Portes de la maison des morts (Les)
Comment dire, c’est le livre 1 du tome 2 de la grande saga de Steven Erikson "Le livre malazéen des glorieux défunts" dont l’édition a été reprise par Calmann Lévy et j’espère que l’éditeur tiendra son engagement en allant jusqu’au bout de l’aventure qui prévoit une dizaine de livres. Si on compte que celui-ci va paraître en deux volumes en France, nous sommes partis pour un long cheminement dans les tornades chamaniques et les labyrinthes du chaos.
Difficile de résumer quelque chose qui s’apparente à la Bible ou à l’Iliade et l’Odyssée. Nous retrouvons donc une partie des personnages du premier opus. L’auteur nous avait laissé aux portes d’une ville conquise et je m’attendais à reprendre le voyage à partir de là. Mais non, gaillardement, on saute quelques mois pour retrouver une partie des compagnons du premier volume. Des autres, on ne sait rien. Il s’agit de raccompagner Apsalar dans sa contrée d’origine. Apsalar qui a subi l’envoutement de Cotillon, l’ascendant de la mort. D’autres personnages se greffent sur le récit et s’imposent comme Felisine, la princesse déchue en route pour le bagne…
L’impératrice est toujours en proie à sa folie de conquête et piétine tous ceux qui veulent résister. La corruption règne. Les emprises des forces de la sorcellerie bataillent, ce qui entraîne des dommages collatéraux. Magie blanche, magie noire, tarot mouvant, chamanisme, on est bousculé dans un univers de folie sanglante.
Depuis ma découverte de l’univers de Steven Erikson, construit avec son ami Ian Cameron Esslemont, j’attendais avec impatience la suite sous la forme d’un pavé de 900 pages. Hé oui, je triche, je vais voir sur le net ce qu’en disent ceux qui ont la chance de lire en VO. Hélas, j’ai dans la main un volume de 389 pages. Cela me fait pester.
Dans le genre « épique », je trouve que les coupures sont gênantes. Parce qu’on perd le peu de repères qui fluidifient la lecture. Là, nouvelle déconvenue pour moi, changement de traducteur. Après Marie-Christine Gamberini, c’est au tour de Minos Hubert de traduire un univers pour le moins complexe. Nouvelle déstabilisation, changement de style ? Les règles du jeu ne sont pas tout à fait les mêmes. Rien de bien grave. Juste les annexes qui aident à la lecture qui ne sont pas organisées de la même manière. Chercher où vous êtes sur la carte quand vous cherchez sur celle du volume à venir que vous n’avez pas encore entre les mains, cela vous dépayse encore plus. D’ailleurs, cela n’a peut être rien à voir avec le traducteur mais avec l’éditeur.
Steven Erikson demande un engagement de la part du lecteur. Il faut accepter cette règle du jeu sous peine d’abandonner la lecture. Beaucoup d’éléments sont cryptés, hors de notre compréhension pour le moment. Ils se dévoileront plus tard. C’est curieux parce qu’Henri Loevenbruck, dont je lis l’intégrale du cycle « Gallica » en ce moment, part du principe inverse, emmener le lecteur, le prendre par la main, lui faciliter l’accès à l’univers qu’il propose.
Là, il faut se battre avec la trame du récit, défricher à sa mesure les aventures, imaginer. Accepter d’être perdu.
Finalement, j’aurais bien plus de mal avec ce bout du deuxième opus qu’avec le premier livre où pourtant je n’avais aucune balise. Là, je suis un peu perdue parce que c’est quasiment un autre livre et pourtant je ne pense pas qu’on puisse se passer de la lecture du premier. Le style ou la traduction manque de fluidité. Je sais bien en écrivant cela que certains vont se dire : "bon, et bien, je vais me faire l’économie de cette lecture". Ce serait aller un peu vite en besogne. Parce qu’en général, les livres avec lesquels on bataille sont ceux qui nous laissent des souvenirs vraiment prégnants.
La nuit venue, quand vous posez le livre, vers 1 heure du matin parce que vous n’avez pas envie de laisser vos personnages dans un tel chaos, vous plongez dans les abysses du sommeil, vous êtes dans le désert de Raraku. Et ce n’est pas une promenade de santé.
Je confirme que ce qui ressemble le plus à cette façon de narrer une histoire, c’est un tirage du tarot et le décodage personnel qu’on fait des images. Donc, il doit y avoir autant de lectures de ce livre que de lecteurs. Chaque personnage est relié à un symbole, un ascendant, comme dans un tarot, avec les arcanes majeurs et les arcanes mineurs.
Bon, j’aimerais bien quand même que Calmann Lévy organise les annexes du livre d’une façon plus pratique. Soit des notes en bas de page pour éviter de feuilleter tantôt vers le début du livre, tantôt vers la fin. Ou bien, proposez-nous une fiche marque-page où l’on ait les personnages principaux et leur symbolique afin d’éviter ces constantes recherches d’un bout à l’autre du livre.
Alors pour résumer mon avis, je suis restée un peu sur mes gardes sur ce livre ci, mais je suis prête à poursuivre l’aventure qui me semble devoir générer une vraie passion. Reste à trouver ses marques le plus confortablement possible. Lire les livres à la suite. Sans une coupure temporelle trop grande.
Les portes de la maison des morts, cycle : le Livre Malazéen des Glorieux Défunts, tome 2, de Steven Erikson, traduction : Minos Hubert, illustration d’Alain Brion, Calmann-Lévy