BIEFNOT Véronique 01
Véronique, tu as fait des études de lettres, tu fais de la peinture, tu écris. Comment peut-on te présenter ?
C’est vrai que ce côté parfois qualifié de touche-à-tout n’est plus tellement privé à l’heure actuelle. Quoi que, c’est en train de changer. Si on imagine la définition du parfait gentilhomme ou la vision des arts à la Renaissance, il était tout à fait normal de s’intéresser à tous les arts. Et chacun, dans certains milieux, avait une approche de la musique, de la peinture. Malheureusement, je trouve qu’on vit dans une société où on a tendance de demander aux gens de devenir de plus en plus spécialisés dans un domaine. On peut le voir dans la médecine, par exemple. Maintenant, les spécialistes s’intéressent à tel organe et ne regardent pas ce qui a autour. C’est un peu pareil pour les arts, avec cette petite différence, que l’art et l’artisanat sont à la portée, et surtout, potentiellement intéressent tout le monde. Tout le monde écoute de la musique, tout le monde peut être sensible à la peinture, au cinéma, à la lecture.
J’ai toujours trouvé cela intéressant pour mon équilibre personnel. De m’ouvrir à un maximum de choses et dans la mesure où tout ce qui est créatif est pour moi essentiel, j’ai besoin de créer. Créer, cela peut être écrire, peindre. Mais cela peut aussi être : jardiner, cuisiner, coudre. Cela peut être un tas de choses. Je pense que c’est important dans la vie. Et pour moi, aussi loin que je me reporte, cela a toujours été essentiel.
On va un peu parler de ta peinture. Quand est-ce que tu as commencé à peindre ? Comment cela t’est venu ? Et comme peut-on décrire ton style ?
Il a évolué et il évolue encore. J’ai toujours dessiné et j’ai commencé à exposer très jeune, à 15 ans en autodidacte. Et puis, je suis venue à Bruxelles et j’ai fait une licence, une agrégation à l’ULB en philo et lettres, tout en continuant à peindre. Et après l’université, j’ai fait à la fois le Conservatoire en art dramatique et les beaux-arts en peinture. Donc, j’ai une formation classique. J’ai commencé par faire du figuratif et puis voilà, cela évolue. Je travaille toujours sur d’assez grands formats, même parfois pour des filmographies théâtrales. J’ai joué dans Le dieu du carnage, où j’avais fait la peinture qui servait de toile de fond. Et celle-là, elle faisait dix mètres sur six. C’était gigantesque de travailler avec des poulies. Mais j’adore ça ! Il y a un petit peu un combat avec la matière, avec la peinture. Mais je fais aussi des plus petites choses : de l’encre, de la calligraphie, des aquarelles.
Tu as fait des études au conservatoire. Pourquoi t’es-tu lancée dans la carrière de comédienne ?
D’abord par hasard. J’ai commencé à faire du théâtre à l’ULB, au théâtre universitaire. Je n’avais pas imaginé devenir comédienne. J’ai commencé l’unif très tôt à 16 ans, et donc, j’avais fini à 20 ans. J’ai donné quelques cours de français en rhéto à l’athénée d’Ixelles. Mais j’avais 20 ans, c’était un peu jeune. Je me suis dit « Non, je ne veux pas devenir tout de suite prof ». Le metteur en scène avec qui j’avais travaillé au sein du cadre universitaire me conseillait de continuer et j’ai présenté l’examen d’entrée au Conservatoire. Il se fait que tout de suite, après 3 mois, j’avais mon premier contrat dans un théâtre professionnel, le Théâtre des Galeries. J’avais le rôle principal d’une pièce et cela a démarré tout de suite, comme ça. J’ai tout de suite beaucoup joué. Et j’ai aussi commencé cette année-là à faire de la télé.
Tu as aussi bien joué au théâtre qu’à la télévision. Quelle est pour toi la principale différence ?
Il y en a plein ! D’abord le contact avec le public. C’est la différence fondamentale. Au cinéma et à la télévision, on a un média qui fait barrage. On n’a pas le retour immédiat du public. La seconde chose, que j’apprécie au théâtre, c’est que même si c’est un travail d’équipe parce qu’il y a le texte de l’auteur, il y a la mise en scène du metteur en scène (je fais aussi de la mise en scène), il y les décors, les costumes et puis il y a l’acteur. Quand la représentation démarre, l’acteur (ou les acteurs) est seul en scène. Donc, il y a un vrai travail de création, un vrai travail de contrôle du rythme. Toute une série de choses très techniques et il y a aussi une interaction avec le public. Parce que deux représentations ne seront pas les mêmes, en fonction de l’écoute, d’un tas de paramètres qui sont liés au facteur humain, je dirai. Et donc, c’est passionnant parce qu’il y a un vrai travail à faire au quotidien pendant la représentation.
Au cinéma par exemple, on ne sait pas très bien le résultat. On ne le connaît pas. L’acteur donne quelque chose et puis le réalisateur va prendre ce qu’il veut. Il peut couper, il peut faire un gros plan sans que l’on soit forcément au courant, ou bien on peut être dans un plan large. L’acteur est beaucoup plus manipulé au cinéma. Il n’y a pas tellement besoin de technique, c’est la raison pour laquelle il y a des gens qui font du cinéma sans avoir une formation d’acteur. Pas besoin d’une technique particulière au cinéma. En revanche, la pose de voix, la respiration, ce sont des techniques que l’on doit absolument apprendre.
