils soient. Pour le sourire d’Elijah, pour tous les Elijah de la terre…

Jusqu’à ce qu’un jour, l’irréparable arrive…

Voilà un roman choc, très noir, brutal et sans aucune concession. Un roman écrit avec les tripes, et du coup pas vraiment à la portée de tous. En décrivant la plongée dans les abîmes de son anti-héros Gabriel, se refusant le droit d’être heureux puis, lorsqu’il peut enfin l’être, voyant le bonheur lui échapper, Noël Boudou nous secoue, nous porte l’uppercut tel le boxeur sur le ring. Et au final nous laisse pantois, une fois la dernière page tournée, une impression d’amertume dans la bouche. Parce qu’on se dit qu’on aurait voulu le meilleur pour Elijah, mais également pour Gabriel, et Aline cette jeune femme martyrisée qui deviendra un temps sa compagne. Une histoire d’amour bâtie sur le sang, la violence et les larmes, mais une histoire d’amour quand même, exclusive, poussée à son paroxysme, qui parviendrait presque à justifier, en tout cas à expliquer, tous les excès du narrateur pour protéger ce petit être mal préparé à la vie qui l’entoure.

Un premier roman parfaitement maîtrisé, qui a décroché en 2017 le prix du roman noir de Cognac. J’ignore quels étaient les autres compétiteurs, mais en refermant ce roman, je comprends aisément qu’il ait pu taper dans l’oeil du jury.

Je remercie l’auteur pour sa confiance et pour m’avoir permis de le suivre dans ce choc visuel comme il m’a rarement été donné d’en lire.

Elijah - Noel Boudou - Flamant Noir Editions, 19,5 €