BROCKMEIER Kevin 01

Auteur / Scénariste: 


Dites-nous quelque chose à votre propos ? Qui êtes-vous ?

Je suis l’auteur de deux romans et de deux collections, ainsi que de pas mal de livres pour enfants. Mais « Une brève histoire des morts » est le premier de mes livres à avoir été traduit en néerlandais ou en français. J’ai récemment fêté mes 35 ans. Certains jours, je me sens comme un jeune enfant et d’autres un homme âgé. Je vis à Little Rock, Arkansas, où j’ai grandi.

A quel âge avez-vous commencé à écrire ?

Je ne savais pas que je voudrais devenir un auteur à temps plein avant la dernière année de l’université. Mais déjà, j’étais un lecteur vorace et j’écrivais pour mon propre plaisir depuis que j’ai appris à aligner les mots en phrases, donc environ 7 ans.

Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

La plupart des ces histoires étaient des mystères où je jouais le rôle du détective et je solutionnais la disparition de l’un ou l’autre de mes compagnons de classe. Par exemple « Le cas de la disparition d’Eric Carter ». J’ai récemment déménagé et j’en ai découvert plusieurs en déballant de vieilles caisses que ma mère gardait pour moi. Les relire m’a confirmé l’impression que les très jeunes enfants ont une personnalité complexe et sont remplis d’humanité.

Comment écrivez-vous ? Est-ce une profession pour vous ?

Oui, je vis de mon écriture depuis 6 ans même si j’ai été professeur consultant dans un groupe d’écriture en Iowa pendant un semestre en automne 2005. Quand je m’investis dans un projet, j’essaie d’écrire tous les jours, entre 5 et 7 heures sur mon ordinateur à la maison. Je travaille très lentement, ajoutant petit à petit quelques centimètres, étirant ma phrase vers une autre jusqu’à ce que je finisse le dernier paragraphe d’une histoire.

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

J’écris aussi par gratitude envers les livres que j’ai aimés et pour les imiter. Avec certitude, il y a des auteurs qui ont eu un rôle important comme critique ou comme connaisseur de certains aspects de la société moderne, mais je crois que le rôle le plus important de l’auteur de fiction est le même maintenant que celui qu’il a toujours été : parler à l’individu et à son cœur, nous faire découvrir d’autres vies et nous aider à approfondir la nôtre.

D’où vous est venue l’idée de base de « Une brève histoire des morts » : que l’on est toujours un peu en vie tant que quelqu’un vous fait vivre dans sa mémoire ?

Depuis que j’ai publié ce roman, je découvre qu’il y a une notion commune à plusieurs traditions religieuses, mais l’idée m’est d’abord venue en lisant un livre de James Loewen « Lies My Teacher Told Me » (ndlt : non traduit en français), une œuvre de non-fiction sur la pauvreté de l’enseignement de l’histoire dans les universités américaines. Loewen fait référence à des notions du folklore africain qui m’ont servi pour la base de « Une brève histoire des morts » et que vous trouverez aussi dans l’épigraphe du roman : les trois territoires de l’existence : la vie, la mort sans l’oubli et la mort avec l’oubli.

Cette « philosophie » de rester en « vie » est en vérité une manière classique d’expliquer la mort aux enfants. Etait-ce une habitude dans votre famille ?

Je ne me rappelle pas de cette idée dans ma famille (mes deux parents ont reçu une éducation catholique, alors que mon frère et moi avons été éduqués en méthodistes). Mon premier roman « The truth about Celia » traite des efforts d’un homme pour accepter la perte d’un enfant, et il est possible que ma conception de la notion de la vie après la vie était présente quand j’ai écrit ce livre.

Pensez-vous que votre roman est écologique ou (ou /et) une réaction au consumérisme ?

Je pense que c’est les deux à la fois, mais seulement de manière indirecte. D’abord et principalement, il s’agit de la vie même des personnages impliqués dans l’histoire, sur les chemins qui les relient par la mémoire et sur la façon dont ils évoluent ou échouent dans leur évolution, considèrent leurs histoires et sont confrontés à leurs visions d’un monde qui finit. Cela dit, il me semble que le prochain siècle sera comme un grand concours entre la négligence et l’ingéniosité humaine. Et je suis bien incapable de prédire lequel va être le plus fort.

