Au réveil il était midi
Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui se passent dans un monde qui est à peine différent du monde actuel, avec juste un peu plus de sarkozysme, autrement dit ce mélange d’égoïsme, d’individualisme, de haine des autres (proches ou lointains, étrangers ou voisins), de culpabilisation et d’insécurité générale et d’escalade dans la paranoïa et la misanthropie généralisée que développe à plaisir le système actuel. D’appauvrissement généralisé des non-possédants, de multiplication des systèmes mécaniques et électroniques, de deshumanisation que nous voyons s’installer sans réagir. Avec des aggravations qui sont quelque part entre la caricature et l’anticipation du pessimiste déjà résigné et légèrement masochiste, et sans l’ombre d’un espoir de réaction, de remise en cause et de possibilités d’interrompre cette dégradation progressive.
Est-ce ce que la 4° de couv appelle humanisme, cette contemplation du pire et cette description clinique de l’abandon progressif des valeurs humaines ? Il y a une nouvelle qui fait exception, « Je vous apprendrai la haine », où un petit vieux qui, au départ, rejetait les tentatives de jeunes de son quartier de réagir par la chanson va se réveiller et prendre leur parti. Toutes les autres se contentent de décrire cette dégradation plus ou moins lente, avec parfois un personnage qui parvient malgré tout à demeurer humain (dans « Sparadrap et bouts de ficelle », la malheureuse mère rejetée par tous les services sociaux ; dans « La Morale de l’histoire », cette professeur qui espère repartir sur un meilleur pied dans un travail associatif, mais qui ne s’en laisse pas moins balayer et chasser de son poste et l’abandonne à quelqu’un de plus obéissant), mais avec cette impression d’inéluctabilité du désastre.
Ce livre énumère toutes les circonstances dans lesquelles il serait urgent d’arrêter la course à l’abîme mais il constate les problèmes comme des plaies sans remède. No future ? Il me laisse une impression de résignation que je n’accepte pas.
Au réveil il était midi de Claude Ecken, L’Atalante 2012, 314p., couv. Leraf, ISBN 9-782841-725847