BOUSQUET Charlotte 01

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Pourquoi avoir choisi le pays des Inuits pour ton histoire ? Est-ce un "pays" qui te fascine ? Une civilisation qui t’interpelle ?

Plusieurs raisons, en fait. La plus évidente : j’aime les ours, polaires ou non - et la faune arctique en général. Ensuite, la faute en revient à mon époux, Fabien Fernandez, qui pour différents projets (son album Voyage polaire et un univers de jeux de rôles), s’est plongé dans les ouvrages de Jean Malaurie sur les Inuits. De fil en aiguille, je me suis également intéressée à ces peuples qui ont subi et subissent encore la même "destruction programmée" que les Natifs américains. Enfin, l’idée du Dernier ours s’est précisée avec deux numéros de National Georgraphic : l’un consacré à l’ours polaire, avec cette image affreuse de l’ours partant à la dérive sur son iceberg (et personne ne bouge évidemment pour le tirer de là, mais c’est une autre histoire...), condamné à mourir de faim, l’autre évoquant les conséquences du réchauffement climatique au Groenland, "faux bienfait" puisque les gens se mettent à cultiver des pommes de terre et élever des moutons sur une terre extrêmement difficile, mal adaptée... Je ne suis pas fascinée par les Inuits et le Nord, mais j’ai eu l’impression, en me documentant sur eux, de me confronter à l’altérité, dans la mesure où leur mode de vie, de pensée est complètement différent du nôtre. Leurs contes, parfois absurdes, souvent cruels, le montrent bien.

Ton héroïne connait une symbiose avec un ours polaire. Penses-tu que cela soit faisable dans la réalité ?

S’il s’agit de manipulation génétique, franchement je n’en sais rien mais la science n’ayant pas nécessairement de conscience... S’il s’agit de la complicité pouvant unir un animal et un humain, cet animal fut-il au départ sauvage, oui. Mais attention, il ne s’agit pas du tout de prôner l’imprégnation, qui est en réalité une violence faite à l’animal. Il s’agit d’apprivoisement mutuel et de respect de l’autre. A ce titre, les exemples de la pianiste Hélène Grimaud, de Diane Fossey ou de Kevin Richardson sont très parlants.


Que penses-tu des problèmes climatiques, écologiques que connaît notre Terre ?

Nous sommes entrés dans la 6ème ère d’extinction, la première causée par l’humain et la plus spectaculaire (en 150 ans, un nombre incalculable d’espèces a disparu, temps record quand on sait qu’il faut d’habitude plusieurs milliers d’années pour arriver à ce résultat). Cela fait très longtemps que les climatologues mettent en garde les gens - en particulier les politiques - contre les conséquences du réchauffement climatique, et surtout, contre ses causes (CO2, surexploitation des forêts, surexploitation des mers, etc.). Mais jusqu’à présent, tout le monde s’en foutait. Et même aujourd’hui, entre les pays comme les USA et la Chine qui produisent à eux seuls la moitié des émissions de gaz, l’Europe qui s’enferre dans des logiques ultralibérales, au mépris de tout (humain, animaux, nature), on est mal barré. Je ne sais plus où j’ai lu qu’on avait déjà consommé ce qui était "viable" pour un an... en six mois. Il y a deux ou trois ans, il était envisagé de tout faire pour ne pas dépasser, en 2040 (je dis ça de mémoire, c’était peut-être 2020) une augmentation de 2 degrés, sauf qu’on a déjà passé cette barre. Cela signifie à terme plus de famines, plus de guerres... Le problème, c’est que nous vivons une crise globale : une crise née d’une frénésie de croissance et de profit au mépris de tout (à ce propos, il faut absolument lire Un si fragile vernis d’humanité de Michel Tereschenko et Chimères et paradoxes de Loup Verlet) ; nous sommes formatés pour être des consommateurs (non des humains) et pour croire une logique du chiffre (mathématique, froid, rassurant... même s’il est faux), pour considérer nos intérêts égoïstes avant tout... C’est un peu l’histoire du type qui a un jardin : il "éradique" tout ce qui nuit à ses fleurs en utilisant du DDT, s’étonne que son sol soit pourri et finit par empoisonner le chat du voisin qui bousille ses maigres plates-bandes, sans une seule fois remettre en question son parcours de jardinier en herbe. Je crois qu’il est temps de se mettre dans la peau de ce type et de réfléchir à notre façon d’envisager notre rapport à ce jardin dévasté qu’est devenu la terre. Je me demande juste s’il n’est pas trop tard.

Charlotte Bousquet est-elle "active" dans la préservation de la nature ?
En dehors des gestes du quotidien ?


Oui, je soutiens plusieurs organisations, signe beaucoup de pétitions, et comme je ne suis pas une femme de terrain, j’essaie de faire réfléchir les gens par le biais de mes écrits - comme Le Dernier ours, par exemple, mais aussi le cycle de La Peau des rêves qui montre un "après", mais aussi via mon blog ou encore des anthologies dont les droits sont reversés à des associations (un Crépuscule des loups 2 est en projet.)

Est-ce difficile d’écrire un thriller pour la jeunesse ?

Non. L’exercice du thriller est difficile, dans la mesure où il faut garder une tension durant tout un roman, mais c’est passionnant. Je pars du principe que les ados n’ont pas moins de neurones que les adultes, donc je ne fais pas de vraie différence. S’il y a des passages trop trash, mes éditeurs me demandent de rectifier le tir et voilà. Ce qui n’a d’ailleurs pas été vraiment le cas avec Le Dernier ours.

T’es-tu enfermée dans son frigo pour te mettre dans la peau des personnages niveau "froid" ?

Non, j’étais en plein été... J’imagine qu’écrire sur le Groenland m’a évité d’utiliser un ventilateur !

Quels sont tes projets ?

Eh bien, là, je termine L’Aube des cendres, quatrième tome de la Peau des rêves, qui se déroule dans un Berlin dévasté, durant un hiver de 6 mois... Ensuite, j’ai deux nouvelles historiques au menu (pour Gulf Stream), et, toujours pour Gulf stream, une trilogie fantastique pour les 11-13 ans qui devrait m’occuper jusqu’à fin janvier. Niveau sorties : Le Dernier ours (Rageot thriller) le 10 octobre, Les Chimères de l’aube (La Peau des rêves 3, Galapagos) le 6 novembre, Rouge tagada (Gulf stream), un roman graphique illustré par Stéphanie Rubini fin janvier 2013.

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