La télévision, il y a tout de même un montage. Il y a ce rapport étrange de pseudo intimité. Les gens reçoivent dans leur salon la personne qui est à la télé. Ils ont un sentiment d’impunité parce qu’il y a une proximité, ce qui n’est pas forcément le cas de la personne qui a été diffusée. Donc cela induit de drôles de rapports.
Tu as joué des rôles totalement différents, assez forts. Quel est celui qui t’a le plus marquée ?
J’ai joué dans plein de registres, la comédie, mais dans des choses plus pointues comme des créations au Varia. Je pense à une pièce de Jean-Marie Piemme qui s’appelle Scandaleuses. Et on a eu une grande chance, on était quatre comédiennes. Cela s’est joué un peu partout en France. Jean-Marie Piemme a écrit cette pièce pour nous, c’est-à-dire pour les quatre comédiennes, en pensant à nous. Et ça, c’est un cadeau incroyable ! Des rôles qui ne nous ressemblaient pas, mais qui avaient été écrits pour nous. C’était du théâtre avant-gardiste. C’était assez tôt dans ma carrière.
Mais j’ai joué Susanneke dans Le mariage de mademoiselle Beulemans. C’est un monument parce que cela touche tout le monde. On l’a joué énormément, et dans la salle il y avait des gamins, des personnes très âgées. C’est folklorique ! Au-delà de ça, c’est une pièce très touchante et très bien écrite. Elle est écrite pratiquement comme une pièce classique, avec les mêmes ressorts et c’est un plaisir de jouer ça. Oh ! J’ai beaucoup joué. J’ai joué du classique, j’ai joué de tout. C’est la seule fois où les gens dans la rue m’appelaient « Susanneke ». C’était incroyable. C’est un très bon souvenir.
Tu fais aussi de la mise en scène ?
J’en ai fait un petit peu. J’ai notamment fait au Théâtre Public Les combustibles d’Amélie Nothomb. J’ai fait Garbo n’a plus le sourire au Théâtre du Parc, qui est une création d’un jeune auteur suisse. Je fais souvent des mises en espace. C’est très chouette aussi. Ce sont des lectures de pièces qui n’ont pas forcément encore été éditées et qu’on propose à un public intéressé. Je fais cela très régulièrement.
C’est comme le rapport à l’art d’une manière générale avec la peinture, l’écriture, le jeu. En quatre, tout m’intéresse. Que ce soit la technique. J’ai fait des patines de décors, j’ai fait des trompe-l’œil. Que ce soit la mise en scène, que ce soit l’écriture, j’ai fait des adaptations théâtrales de romans. J’ai fait énormément de costumes. J’ai un atelier de costumes avec des couturières qui travaillent pour moi. Tous les aspects m’intéressent.
Est-ce que cette façon d’écrire t’a aidée pour écrire la suite des romans, des nouvelles ?
Je pense que oui ! Je ne sais pas si cela m’a aidée mais cela m’a donné un rythme. De manière un peu instinctive, j’écris des scènes, des chapitres assez courts. Pour moi, je ne réfléchis pas quand je commence un chapitre. Des scènes, j’appelle ça des chapitres. Quand je commence un chapitre, je ne me dis pas : tiens, il va faire 3 pages ou 12 pages. Je ne calibre pas cela à l’avance. En revanche, il y a un moment dans l’écriture où je me dis que c’est bon. On passe à la scène suivante. Et je me rends compte que cette confiance-là, ce rythme-là viennent du théâtre où il y a une notion de scène. Et lorsque la scène est finie, il n’y a pas de raison d’en rajouter.
Et tu as commencé à écrire des romans et des nouvelles quand ça ? Tu as d’abord commencé par l’écriture de scénarios ? De mise en scène ? Et puis sont venus les textes, disons plus classiques ?
Oui. Des nouvelles, j’en écrivais. Des nouvelles, des poèmes, des aphorismes, un peu comme tout le monde qui a envie d’écrire. Mais je n’avais pas écrit un roman, car s’attaquer à un roman ça me fait peur. Je n’y arriverai jamais, ou bien je n’aurai pas la motivation suffisante, le temps. Et donc j’ai fait pas mal d’adaptations théâtrales et très souvent je faisais face à des directeurs, des metteurs en scène qui me disaient « Mais tu écris drôlement bien. Pourquoi n’écrirais-tu pas de roman ? » Et un jour, à force d’entendre ça, je me suis dit « Mais dans le fond, ils ont peut-être raison. Je vais essayer. Après tout, qu’est-ce que je risque ? ». Juste de consacrer du temps, voire beaucoup de temps.
Lorsque j’ai commencé mon premier roman Comme des larmes sous la pluie, je ne connaissais absolument personne dans le domaine de l’édition. Je n’avais aucune perspective, aucune idée de comment me faire éditer. Je pense même que je ne pensais pas à me faire éditer. Je me demandais d’abord si j’allais y arriver. Juste pour ma satisfaction personnelle. Et j’ai entamé cette histoire en me disant : « Le vais écrire 10 pages et puis je vais caller parce que je travaille à côté, parce que j’ai trois enfants, parce que je n’ai pas le temps, parce que, parce que… ». D’autant que lorsque je jouais Les dieux du carnage pendant l’écriture de ce premier roman, on était beaucoup en tournée. Donc, je l’ai écrit dans ma loge, dans le train, à l’hôtel, dès que j’avais un quart d’heure ou une heure, à gauche à droite, j’écrivais. Et puis, à 10 pages, 20 pages, 100 pages, wow ! Cela commence à ressembler à quelque chose. À 200 pages, 300 pages… ah ! Le roman est fini ! C’est la première surprise.
