Cerro Rico
Les principaux monopoles privés de la planète réalisent jour après jour leur projet d’emprise totale. Les informations qu’Antoine Dupin publie dans les quelques médias qui échappent encore à leur contrôle, gênent à peine leur expansion… jusqu’au jour où il révèle un plan illicite d’acquisition de la plus importante réserve de lithium, en Bolivie. Jane Kirpatrick, l’âme du cartel, déclenche alors son agent le plus redoutable, le Python, afin d’anéantir le journaliste et son réseau d’informateurs clandestins. Seule l’ex-agent Justine Barcella pourrait le contrer, mais elle se voue désormais à sa vie d’institutrice dans le village toscan où elle s’est retirée. Comment la décider à revenir dans le jeu mortel ? La réponse semble celée dans les entrailles du Cerro Rico.
Après Naija et Jurong Island, j’ai eu le grand plaisir de lire le troisième volet de la trilogie des Cercles de Thierry Berlanda, et je remercie les éditions M+ pour leur envoi.
Cerro Rico clôt brillamment la trilogie de technothrillers de Thierry Berlanda avec un opus placé sous le signe de la démesure et de l’action. Si vous n’avez pas lu les deux premiers – et bien que je vous conseille ardemment de vous les procurer avant d’attaquer celui-ci – ne paniquez pas : vous trouverez en avant-propos quelques lignes rapides qui planteront le décor et vous permettront de vous y retrouver.
Toujours à la poursuite d’enjeux économiques et politiques faramineux et surtout du pouvoir qui les accompagne, les firmes qui composent les Cercles continuent de semer le sang et la mort, menant la planète, et par conséquent l’homme, à sa destruction. Ces multinationales veulent instituer un nouvel ordre mondial qui a pour but d’annihiler le précédent en sacrifiant l’humanité sur l’autel des nouvelles technologies. Un postulat inquiétant qui peut paraître presque de l’ordre de la prédiction quand on se rend compte qu’on n’en est finalement pas si éloignés que ça, et qui amène une réflexion sur le bien et le mal, pose des questions sur le consumérisme aliénant, la société corrompue et le pouvoir de l’argent, les dérives technologiques, la folie des hommes et la recherche de la vie éternelle. L’auteur déploie une somme de connaissances impressionnante afin d’étayer son propos et de rendre crédible son roman. Bien sûr il extrapole et force le trait, il faut en être conscient, mais tout est savamment construit et expliqué, analysé et développé. On n’est absolument pas dans un conspirationnisme de base, simpliste et prêtant à rire ; on navigue réellement en plein cauchemar.
« L’origine du mal n’est pas les Cercles. elle est en nous qui les avons laissés prospérer, qui leur avons acheté leur camelote frelatée, qui nous sommes gavés de leurs images jusqu’à l’embolie totale de notre jugement et avons élu des représentants qui se sont couchés devant eux. Le mal est au cœur des hommes, qui ont finalement consenti à leur anéantissement, et qui l’ont peut-être même désiré. »
On assiste à une nette montée en puissance dans ce volet, qui se révèle encore plus violent que les précédents. Certaines scènes sont très dures et m’ont réellement bouleversée. Car tout est poussé à son paroxysme, de façon à pointer du doigt l’urgence de la situation et à démontrer que celle-ci peut évoluer très vite et nous prendre de court, sans possibilité de retour en arrière. Et ça fait littéralement froid dans le dos !
L’intrigue est servie par le rythme effréné de la narration, un suspense omniprésent, beaucoup d’action et l’écriture très nerveuse de l’auteur. Vive et acérée, la plume est tour à tour littéraire, riche et documentée ou gouailleuse, rude et hyperréaliste selon les personnages et les situations. Cerise sur le gâteau, les femmes sont, une fois encore, à l’honneur dans ce roman, qu’elles fassent figure de diablesse comme Jane, ou de sauveuse comme Justine ou bien encore qu’elles représentent la pureté et l’innocence comme Catherine. Ce sont de beaux portraits de femmes que nous brosse Thierry Berlanda, sans concession parfois, mais avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Chantilly sur la cerise, le final de Cerro Rico est étonnant, à la hauteur de la qualité de l’ensemble, juste pour nous faire regretter qu’il ne s’agisse que d’une trilogie.
Parue sur Beltane (lit en) secret
Cerro Rico, de Thierry Berlanda, chez M+ éditions, 7,90 €