Mémoire du vautour (La)
5 parties en boucle.
Le point de vue d’un homme, Bill, grassement payé pour observer une femme, mourante de la leucémie. Femme dont il tombe amoureux ...
Celui de cette femme, Sarah, qui a brûlé les étapes de la vie, perdu sa jeunesse dans les paradis terrestres et dans les paradis artificiels, perdu son enfant et perdu la mémoire par la volonté des militaires américains.
Celle du vautour, via le tigre et Reeltoy, modèle du parfait drogué qui doit encore avoir autant de neurones qu’une vache folle.
Celle de Narathan, le fils de Sarah, qui se perd à chercher sa mère, sur les mêmes chemins et commet les mêmes erreurs.
Celle d’un artiste mythomane, schizophrène, Io-Tancrède, qui boucle le livre, entre moult excès, qui, comme le serpent qui se mord la queue, nous ramène au point de départ qui ne nous semble plus être le même qu’au début...
Les deux premières parties se lisent d’une manière classique, d’un style assez cru mais sans sortir d’une forme assez classique...
L’opus central vous plonge dans un univers qui sent l’arrière salle d’une fumerie d’opium, l’odeur sucrée et mielleuse des joints et tout ce qui provoque l’hallucination permanente.
Le chapitre sur Naratham est à son image : croisement d’une droguée, d’un rêve de refaire sa vie qui se fracasse sur la difficulté de se prendre en charge, d’assumer son état "d’adulte".
Quant à Io-Tancrède, c’est le maillon... fort pour sa folie, faible justement car il est presque impossible de partager sa démesure qui touche à la maladie mentale. Ou alors c’est qu’on est déjà contaminé...
Comment résumer autrement qu’en comparant avec la maladie de la vache folle ? C’est d’autant plus décalé qu’on circule aussi en Inde, pays de la vache sacrée. Mais telle cette maladie, le mal semble d’abord physique, entre solitude et cancer du sang pour finir par vous exploser le cerveau, comme un prion littéraire...
Un prion qui sous l’effet des substances écrit comme les surréalistes en mode automatique, niant la ponctuation, niant la logique, niant ses repères perdus.
Lecture troublante, qui me touche et reste en superficie, comme un "Boulevard de la mort", film de Tarantino : il réveille en moi des nausées de rejet, tout en stimulant la tolérance et éveillant la peur envers les choses qui "n’arrivent qu’aux autres".. et que pour rien au monde, on n’aimerait qu’elles vous rattrapent !
Interview de l’auteur ici !
La mémoire du vautour, par Fabrice Colin, illustré par Olivier Fontvieille, Au Diable Vauvert.