Et pendant que je jouais au théâtre public, je suis arrivé avec le manuscrit et je l’ai donné au directeur. C’était une des personnes qui m’avait dit « Mais enfin, mais pourquoi tu n’écris pas de roman ? ». Et je lui ai dit « Tiens, si tu as un peu de temps, tu peux lire ça et me donner ton avis ? » Il me dit « Mais c’est quoi ? ». « Un roman ! Tu m’as dit “Pourquoi tu n’écris pas un roman ?”, j’ai écrit un roman ! ». « Mais enfin, tu es folle ! ». Et puis, il m’avait prévenue « Je n’ai pas beaucoup de temps, je sais pas ». Et puis, quelques jours plus tard, il a déboulé dans ma loge en me disant « Ecoute, je l’ai feuilleté pour voir ce que c’était, et puis j’ai été pris par l’histoire. J’adore ! » C’est chouette, parce que c’était le premier avis extérieur en dehors de la famille. On sait bien que ce n’est pas complètement objectif. Lui-même me dit « Moi, je te connais, j’ai aimé, mais est-ce que mon avis est objectif ? ».
Il a eu une idée amusante, mais un peu stressante. Il a fait quelques copies de ce manuscrit et il en a distribué à des spectateurs du théâtre public sans leur dire qui l’avait écrit, avec un questionnaire à la clé. Les gens rentraient leur questionnaire avec leurs coordonnées téléphoniques. Et puis, moi je leur téléphonais pour leur dire que c’était moi qui l’avait écrit, comme une employée du théâtre, pour leur poser des questions plus précises par rapport au bouquin. C’était hyper stressant parce que les gens rendaient leur questionnaire sans savoir qui avait écrit le bouquin. Donc, il n’avait aucune censure pour donner leur avis. Et au téléphone, pareil ! Les gens ne savaient pas qu’ils avaient l’auteur au téléphone. Je décrochais mon téléphone chaque fois que j’ouvrais une enveloppe. Je me blindais en me disant que je vais peut-être en prendre plein la tronche. Des choses qui ne vont pas me faire plaisir. Et puis, il se fait que cela s’est très bien passé, que les réponses ont été super positives. Et que parmi ces personnes, il y avait quelqu’un qui a remis ce manuscrit (photocopie) à Marianne Pêtre qui est la première libraire chez Filigranes. Cette Marianne Pêtre l’a aimé, l’a donné à Marc Filipson qui l’a aimé sans que je le sache. Ce sont des gens que je ne connaissais pas du tout. Héloïse d’Ormesson, qui est mon éditrice principale, venait en signature avec un auteur la semaine suivante. Marc Filipson lui a donné mon livre et une semaine après j’étais à Paris pour signer le contrat. C’est un peu un conte de fées et je n’ai pas réalisé tout de suite. Je me suis rendu compte après, dans des salons, quand je rencontre des auteurs qui galèrent, qui écrivent depuis des années sans possibilité de se faire éditer. C’est très compliqué. J’ai eu une chance dingue !
À la lecture de ton premier livre, c’est vraiment un mélange détonnant. Je trouve un Guillaume Musso pour le côté sentimental, et un Jean-Christophe Grangier pour tout ce qui est noir et glauque. C’est un mélange étonnant qui nous amène au tréfonds de la psychologie aussi bien dans les côtés clairs que les côtés sombres. Comment cela t’est venu ? Peux-tu nous en parler ?
Ce qui m’intéressait dans les deux livres (parce que le second est la suite du premier, mais il peut se lire indépendamment), ce qui m’intéressait, ce n’était pas tant le côté noir et glauque des faits divers. Ce qui m’intéressait, c’était comment peut-on en sortir ? Comment peut-on surmonter ces épreuves ? Comment peut-on se construire sur le toboggan de la vie, qui parfois nous amène à rencontrer des épreuves ? La vie ce n’est pas toujours du beefsteak ! Il ne faut pas le croire !
Mon personnage central, Naëlle, a connu une enfance extrêmement compliquée, voire épouvantable. Elle en a gardé une totale amnésie pour les douze premières années de sa vie. C’est elle qu’on va suivre principalement dans les deux romans et voir comment on peut survivre à ça. Le personnage de Naëlle m’a été inspiré par quelqu’un, une jeune femme que je ne connais pas, mais que j’ai vue. Physiquement, elle m’a intriguée, elle m’a amenée à me poser un tas de questions par rapport à elle, à m’amuser à imaginer sa vie, son passé, son histoire. J’espère pour cette jeune dame que cela n’a rien à voir avec la vie de Naëlle, car elle a vraiment tiré les mauvaises cartes dans le grand opéra de la vie.
