Truc

« J’ai pris conscience de cette faculté vers l’âge de douze ans : je pouvais extirper les morts de leur enveloppe. Les âmes lambda s’envolent avec le dernier soupir. Ce qui pourrit sous la terre, c’est juste quelques cellules qui vont petit à petit se fondre dans la nature. L’Univers n’est, au fond, qu’une vaste usine de recyclage qui tourne sur elle-même à l’infini. Hélas, de temps à autre, une âme récalcitrante reste prisonnière de son corps. Qu’est-ce qui peut motiver une telle aberration ? La colère, en général. Une colère extrême. Un problème pas réglé qui perturbe le défunt au point de bouleverser toutes les lois naturelles. Et le foutent, excusez le terme, dans une sacrée merdasse. »

Avec ce roman, Anne Duguël vous plonge la tête la première dans l’horreur, la vraie. Pas celle qui vous montre des zombies, des mutants ou des vampires. Non. Celle qui vous attend chaque jour au creux des pages de vos journaux. Celle à laquelle le lecteur s’habitue presque à force de matraquage médiatique. Au menu de ce roman : inceste et pédophilie.
Un sujet délicat s’il en est et Anne Duguël, avec la verve qu’on lui connait, s’en sort avec un brio époustouflant.

Vous ferez la connaissance de Daisy, une femme peu ordinaire. Car Daisy a un don : celui d’extirper les morts de leur enveloppe charnelle. Pour couronner le tout, elle cumule les relations extraordinaires. Jugez plutôt : elle a connu les joies du sexe avec un elfe, un troll et maintenant son dernier amour, celui qui nous concerne directement, un suicidé. Un père de famille dont on a repêché le cadavre et qui refuse de lui dire son nom. Elle le baptisera « Truc ». Non content d’être un amant hors pair, bien que réfrigérant, Truc a un lourd secret sur lequel il refuse de s’épancher.
Et Daisy découvrira que son amant est en fait accusé d’inceste et de pédophilie par son ex-femme. Ses victimes ? Ses trois enfants. Deux garçons, Pierre et Paul, et Julie, la petite dernière.

En voulant découvrir le fin mot de toute cette histoire, Daisy nous entraîne dans une sarabande macabre, nous ballotte de révélation ignoble et rebondissement malsain pour, au final, nous éblouir d’une autre vérité.

Vu les thèmes abordés, le roman est dur. Mais, avec l’humour grinçant et cynique qu’on lui connaît, Anne Duguël parvient à nous faire sourire et rire de l’horreur la plus profonde.

Une seconde histoire au titre intriguant, « Nous ne méritons pas les chiens », s’offre ensuite à nos yeux. Et, si possible, elle est aussi horrible que la première. Nous faisons la connaissance d’une vieille femme, Louise, qui délire. Durant ces phases, elle est le personnage principal d’une histoire aberrante. Un procès complètement absurde au cours duquel les chiens parlent, les morts se présentent à la barre pour témoigner et même la Fatalité se plaint de ses conditions de travail.

Un pur chef-d’œuvre, glauque à souhait, et dont la fin vous laissera sur le postérieur !

Vous l’aurez compris, voilà un livre à lire absolument ! Il est impossible de lire Anne Duguël et d’en ressortir intact. Sa plume, son sens de la démesure et son humour cynique à souhait ne peuvent que vous séduire !

Truc par Anne Duguël, illustration de Sébastien Sonet, Rivière blanche, 230 p, 17 €, ISBN : 978-1-61227-169-9