Dans la ville infinie

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Tout auréolé de son récent Prix décerné par l’Académie Royale de Belgique pour Amours sanglantes, Alain Dartevelle publie un nouveau recueil de nouvelles, différent mais tout aussi personnel. Huit récits entrelacés, se déroulant dans un même décor : Infinity City.


Drôle de ville, en vérité, située on ne sait où, on ne sait quand. Elle est isolée du monde extérieur, lequel est en proie à de violents conflits jamais explicités. L’invasion extraterrestre relatée par trois fois a-t-elle vraiment lieu ? Les personnages existent-ils ou rêvent-ils ? L’écrivain belge pousse ici sa fascination pour les apparences au maximum et signe un livre purement fantasmatique : il n’aura jamais approché le surréalisme d’aussi près.

La vie de cette Cité improbable semble axée sur la répétition cyclique de « La Fin de l’Histoire », célébration culturelle et sociale majeure, dont on ne saura pas grand-chose, et qui mobilise toute la population. Régine de Massala, courtisane de haut vol, sa servante Céleste, son neveu gâté Antonin, son ancien amant Stanley Lardini, vieil artiste sur le retour, le musicien Angel Anders… galerie d’acteurs rencontrés, égarés puis retrouvés au fil des histoires. L’on y verra encore le cynique baron Clarence Drake, le musicologue Edgar Will qui oublie le suicide de sa femme dans les bras d’une sphinge (sorte d’androïde) ou Gloria Mansour, la chanteuse qui explose à la fin de ses concerts. Les extraterrestres aspergent la ville d’une horrible mousse organique qui ronge les humains : cette journée terrible, que fuient Edgard et sa sphinge, a-t-elle eu lieu ou fut-elle rêvée ? Si oui, par qui ? Ou est-elle due à un abus de caloubian glacé, boisson dangereuse entre toutes ?

La dernière nouvelle, Un Miracle moderne, semble réunir la plupart des personnages en pleine « Fin de l’Histoire » . Je dis bien « semble » car si le concert final marque sans doute un événement pour chacun des protagonistes, la vie de ce monde particulier poursuivra bientôt son cours, avec ou sans eux. Nous y sommes entrés comme nous le quittons : en plein déroulement. L’ouvrage est infini, comme la ville de son titre. Nous aurons assisté à des entretiens subtils, à des rencontres fortuites ou agressives, à des faits d’amour comme de guerre, sans bien connaître leurs raisons – si raisons il y avait. Il s’était agi d’une tranche de vies, sans début ni fin, un moment instantané d’une série d’instantanés.

Le langage riche, recherché, souvent précieux, concourt à cette impression d’étrangeté totale : prix inestimable d’une œuvre qui décale la réalité pour découvrir des bribes d’une autre.

Alain Dartevelle, Dans la ville infinie, Editions L’Âge d’homme, coll. La Petite Belgique, Lausanne 2013, ill. de couv. Léon Spilliaert, 115 p., 14 euros.

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