Je voulais parler de comment on peut récupérer quand on n’a pas d’une part, de chance au départ. D’autre part, vous aurez remarqué que je suis quelqu’un de relativement émotive. Et j’ai été très perturbée, traumatisée comme beaucoup de gens par l’affaire Dutroux, par toute cette période de la marche blanche. Ayant trois enfants, je ne peux pas comprendre, je ne peux pas concevoir les abus de pouvoir sous quelques formes que ce soient. Que ce soit pour des enfants, ou pour des inférieurs hiérarchiques. Un mari vit avec sa femme. Une femme vit avec son mari. Le rapport de force est quelque chose que je ne comprends pas et que je ne supporte pas. Donc, je voulais parler de ça aussi. Pourquoi des gens croient avoir le droit, le pouvoir de maltraiter d’autres personnes ? Tout simplement parce qu’ils ont la force physique ou le pouvoir. Mais comme je n’avais pas envie de faire quelque chose qui ressemble à du voyeurisme, ou non plus à une longue descente dans l’ombre et dans l’enfer, parce que je pense que la vie n’est pas comme ça. La vie alterne les moments faciles, les moments difficiles, les moments joyeux, les moments tristes. J’avais envie que mes romans donnent cette impression-là aussi. C’est-à-dire, on n’est pas tout le temps dans le drame, on n’est pas tout le temps dans la passion.
Dans ces deux romans, il y a quatre univers qui évoluent en parallèle. Il y a celui de Naëlle, qui est un personnage ambigu, étrange avec le monde, qui a beaucoup de mal avec les règles. Elle ne sait pas comment faire et elle est très intrigante. Le deuxième univers est celui de Simon Bersic, qui est un écrivain, un auteur à succès, un peu un de ces romanciers à paillettes, comme on peut en voir (Musso, Levy), ce genre de personne. Simon, c’est un peu son exact opposé. C’est-à-dire, qu’il a le succès, qu’il a de l’argent, qu’il voyage, qu’il est à l’aise en société, qu’il passe son temps dans la jet set. Vraiment l’opposé de Naëlle.
Est-ce que ce personnage de Simon t’est inspiré par un écrivain ?
Cela peut être Musso, cela peut être Levy. Mais plus Levy en l’occurrence. Il le sait ! Je lui ai demandé son autorisation (ce n’est pas de la blague). Ce personnage est l’opposé de Naëlle.
On a, à côté de ça, une petite famille lambda qui dans le premier roman représente l’encrage au réel. C’est-à-dire, on est là dans des rapports quotidiens de tendresse, dans un couple qui s’aime depuis 20 ans. On n’est pas dans un début de passion, comme vont le vivre Naëlle et Simon. On est dans la vie quotidienne, avec ses petits plaisirs, ses petits soucis, avec les enfants qui grandissent, avec les fêtes de famille. Cela me permet d’avoir des petites bulles d’oxygène. On n’est pas tout le temps dans une espèce de thriller où on doit absolument découvrir les mystères. C’est vrai qu’il y a pas mal de choses à découvrir, et que ce premier roman est un peu comme une course. Alors que le second roman est plus une marche. On va plus au cœur des choses. Le personnage principal essaie de découvrir qui elle est. On est plus dans un voyage initiatique. On n’est plus dans une course pour échapper à ces faits divers qui rattrapent le personnage à un certain moment.
Le quatrième univers est celui d’une petite voix dont on ne sait pas de qui elle provient. Elle rythme le récit, et on comprend que c’est un enfant qui est séquestré. Ces quatre univers évoluent en parallèle et vont finir par se croiser. Et effectivement, il y a une histoire d’amour très forte entre Simon et Naëlle. C’est surtout Simon. Alors qu’autour de lui il a des tas de femmes et la possibilité d’avoir des aventures qu’il voudrait. Simon a aussi sa part de douleur, parce que son épouse est décédée brutalement lorsque leur enfant n’avait que quatre ans. Il forme avec son fils une espèce de bulle. La seule qui va arriver à le révéler, c’est Naëlle, qui l’aperçoit de manière fortuite.
Il y a aussi un personnage important dans le livre, qui est le chat !
Oui, le chat Nicolas !
Tu pourrais nous en dire quelques mots ? Quels sont tes rapports avec ce chat ?
J’ai eu un chat qui s’appelait Nicolas. Et ce chat Nicolas c’est le mixte de deux chats que j’ai eus, dont un qui un chat qui s’appelait Nicolas. J’ai eu un Main Coon gigantesque qui s’appelait Misty. J’ai gardé Nicolas comme nom. J’ai pris un peu des caractéristiques de l’un et de l’autre pour faire cette espèce d’animal un petit peu particulier. Et qui, dans le tome trois que je suis en train d’écrire, va prendre toute sa dimension et va devenir un personnage à part entière très important. Nicolas, dans Comme des larmes sous la pluie a un rôle prépondérant parce qu’il va aider Simon dans sa tentative de sauver Naëlle, de la ramener au réel. Le chat va être très important.
Un premier roman c’est important. Est-ce que tu as des idées pour l’adapter au cinéma ou au théâtre ?
Cela ne dépend pas de moi. Il y a déjà eu une option dessus, mais cela ne dépend absolument pas de moi. Ce n’est pas du tout mon métier. Cela demande des moyens. Et quand on est édité, cela ne m’appartient plus. Les droits sont à la maison d’édition. Si la maison d’édition est contactée et qu’elle accepte, voilà ! Elle me demandera peut-être mon avis, mais ce n’est plus entre mes mains.
Lecture de la rencontre de Simon et Naëlle dans le métro…
C’est la première rencontre. Suite à ça, Simon va complètement se focaliser sur cette femme, s’obséder sur elle. Et elle va devenir sa quête, son inaccessible étoile… comme pour la station Jacques Brel (allusion aux paroles de la chanson La quête). Et elle n’est tellement pas là, pas dans le réel, pas dans le moment présent. À cause de ce qu’elle a vécu, à cause des traumatismes psychologiques dans lesquels elle est encore. Et puis, ils sont rattrapés par ces affreux faits divers qui endeuillent Bruxelles à ce moment-là. Mais néanmoins, Simon va garder le cap et continuer avec patience et détermination à aider cette femme, à la sortir de l’hôpital psychiatrique où elle va finir par être enfermée, à l’aider à se reconstruire. C’est donc ce qui traverse ce premier tome.
