Kadath, le guide de la cité inconnue
Album de grand format et richement illustré, quel bel objet et quel plaisir de le tenir dans ses mains ! Il forme évidemment le complément idéal au recueil Les Contrées du rêve que viennent de publier les mêmes éditions Mnémos, accueilli ici même avec enthousiasme. Ce cycle de Lovecraft contait la grandiose quête de Randolph Carter à la recherche de l’impossible cité de Kadath. Et voici qu’apparaît la cité, dans tous ses détails, grâce à cette parution remarquable : le lecteur de Lovecraft n’en croit pas ses yeux.
Inextricable comme son sujet même, l’album se présente en deux parties mêlées. D’une part, quatre récits se déroulant dans l’univers kadathien, d’autre part une foule de renseignements épars mais précis sur l’univers de ces contrées glacées et hallucinantes. Les nouvelles sont dues à quatre jeunes écrivains français : David Camus (le nouveau traducteur des Contrées), Mélanie Fazi, Raphaël Granier de Cassagnac et Laurent Poujois. Attention elles se suivent ...sans se suivre. L’on passe du premier chapitre de la première au premier chapitre de la seconde etc. Libre au lecteur de les lire ainsi ou de lire le texte d’un seul auteur à la file. Tout cela ajoute bien sûr à cette impression de jungle complexe que rend l’univers fou de Lovecraft.
La nouvelle de Fazi, L’Evangile selon Aliénor, s’attache avant tout à rendre toute la fascination émerveillée de Kadath, plus encore que son horreur. Celle de Camus met Lovecraft lui-même en scène. Aux côtés de ces fictions s’entrelacent mille renseignements pratiques distillés essentiellement en marge. Conçus quasiment comme des notes pour touristes, ils informent le visiteur de Kadath sur ses curiosités monumentales ou économiques, et l’incitent à « arpenter ses rues, à visiter ses temples, à rencontrer ses habitants ». Ainsi, par exemple, saurez-vous tout sur le Pilori des Rêveurs morts, sur les goules, sur les oiseaux-Shantak, sur la gastronomie kadathienne, le Cimetière des Dieux morts, la cité d’Inquanok, le Belvédère des nuages, la Nouvelle Eminence ou... la gare de chemin de fer. Fascinant. Cette fascination est décuplée – à chaque page - par les extraordinaires dessins de Nicolas Fructus, les textes étant en plus imprimés sur un fond illustré. Bien sûr, aucune carte ne manque, des monuments ou lieux cités jusqu’à celle des ’contrées’ entières.
Tout est fait pour le dépaysement total du lecteur, qui se perdra avec le plus grand plaisir au détour de ces méandres oniriques. Cet album est un aboutissement. Aboutissement et accomplissement des rêves les plus fous des amateurs de Lovecraft. Pour le plus grand intérêt du lecteur, je suggère de bien lire l’introduction (p. 2 et 3), petit mode d’emploi de ce guide pour le moins inhabituel. Il tournera ensuite la page et, ébloui d’effroi respectueux, pénétrera dans « Les Rêves de Kadath » comme dans un monument...de rêve.
KADATH, Le Guide de la Cité Inconnue, textes écrits, compilés et traduits par David Camus, Mélanie Fazi, Raphaël Granier de Cassagnac et Laurent Poujois, illustrations de Nicolas Fructus, Editions Mnémos, coll. Ouroboros