Brève histoire des morts (Une)

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Pour Laura Byrd, membre d’une expédition en Antarctique, le temps est compté. Après une panne radio, ses collègues sont partis chercher du secours. Lorsqu’elle comprend qu’ils ne reviendront pas et qu’elle est désormais coupée du monde, Laura se lance dans une improbable traversée de la banquise...

Elle brave tous les dangers, surtout ceux de la glace qui fond vite. Car depuis le début du XXIème siècle, malgré une prise de conscience écologique, le trou d’ozone est maintenant visible à l’oeil nu et le climat déstabilisé.

Entre-temps, dans une ville n’existant sur aucune carte, affluent de nouveaux arrivants. Car cette ville est la cité des morts. Ceux qui ont rendu l’âme s’y installent dans une vie provisoire, qui perdure tant qu’ils subsistent dans la mémoire d’un vivant.

C’est là que les récits se catapultent...

Une épidémie anéantit l’espèce humaine et peu à peu, les gens disparaissent de cette ville-fantôme... Mais pas tous...

Pendant des semaines, Laura peuplera l’au-delà de ses souvenirs, animera la ville au rythme de son cœur et tiendra sans le savoir le sort de l’humanité dans le creux de sa main...

Dans le premier chapitre, on se demande de quoi on parle et au détour de la page 16, on comprend qu’on est face à une conception de la mort en laquelle nous ne croyons pas mais dont nous perpétuons pourtant l’idée.

On n’est mort que quand plus personne ne pense à vous. Oui, voilà ce qu’on dit à un enfant pour lui expliquer la mort. "Grand-père est mort, il ne reviendra plus mais il vit dans ton coeur et dans ta tête. Il te suffit de penser à lui."

Kevin Brockmeier construit un récit sur ce principe, nous décrit à la fois la vie de Laura, la survivante, celles des âmes dont elle est "responsable".

Petit à petit, vers un chemin inéluctable, celui auquel on refuse souvent de penser, nous avançons : et qu’adviendra-t-il de tout cela quand plus personne ne sera là pour perpétuer le souvenir ?

J’ai apprécié l’absence d’idée foncièrement religieuse. On est plus dans une conception animiste voire athée de la mort. Le périple sur la banquise est passionnant : on frisonne comme Laura sous les assauts des -56°, on pleure de froid et on se sent dans l’isolement total.

Autre axe de réflexion : et si un jour, on était littéralement "seul au monde". Hanté par la certitude que plus personne ne vous parlera un jour... Devenir fou ou apprivoiser le silence.. avec ou sans l’étendue blanche de neige...

Critique de notre société qui voit à court terme, du consumérisme (c’est une petite canette rouge et blanche de soda qui est le vecteur de contamination), des risques de l’évolution (terrorisme biologique), de l’égoïsme, on y trouve beaucoup d’éléments qui portent à réflechir.

Blanche, originale, surprenante, thriller et sentimentale, une lecture au fond de la couette ou au coin du feu, mais un roman qui vous lave la tête tant il vous poursuit, le volume fermé ou fini.

Illustration hypnotique, très adaptée.

Interview ici

Une brève histoire des morts de Kevin Brockmeier, traduit par Johan-Frédérick Hel Guedj, illustré par Trent Parke, Panama, août 2007

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