Le deuxième roman, qui est donc la suite, est très différent du premier. Si on peut assimiler Comme des larmes sous la pluie à un thriller amoureux, est-ce qu’on pourrait qualifier Les murmures de la terre comme une aventure, une quête spirituelle, un roman d’initiation, une sorte de rédemption, une guérison pour Naëlle ?
Oui, c’est ça ! Quand j’ai imaginé cette histoire, je l’ai imaginée en trois tomes. Avec vraiment chacun sa raison d’être bien particulière. Le premier expose de manière assez tranchée la situation. C’est-à-dire c’est vif, c’est glauque. On est entre le noir et le rose. On balance entre les deux. Le deuxième, c’est le moment où Naëlle va essayer de se construire. Simon est toujours présent et près d’elle. Mais ils ne peuvent pas vivre cette histoire d’amour tant qu’elle n’est pas disposée à ça, pas ouverte à ça. Or, elle est encore complètement perdue dans son passé, à essayer de reconstituer des bribes de mémoire. Comme rien n’a fonctionné dans son cas, ni la médecine traditionnelle, ni les thérapies, Simon, qui ne sait plus à quel saint se vouer, lui propose un trekking méditatif en Bolivie. C’est un peu à la mode, c’est très bobo. On fait ça dans différents coins de la planète.
Et voilà, Naëlle partie en Bolivie avec un groupe de gens qui sont là pour des raisons diverses, pour faire du tourisme intelligent, pour effectivement découvrir des choses, pour faire un travail sur eux-mêmes. Le début du livre c’est ça. Ils parcourent une sorte de Bolivie de cartes postales avec un maître à méditer, qui les aide à mettre à profit la marche. Marche qui est un exercice salutaire, qui permet d’entrer dans un rythme un peu hypnotique, qui favorise notre réflexion. Cela marche pour la plupart des orangs-outangs ! Mais pour Naëlle, cela ne marche pas tellement. Son problème est beaucoup trop grave. Elle est très déçue par cette approche. Elle a vraiment le sentiment d’être dans un trip factice, et cela ne lui convient pas. Elle n’a de cesse que de s’éloigner du groupe, d’essayer de découvrir seule le pays, autrement qu’encadrée par le guide Manco qui est magnifique. D’ailleurs, elle vivra une aventure avec lui. Le guide l’aime bien. Elle voudra découvrir le pays par elle-même. Donc, le dernier jour du voyage, avant le retour vers La Paz, elle se lance seule dans une escapade vers la montagne et… patatras, c’est l’embardée ! Elle disparait ! Les organisateurs du voyage sont bien obligés d’avertir Simon qu’on a perdu sa trace. Simon devient fou évidemment et tout de suite traverse la Bolivie pour la retrouver. Donc, c’est en parallèle les deux voyages. La quête de Naëlle qui va rencontrer des gens qui vont vraiment pouvoir l’aider à faire un travail intérieur. Et là, on va fleureter avec le chamanisme, avec l’autohypnose, avec l’hypnose. Et Simon, lui, il recherche Naëlle. Ils vont aboutir tous les deux en Amazonie. Et voilà, c’est le récit de ces deux voyages en parallèle, qui effectivement sont des quêtes unisexes.
Je crois que tu as toi-même essayé des rituels chamaniques. Pourrais-tu nous en parler ?
C’est marrant parce que dans Comme des larmes sous la pluie, il y a des encrages au réel qui sont très visibles, qui sont par exemple Bruxelles. Je décris des quartiers comme Saint-Gilles, le long du canal, le bois de La Cambre. L’encrage réel, il est dans les lieux et il est, par exemple, dans les rapports familiaux avec la petite famille. Et bizarrement dans Les murmures de la terre mon encrage au réel est dans les passages les plus hallucinés des voyages chamaniques. Parce que ce sont des retranscriptions de voyages chamaniques que j’ai faits moi-même, même si cela semble les passages les plus fantasmatiques. Ce sont des voyages que j’ai réellement faits. Et les animaux de pouvoir sont assez omniprésents dans ce que j’écris.
Je suis pour l’instant en train d’écrire le premier tome d’une série qui va sortir à Noël, pour une maison d’édition de Bordeaux, et ça s’appelle Animalter. C’est fantastique et il y a énormément d’animaux qui entrent en jeu. Donc, dans les voyages chamaniques on a, entre autres choses, parfois la possibilité de rencontrer ces animaux de pouvoir.
Mais qu’est-ce qu’un voyage chamanique pour ceux qui ne savent pas ?
