Enfants d'Icare (Les)
Le « cas » Clarke
D’Arthur C. Clarke, la critique retient généralement sa participation à 2001, l’odyssée de l’espace, imposant chef-d’œuvre du regretté Stanley Kubrick. Pourtant, il avait derrière lui une solide carrière de romancier de science-fiction avec des titres comme Les naufragés de la lune, Prélude à l’espace (un des premiers titres de la défunte collection anticipation chez Fleuve noir) et Les enfants d’Icare rééditée par Milady ces jours-ci. Clarke, s’il n’a pas laissé le souvenir d’un grand écrivain, a pourtant laissé une trace indélébile sur le genre via le film de Kubrick bien sûr mais aussi par l’importance qu’il accordait, au fur et à mesure qu’il avançait dans son œuvre, aux présupposés scientifiques. À ce titre il peut être considéré comme un des fondateurs de la hard science dont il a parrainé un des représentants actuels les plus brillants, Stephen Baxter.
Premier contact
L’intrigue des Enfants d’Icare est celle du premier contact de l’humanité avec une espèce plus évoluée, les suzerains, dont l’arrivée sur Terre signe la fin des guerres, des épidémies ainsi que la mise en place d’un gouvernement mondial. Ce changement ne se fait pas sans mal, certains hommes n’acceptant la mise sous tutelle de la planète. Mais Karellen, l’extra-terrestre chargé de « superviser » la Terre, joue sur du velours, n’impose aucun changement brutal tout en jouant de sa supériorité technologique. Et s’instaure un véritable âge d’or… Riche et indolente, matérialiste et ennuyeuse, confortable et sans risques, la civilisation décrite dans Les enfants d’Icare paraît plutôt étouffante : la faute aux suzerains ?
Derrière le mystère de leur apparence – les suzerains attendent 50 ans avant de révéler leur aspect à l’humanité – se cache le secret sur leur motivation. Que veulent-ils ? Le bien de l’humanité par pur altruisme ? Ou alors complotent-ils contre nous ? Clarke est plutôt bon à ce jeu et sait ménager le suspense jusqu’à la révélation du but ultime des extraterrestres : préparer et observer le prochain stade d’évolution de l’espèce, rejoignant ainsi une des problématiques de 2001, avec une quinzaine d’années d’avance. Et ça marche !
Nostalgie, quand tu nous tiens !
Les enfants d’Icare se (re)lit avec plaisir, même si quelques annotations dans le récit datent un peu l’ouvrage : guerre froide, préjugés post coloniaux et aussi aveuglement complet de l’auteur devant la révolution informatique à venir (90% des auteurs de science-fiction ont d’ailleurs sous-estimé, voire ignoré cet aspect du progrès humain, à la glorieuse exception de John Brunner dans Sur l’onde de choc). Il constitue aussi un bon document d’histoire sur le genre. Et, last but not least, la superbe couverture de Manchu est une formidable occasion de rêver !!!
Arthur C.Clarke, Les enfants d’Icare, éditions Bragelonne collection Milady, couverture de Manchu, traduit de l’anglais par Michel Deutsch, septembre 2013, 336 pages, 7,10 €