Ceux qui sauront
La France de 2008 est une monarchie sur laquelle règne le Roi Jean. La société française se compose en partie d’aristocrates et de riches bourgeois, qui ont à leur disposition les ressources et les technologies les plus modernes. Clara est l’aînée d’un proche conseiller du roi et, après une éducation partielle et sommaire, elle doit rejoindre la demeure de son futur époux. Mais un banal accident de voiture va sortir la jeune fille de son cocon et la confronter à une autre réalité.
Le reste de la société est en effet constitué par les cous noirs, des hommes et des femmes qui travaillent comme au Moyen-âge pour gagner de quoi échapper à la faim et au froid. Jean est un adolescent qui sort rapidement de l’enfance lorsqu’il suit son père pour travailler sur un domaine agricole. Il essaye néanmoins de poursuivre son apprentissage de la lecture (un crime pour un cou noir), mais le destin va bouleverser l’équilibre fragile de son univers et l’entraîner dans de folles aventures.
Pierre Bordage propose une uchronie qui décrit une société bipolaire : une haute société ayant accès au réseau informatisé, aux véhicules, au savoir, et le peuple, dont les conditions d’existence ressemblent à celle des ouvriers de la fin du 19ème siècle décrits par Zola. C’est un monde dur où la violence est omniprésente, et où le savoir, source de revendication, de révolte et de pouvoir, est devenu un enjeu mortel pour ceux qui s’y aventurent.
Le récit ne souffre d’aucun temps mort et les rebondissements se succèdent à un rythme échevelé, soutenu par une écriture juste et efficace. Le récit tend vers la chronique, l’auteur s’attachant à rester neutre dans la présentation des événements, même s’il termine sur une note (ténue) d’espérance pour les héros. Ce très beau texte fait réfléchir à l’évolution de la société moderne dans laquelle il a été écrit, et interroge sur sa véritable nature : uchronie ou anticipation ?
Ceux qui sauront de Pierre Bordage, couverture de Vincent Madras, J’ai Lu