C’est une transe qui peut être induite par différentes choses. Ici, en l’occurrence comme cela se passe en Bolivie, c’est le chamanisme tout à fait traditionnel, c’est la prise d’ayahuasca. L’ayahuasca étant un mélange d’une liane et de plantes qui poussent en Amazonie, c’est une décoction connue des Indiens d’Amazonie, c’est une drogue hallucinogène. On peut dire que sous LSD on peut aussi faire des trips. La différence avec le voyage chamanique, c’est encadré complètement. Cela fait partie, non pas du folklore, mais réellement de la culture. Les gens, à l’heure actuelle encore, se soignent ou se font soigner par des voyages chamaniques. Au cours de voyages chamaniques où le chamane a pour mission d’aider la personne à évacuer le mal qui est en elle. On y croit ou on n’y croit pas. C’est comme ça dans les villages, notamment en Bolivie (c’est pour ça que j’ai choisi la Bolivie, parce que le chamanisme est vraiment ancré dans la culture). Soit par une prise de drogue, soit par des moyens d’autohypnose qui sont assez simples. Il y a le compte à rebours, y a des musiques, des rythmes répétitifs. On entre dans une transe, mais à la différence d’un trip sous une drogue civilisée, chimique, c’est accompagné par le chamane qui chante, qui bat du tambour, qui rythme le voyage. Parce que le voyage ce n’est pas un voyage gratuit ! Ce n’est pas un voyage juste pour se faire un flash, un trip. Je ne consomme pas de drogue, donc je ne sais pas. C’est un voyage curatif, thérapeutique. La personne qui voyage doit ramener un message, une impression. L’accompagnant doit aussi participer, doit en tirer un enseignement. Ce n’est pas juste se faire des émotions. C’est vraiment dans un but thérapeutique. C’est ce qui va permettre à Naëlle de progresser dans la voie de la guérison.
On peut quand même se poser la question de savoir, quand on lit tes deux romans, est-ce que les deux héros, Naëlle et Simon, sont vraiment faits l’un pour l’autre ?
Moi, je n’en sais rien !
Est-ce qu’on aura droit à une fin heureuse dans le troisième tome ?
Entre Simon et Naëlle, je pense que cela va finir par s’arranger. J’ai bon espoir en tout cas. Mais le troisième tome va faire resurgir les fantômes et les monstres du passé. Donc, il va bien être rock and roll le troisième tome. Je crois ! Le troisième, je vais devoir carburer pour le terminer.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter ? D’être la reine du thriller amoureux ?
C’est très sympathique parce que c’est un ami écrivain français qui m’a envoyé une photographie prise dans une librairie Cultura. C’est une chaine de librairies, comme chez nous la FNAC. Ce sont de grosses librairies en France. Il y avait au milieu de l’allée centrale, un énorme portique avec mes deux romans, avec au-dessus une photo sur laquelle il était écrit : « Véronique Biefnot, la reine du thriller amoureux ». J’ai trouvé ça super !
Pour Elie Owl l’animalter, comment as-tu eu l’idée de créer un personnage qui vivait sa vie à travers les corps de différents animaux, et en qui était frappé d’amnésie ?
J’ai, depuis l’enfance, toujours été entourée d’animaux. La nature et les animaux font partie de mon équilibre, j’ai toujours été fascinée par la ramure d’un arbre centenaire ou le regard d’un chien. Dès lors, il était tentant d’essayer de me mettre dans la peau d’animaux aussi peu présents dans la littérature qu’une guêpe, un serpent ou un condor. Quant au personnage d’Elie Owl, sans être adepte de la métempsychose, je trouvais intéressant de le « balloter » ainsi d’un corps à l’autre, ça ouvre, d’une part, des perspectives romanesques et, d’autre part, l’empathie permet, me semble-t-il, de comprendre mieux les autres, d’essayer en tout cas. Son amnésie permet à Elie Owl de découvrir, chaque matin, une nouvelle réalité à travers un nouvel animal, un nouveau « vaisseau » sans que le personnage soit trop encombré par ses vies précédentes... mais tout ça n’aura qu’un temps, bien sûr...
Est-ce que les animaux que tu as choisis sont symboliques et correspondent à quelque chose qui t’a personnellement touchée ou attirée ?
Certains oui, d’autres pas.... l’anecdote du serpent m’est arrivée, toutes proportions gardées : en faisant de l’escalade en montagne, dans une situation assez périlleuse, je me suis raccrochée à une pierre plate pour ne pas basculer dans le vide, la pierre s’est détachée de la paroi et, en-dessous, il y avait un nid de serpents.... je suis restée tétanisée un certain temps avec ces reptiles rampant autour de moi... le grand chien noir correspond aussi à un épisode marquant de ma vie, mais qu’il serait trop long d’expliquer ici... et qui, de toute façon, se retrouvera encore dans ce que j’écris, sous une forme ou l’autre (entre autres dans mon prochain roman : Place de la Liberté)... quant au condor, au-delà d’une réelle fascination pour les oiseaux et les rapaces en particulier, c’est un petit clin d’œil au tome deux de ma trilogie Les Murmures de la terre : en effet, ici, le personnage est dans la peau de l’oiseau qui repère sa proie et non plus, comme l’est Naëlle, dans celle de la victime potentielle...
Étrange, cette vieille clocharde nommée Gabi. Est-ce une vraie rencontre dans ta vie ?
Effectivement, Gaby m’a été inspirée par une rencontre étonnante : un jeune homme qui vivait, lui aussi derrière l’écran d’un cinéma alternatif à San Francisco. Le quartier était dangereux, il vivait dans des conditions très précaires... Je pense souvent à lui, me demandant s’il est encore en vie...
Élie Owl est-il condamné à vivre ces réincarnations ? Va-t-il un jour retrouver la mémoire et donner un sens à sa vie ?
Pas de commentaire ! ;-) ... Il faudra lire la suite pour le savoir...