Que pensez-vous des autres romans qui ont été écrit sur l’écologie avant le vôtre ?

Je suis fan de ce que vous pouvez appeler « le roman d’écologie étrange » dans lequel l’environnement mondial est totalement transformé par des forces qui sont soit imparfaitement soit pas du tout comprises. Le meilleur exemple pour illustrer mon idée est la fiction courte de J. G. Ballard, dans laquelle les différentes apocalypses qui affectent le monde sont présentées de manière à être belles et troublantes.

Avez-vous déjà visité un « pays de glace » comme l’Islande ou le Pôle Nord ? Est-ce que cela vous attire ?
_Non, je n’ai visité ni l’Islande ni le Pôle Nord, ou l’Antarctique dans ce cas. Franchement, j’ai déjà pas mal de difficulté à me maintenir en bonne santé dans le climat tempéré de l’Arkansas et je soupçonne que je ne tiendrai pas bien dans un « pays de glace ». J’avais besoin d’un environnement qui permettait d’expliquer le total isolement du personnage et je me sentais bien avec les idées et les phrases que m’inspirait le paysage polaire.

Dans votre roman, la solitude apparaît comme un personnage en soi. Est-ce que cela vous effraie ? Pensez-vous que la solitude est le problème le plus important dans une nouvelle société de communication ?

La vie d’un auteur –tout au moins ma vie d’auteur- est en soi pas mal solitaire. Je ne peux pas affirmer que la solitude me fait peur, précisément, mais le manque constant de communion face-à-face avec d’autres humains me semble être une vraie perte, perte que les technologies les plus récentes exacerbent.

La subversion, l’engagement politique a-t-il toujours sa place dans le choix d’écrire de la science-fiction plutôt qu’autre chose ?

Je pense que oui, ou au moins il faudrait l’essayer. Quand vous regardez des auteurs comme Samuel Delany, Stanislaw Lem, Walter Tevis ou Dino Buzzati (qui ont tous écrit leurs meilleurs livres dans la tradition de la SF), vous découvrez les récits qui sont subversifs et engagés politiquement, tout comme Graham Greene ou Bohumil Hrabal, deux auteurs réalistes essentiels dont j’aime aussi beaucoup les livres.

Considérez-vous la SF comme faisait partie de la littérature, ou ne faisant pas partie du mainstream ?

J’ai tendance à penser que la distinction entre le récit fantastique et le réaliste ne tient pas longtemps la route aussi tôt que tu considères le véritable talent. Selon moi, la meilleure science-fiction est écrite avec la même qualité dans la puissance, l’exactitude et la complexité des sentiments humains – et aide à faire comprendre aussi bien le fait d’être en vie – que le meilleur de la littérature « mainstream ».

Quel est votre auteur de fantastique préféré ?

Aux E-U, au moins, il y a une distinction en marketing – pas d’un point de vue artistique – entre la fantasy publié comme un genre fictionnel et la fantasy qui est édité comme une littérature de l’imagination. Donc je vais vous donner un titre pour chaque genre : pour le premier Peter S. Beagle (et son meilleur livre « A Fine Private Place » – ndlt : non traduit) et pour l’autre Italo Calvino (avec « Le Baron perché »).

Quel est votre auteur de littérature générale préféré ?

La liste est longue, outre les nombreux noms déjà évoqués. Mais s’il faut en ajouter, je dirais William Maxwell, qui a écrit des romans et des nouvelles poignants, plein de grâce, de compassion et qui ouvrent les yeux, dont le meilleur est sous forme de mémoires de sa propre vie qui a été marquée et épurée par le passage du temps. Ce livre est apprécié par une bonne partie des écrivains que je connais, mais je ne suis pas sûr qu’il soit aussi réputé en dehors des E-U.

Quel est votre roman de fantastique préféré ?

En suivant la distinction de la question précédente, dans le genre fantasy et le genre littérature de l’imaginaire – et laissant de côté les auteurs déjà cités- je dirais Philip Pullman avec la trilogie « A la croisée des mondes » et Mikhail Bulgakov « Le maître et Marguerite ».

Quel est votre roman hors fantastique préféré ?

Encore, outre les précédents, je dirais "Housekeeping" de Marilynne Robinson (ndlt : non traduit), une histoire lyrique et méditative sur la perte et les fragiles liens dans une communauté, raconté par une jeune fille qui est hantée par le suicide de sa mère.

