Passagères de l'Albatros (Les)
André-Jean Bonelli a plusieurs vies : dans l’une au moins, il est médecin à la retraite. Et compagnon éblouissant. Les passagères de l’Albatros proviennent de sa face obscure, de son talentueux tribut rendu à la science-fiction, genre littéraire dans lequel il œuvre depuis les années soixante-dix.
Ce roman, sans doute difficile à trouver car il est paru dans une maison d’édition de Bastia, attirera tous ceux qui aiment l’écriture romantique, tous ceux qui préfèrent l’ambiance fantastique et floue de certains Daphné du Maurier aux incantations sauvages et aux descriptions longuettes des Dan Brown et autres Crichton. L’histoire démarre tranquillement pour nous placer sans à coup dans un espace-temps délirant. L’auteur suit pas à pas son héroïne, Jany, une jeune femme étrange, qui semble se tenir toujours en dehors du monde réel : Jany au double visage, sérieuse et appliquée dans son travail, rêveuse et anarchiste dans sa vie privée. Cette vie privée apparemment solitaire est emplie de créatures magnifiques, de rencontres sensuelles, de voyages au long cours, sur un bateau majestueux, blanc et élancé, rapide, l’Albatros.
Comme dans un roman de Marcel Aymé, le merveilleux est pour Bonelli un instrument simple d’usage. Soudain, un jour, l’appartement de Jany disparaît et elle se retrouve dans un monde irréel et parfaitement connu, le monde rose et bleu de ses fantasmes. Surtout, elle rencontre « en vrai » sa sœur imaginaire, la belle Anne. Vraiment ? Il est difficile de l’affirmer tant l’auteur se refuse aux conventions classiques du propre et du figuré, préférant nous faire évoluer dans un monde d’apparences, de belles apparences. Au risque parfois d’une certaine mièvrerie, d’un sentimentalisme doux et sucré jusqu’à l’excès, mais ce ton là est précisément celui qui procure la plus persistante des illusions, celle de la sécurité. Or, Jany est en danger, en danger de perdre pour toujours la belle Anne et ses caresses si douces et intenses. Suspense trouble, jeu avec les doubles et la perte des repères, le voyage est-il purement onirique ?
Ne vous posez pas trop de questions, abandonnez-vous aux gestes équivoques et aux propositions malhonnêtes. L’érotisme est la seconde ligne de fond du récit, comme si la découverte du monde de l’inconscient se mêlait d’une sensualité renouvelée. Et terriblement volatile. Il s’agit donc ici de découvrir et d’égarer, d’obtenir et de dissiper. Le tout sans trop de nostalgie. Avec la belle constance des humains.
Site de l’auteur : http://www.bonelliromansf.com/
André-Jean Bonelli, Les passagères de l’Albatros, Ed. Anima Corsa, Bastia, 2006