Avec Sous les ruines de Villers, tu abordes un monde qui t’est plus familier, celui du spectacle. En te lisant, on a l’impression que tu connais parfaitement les lieux et les activités qui s’y déroulent. Pourrais-tu nous en dire plus ?
Je vis près de Villers-la-Ville, je connais donc très bien cet endroit magique, de plus, en tant que comédienne, metteur-en-scène et costumière, j’ai fréquemment vécu ces situations de répétitions dans des conditions peu confortables, d’incidents techniques et autres empêchements à surmonter durant l’élaboration d’un spectacle. Je trouvais amusant de mêler ce milieu que je connais bien à l’univers plus « fantastique » que je décris en parallèle.
Dans ce roman, on découvre Gaia, une jeune femme qui se consacre à sa vie professionnelle et délaisse sa vie sentimentale, jusqu’à ce qu’elle découvre un anneau dans les ruines de Villers. Est-ce intentionnel ce côté fantastique et mystérieux que tu distilles au fil du temps ?
Évidemment ! J’ai toujours aimé le fantastique, même si, ici, en l’occurrence, je parlerais plutôt de « réalisme magique ». Nous n’évoluons pas dans une dimension inventée, nous sommes dans un réel qui dérape, où on peut être amené à se poser des questions.
Avais-tu envie d’écrire une version du roman qui nous aurait fait découvrir à qui appartenaient ces mains dans l’obscurité des ruines de Villers ? Et surtout, qui est ce mystérieux sculpteur ?
Non, je trouve que j’en dis bien assez !!! Il faut laisser une part de rêve au lecteur, non ?
Tes personnages ont un point commun. Soit une partie de leur vie a été effacée de leur mémoire, soit ils cachent un passé qui les a marqués. On dirait que pour être heureux ils ont besoin de souffrir ou de vivre une vraie épreuve. Est-ce le cas dans tes romans ?
Visiblement, l’écriture révèle des choses et je dois bien admettre que certaines constantes traversent mes romans. L’amnésie en fait partie, ainsi que la difficulté à vivre en société... mais ce n’est pas une démarche consciente : une histoire s’impose à moi... puis, je la suis, je vois où elle me mène. Il ne faut néanmoins pas faire de psychanalyse de comptoir et essayer à tout prix d’apporter des réponses immédiates à ces questionnements, il n’y a pas grand-chose d’autobiographique dans ce que j’écris ! En tout cas jusqu’à présent...
Où en es-tu dans la suite de Comme des larmes sous la pluie et Les murmures de la terre ? Est-ce difficile de boucler cette histoire très marquante pour les deux personnages principaux ?
Oui, le dernier tome, qui devrait s’appeler La Mémoire du feu est chez mon éditrice et ce ne fut pas simple de dire au revoir à des personnages avec lesquels j’ai vécu pendant plus de trois ans ! Ce roman devrait permettre aux personnes qui auront lu les précédents de retrouver les personnages du début, réunis jusqu’au dénouement, à travers pas mal de péripéties...
Est-ce le même public qui te suit aujourd’hui ? As-tu rencontré un public différent depuis que tu es romancière ?
Oui, il me semble que le rapport est très différent : le public du théâtre voit en moi, et à juste titre, une interprète des textes d’autres auteurs, alors que les gens qui m’abordent après avoir lu mes livres me semblent immédiatement plus proches, on évolue très vite dans l’intime. L’écriture et la lecture impliquent cette proximité, cette intimité de l’histoire racontée au creux de l’oreille d’une personne à une autre. Le théâtre a, forcément, une dimension publique qui induit d’autres rapports.
Comment t’es-tu retrouvée au Salon du livre de Taipei (TIBE) pour la communauté française ? Pourrais-tu nous en dire plus ?
J’ai été invitée à Taipei, au Salon du livre par le service culturel Wallonie-Bruxelles International. Ce fut une formidable expérience, je ne connaissais pas l’Asie et j’y ai fait des rencontres très intéressantes : Cédric Callenaere et Jo Beekman qui orchestraient la présence belge là-bas (la Belgique était en effet invitée d’honneur et disposait d’un magnifique stand de 400 m² dans cet incroyable salon du livre, le plus grand d’Asie !), mais aussi les autres invités : Kitty Crowther, Valéria Do Campo et Helen Lescoat, illustratrices pour la jeunesse, Jacques Dedecker qui animait les rencontres, Jean-François Maljean et Steve Houben venus nous régaler de quelques concerts, Carl Norac, auteur pour la jeunesse... Sans oublier le public, extrêmement jeune et nombreux qui fréquente cette foire !
Dans un autre registre, pourrais-tu nous dire quel est le roman que tu aurais voulu écrire ? Et pourquoi ?
Il y en a plein, bien sûr, mais j’en retiendrai spécialement deux pour la limpidité de leur histoire et de leur style : Soie d’Alessandro Baricco et Clair de femme de Romain Gary. Ce sont deux romans courts dont on se souvient toute sa vie...
Tu as aussi un site Internet. Est-ce que c’est important d’avoir à l’heure actuelle un site Internet ?
Je n’en sais rien, parce que c’est Marc qui l’a fait. C’est un blog et on vient de le rendre accessible. Je me suis dit que c’est bien pour pouvoir communiquer avec les lecteurs. Il y a des tas de gens qui m’écrivent. Il y a notamment Facebook, mais tout le monde n’a pas cette habitude, tout le monde n’est pas sur Facebook. Donc, je me suis dit qu’un blog c’était bien. Parce que c’est très agréable d’avoir des retours des lecteurs.
