Disputatio, Catharsis T1
Occitanie, début du XIIIe siècle. L’hérésie cathare gagne du terrain. Est-elle une cause à défendre, ou un fléau à abattre ? Dans un récit choral teinté d’inexorable, les uns affûtent leurs arguments, les autres leurs lames. Et si beaucoup ont déjà choisi leur camp, il n’y aura pas de place pour les indécis.
Le nom de Patrice Quélard m’est apparu pour la première fois lors d’une des éditions précédentes du Prix des Auteurs Inconnus pour lequel Catharsis 1, Disputatio concourait en littérature blanche. Je ne l’ai pas lu dans ce cadre puisque j’étais jurée en catégorie noire, mais j’ai noté de très bonnes critiques de la part de mes collègues et je me suis empressée de l’acheter. Et comme tout vient à point à qui sait attendre, son tour vint un jour d’être lu.
Bien sûr, j’ai déjà entendu parler de l’histoire des Cathares, et surtout de la menace qu’ils représentaient pour l’Église et pour le pouvoir en place à ce moment-là, mais on connaît essentiellement ce qu’il advint d’eux sans pour autant savoir exactement comment ils y sont arrivés. Le roman de Patrice Quélard propose une lecture intéressante, entre autres, parce qu’il se place avant le massacre et nous livre une évocation plutôt bien croquée de la société de l’époque. Le deuxième point que j’ai trouvé fort remarquable c’est que l’auteur nous en donne une vision démultipliée en passant par le prisme de regards différents et en restant quant à lui tout à fait neutre. Que ce soit à travers les yeux de religieux catholiques ou de bons hommes cathares, de nobles, de bourgeois ou de petites gens, voire de routiers sanguinaires, nous obtenons ainsi des images distinctes d’une même période et d’un même problème. Pour peu qu’enfin le récit mêle grande et petite histoires, et me voilà comblée. Car il est romancé, n’en doutez pas, et des personnages créés de toutes pièces y côtoient des figures historiques bien réelles. J’ai éprouvé une amitié particulière pour Poncia, jeune femme au caractère bien trempé, libre et volontaire malgré l’époque à laquelle elle appartient, et qui évoque le sujet de la place de la femme dans la société.
La lecture pourra sembler ardue à certains, habitués à un registre moins soutenu ; pour ma part, je me suis délectée d’une langue bien tournée, d’un vocabulaire riche et d’un style travaillé. D’aucuns trouveront aussi que l’histoire comporte trop de personnages, mais ces nombreux portraits hauts en couleur rehaussent également l’attrait de ce roman, foisonnant et complet, si tant est que l’on s’exhorte à dépasser les premiers chapitres, car n’oublions pas qu’il s’agit du tome 1 d’une trilogie et que sont ici posées les bases de l’ensemble et introduits les protagonistes. À cet égard, par ailleurs, l’auteur a pris bien soin de nous répertorier les personnages principaux dans les toutes premières pages, ce qui nous facilite grandement la tâche. Alors, oui, en effet, la lecture d’un roman tel que Catharsis 1, Disputatio nécessite une certaine concentration, on ne peut le nier, mais la fresque sociale et historique qu’il nous peint, assortie de ses tensions politico-religieuses et des idées et croyances diverses qui émanent de ses personnages, est tout à fait enrichissante et passionnante.
Le résultat en est un roman riche et dense, qui s’adresse à des lecteurs exigeants, servi par une plume de qualité et doté de surcroît d’une très belle couverture signée du talentueux Brian Merrant. Je salue au passage le travail titanesque qu’ont certainement constitué les recherches documentaires effectuées en amont. Une preuve, s’il en fallait encore une, que l’autoédition recèle de véritables perles. Nul doute que les opus suivants tomberont sous peu dans mon escarcelle où se trouve déjà, acquis lors du Festival du livre de Marseille, le dernier roman de Patrice Quélard, Place aux immortels, couronné par le prix du roman de la gendarmerie nationale 2021.
Parue sur Beltane (lit en) secret
Disputatio, Catharsis T1, Patrice Quélard, auto-édition, 16,99 €