Quel est votre film de fantastique préféré ?

Je suppose qu’il s’agit du Ang Lee « Tigre et dragon » encore que ses éléments de fantastique sont un peu sous-entendus. D’autres seraient : Geoff Murphy ( « Le dernier survivant »), James Whale (« Frankenstein »), Harold Ramis ( « Un jour sans fin ») et une récente découverte Rene Laloux (« La planète sauvage »).

Quel est votre film hors fantastique préféré ?

Sans aucun doute, c’est « Ponette » de Jacques Doillon, un film comme aucune autre œuvre, tout support confondu.

Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?

Parmi les 5 ou 10 livres les plus fréquemment cités par les critiques comme les meilleurs romans du 20ème siècle, celui que j’admire le plus et aussi celui que je pense être plus que probablement un pilier de la littérature en soi, bien plus qu’une œuvre de l’histoire de la littérature, c’est « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez.

Quel est votre principal trait de caractère ?

Cette question est trop difficile pour que j’y réponde moi-même… Donc j’ai demandé à quelques amis de m’aider. A l’unanimité, c’est « plein d’attention » qui leur est venu à l’idée. Il y a d’autres réponses comme : précis, qui ne paie pas de mine, subversif, ordonné, attentif, mystérieux, raisonnable, paradoxal et … timide.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

Le bruit, la mode et le profond ridicule.

Outre l’écriture, quels sont vos hobbies ?

Lire, rêvasser, aller au cinéma, discuter, sortir dîner dehors, écouter de la musique et penser avec nostalgie aux gens que j’ai connus et que je ne vois plus, aux expériences passées, à ce que j’étais et ne suis plus.

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

J’adorerai pouvoir chanter avec passion et émotion – ou dans le cas de figure totalement imaginaire, j’aimerai avoir une paire de bottes de 7 lieues pour me permettre de me déplacer loin en un seul pas.

Quel est votre rêve de bonheur ?

Une vie pleine d’amour, de santé, de grands livres et entouré d’amis.

Par quoi êtes-vous fasciné ?

Certains livres et albums, des films, les enfants et l’enfance, les subtilités et la maîtrise d’un travail, les contes de fées, l’idée de la perte, l’eschatologie, le ciel la nuit, les mots rares, faire des listes, les petits puzzles métaphysiques, la qualité de la lumière et la couleur, les démonstrations de mémoire, les animaux et les amours malheureuses –enfin c’est une petite partie de la liste !

Vos héros dans la vie réelle ?

La plupart, bien sûr, sont des gens que j’ai personnellement connus, qui ont une gentillesse, de l’honneur et de la créativité, mais en particulier deux personnages publics comme Qutb al-Din al-Shirazi, l’astronome persan du 13ème siècle qui a le premier donné une explication correcte du phénomène de l’arc-en-ciel et Léon Tolstoï, l’ardeur et la dignité qu’il a mises dans ses pensées et écrits et son dernier mot « Je ne comprends pas ce que je dois faire ».

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ?

1. j’aimerai une vie avec une parfaite santé

2. j’aimerai pouvoir faire revenir tous les gens que j’ai connus

3. J’aimerai une paire de bottes de 7 lieues

Votre vie est-elle à l’image de ce que vous espériez ?

Je suis assez content de ma carrière, un peu moins de ma vie privée mais je ne sais pas si j’ai jamais eu un rêve précis concernant ma vie future quand j’étais plus jeune.

Citez-nous 5 choses qui vous plaisent.

1. les lettres manuscrites

2. les boissons glacées

3. le groupe Susanna and the Magical Orchestra

4. les photos haute résolution de l’espace lointain

5. les girafes

Cinq choses qui vous déplaisent

1. écrire sans rendre hommage à la langue

2. voyager

3. les douleurs d’un ulcère

4. l’hégémonie tyrannique de la politique culturelle américaine

5. ma continuelle gêne au sujet de choses stupides que je dis ou que j’ai dites autrefois.

Last but not least une question classique : vos projets ?

J’ai une nouvelle collection d’histoires « The View from the Seventh Layer » qui sort aux E-U dans deux mois. Donc je pense que je vais voyager pour en faire la promotion. Mais là, maintenant je m’apprête à commencer un nouveau roman.

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