On parlait tout à l’heure de la différence entre le cinéma et le théâtre. Maintenant, cela fait toute l’année que je n’ai fait qu’écrire parce que j’ai cinq maisons d’édition. Trois romans qui sortent cette année. C’est un gros travail, donc je dois travailler tous les jours. Cela a été un bouleversement incroyable dans ma vie quotidienne, parce que j’ai toujours travaillé en équipe, j’ai toujours travaillé en bougeant beaucoup physiquement avec les répétitions, avec les représentations. J’ai toujours travaillé avec beaucoup de monde autour de moi et avec un public ! Donc, avec un retour, avec un rythme qui était assez particulier, jouant toujours le soir. Et depuis un an, mise à part les studios (je fais beaucoup de studio, le doublage de voix), mise à part ça, j’écris, donc seule à la table, devant l’ordi. Et cela m’a fait un changement incroyable.
Quand on écrit, on n’a pas ce contact avec le public. C’est chouette parce qu’on a le retour des lecteurs… Ou bien quand on est en signature en librairie ou au salon du livre. J’ai des gens qui m’écrivent des messages très touchants, très émouvants. Plusieurs personnes m’ont dit ne plus avoir ouvert un livre depuis l’école, quand c’était obligatoire de lire, et qu’on leur avait recommandé et que depuis, ils avaient repris goût à la lecture. Sincèrement, c’est un cadeau inouï ! Car si on peut imaginer qu’on redonne ce goût-là à quelqu’un… Moi, je suis une lectrice passionnée, qui ne peut pas imaginer ne pas avoir un livre en cours, je trouve que c’est un grand plaisir et que c’est dommage de s’en priver. Donc voilà, cela me fait très plaisir quand des gens me disent que je leur ai redonné le goût de la lecture.
De quelle manière peut-on rendre hommage à ton talent ? Y a-t-il quelque chose qui te ferait plaisir…
Je peux donner mon numéro de compte !
... qui serait original ?
Lire mes livres par exemple. Je pense que la vie est faite de périodes. J’ai à la fois beaucoup d’admiration et je ne comprends pas très bien les jeunes écrivains. Il y en a qui écrivent à 16 ans, à 20 ans. Je trouve qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour vivre les choses, un temps pour les raconter. Quand j’avais 18 ans, 20 ans, 25 ans, je n’avais surement pas, ni le temps ni l’envie, de passer des heures à écrire toute seule dans mon bureau, alors que maintenant cela me convient très bien. Je veux dire, c’est un immense plaisir, une satisfaction vraiment intense. En plus, ayant fait de la mise en scène, étant comédienne… Au théâtre, quand on imagine, quand on a un rêve, quand on a projet… Tiens, j’aimerais écrire tel spectacle. Tout de suite après, on se dit : combien de comédiens ? Non, je n’aurai jamais le budget. Le décor ? Ah non, je ne peux pas avoir quatre décors. Bref ! On se ferme tout de suite l’imagination. Parce qu’on dépend de tellement de contraintes matérielles. Alors qu’ici, j’ai envie que le bouquin se passe en Bolivie. Allez hop ! Cela se déroule en Bolivie et cela ne dérange personne.
Ce sur quoi je travaille maintenant est un bouquin fantastique. Les personnages se réincarnent dans différents coins de la planète. Et alors, où est le problème ? C’est magique ! Il n’y a que l’écriture qui peut permettre ça. On parlait du cinéma. C’est vrai qu’une adaptation, pas mal de gens m’en parlent parce que cela serait intéressant, mais cela implique des moyens énormes. La production, c’est gigantesque. Alors que l’écriture, on ne part de rien. Des feuilles de papier dans un train ou un ordinateur, et hop on est parti. C’est génial !
Là, je viens de terminer un roman qui va sortir en octobre et qui va se passer à Villers-la-Ville. Donc, là, on est vraiment en Belgique. C’est un conte un peu fantastique, contrairement aux deux romans qui ne sont pas fantastiques, qui sont liés à une certaine forme d’actualité, à une approche très psychologique. Mais les deux sur lesquels je suis en train de travailler pour le moment (Sous les ruines de Villers-la-Ville et Animalter) sont dans une veine plus fantastique. Cela devrait vous plaire ! Je sais que vous aimez ça !
Que peut-on te souhaiter sur le plan littéraire en 2013 et quels sont tes projets littéraires ?
De continuer à écrire des histoires !!! Plus sérieusement, le contexte actuel étant particulièrement difficile dans le secteur artistique plus encore qu’ailleurs, j’espère pouvoir continuer à être éditée. Avec le nombre croissant de librairies et de maisons d’édition qui ferment leurs portes, c’est de plus en plus aléatoire... Quoi qu’il en soit, j’espère que le dernier tome de ma trilogie sortira d’ici un an chez Héloïse d’Ormesson, et que la suite des aventures d’Elie Owl, l’Animalter, se retrouvera bientôt en librairie (il faut d’abord que je les écrive... ;-) ) et, dans l’immédiat, je termine un roman qui me tient particulièrement à cœur : Place de la Liberté... Voilà, donc, rendez-vous au prochain épisode...
Merci pour cet agréable entretien.
Avec grand plaisir. Merci à vous !
Critiques :
Comme les larmes sous la pluie, ici et là
Les murmures de la terre ici
Sous les ruines de Villers ici
Elie Owl, l’animalter ici