Anatolia Rhapsody

Récit de vie, réflexions sur le monde tel qu’il tourne, témoignages puissants, réaction d’un écorché vif, entreprise de saine réflexions sur certains de nos réflexes et de nos préjugés… Anatolia Rhapsody, c’est un peu tout cela à la fois ! Objet littéraire plutôt insaisissable, ce court texte possède les qualités de tous les écrits de Kenan Gorgün : la passion, le choix juste des mots, le sens de la formule, les tournures coups de poing, mais aussi un foisonnement dans l’écriture qui flirte avec le « trop ».

Depuis quelques années déjà, Kenan Gogün occupe la scène littéraire avec des romans touffus, déguisé en thrillers, mais qui sont surtout pour lui l’occasion de libérer son imaginaire. Un imaginaire débordant et alimenter par des influences multiples, effectuant le grand écart entre le Monde Diplomatique et une série Z de Steven Seagal, les théories les plus pointues de la géopolitique mondiale avec des arabesques sucrées d’un film romantique produit sur les rives du Bosphore.

Dans « Anatolia Rhapsody », Kenan ramasse son écriture et tente, souvent avec bonheur, de nous raconter une histoire… Son histoire, celle d’un jeune Truc, produit d’un métissage culturel, écartelé à la croisée des mondes et grandissant dans un univers où les distances géographiques semblent s’amenuiser… à mesure que celles entre les peuples grandissent.

Mais là encore, il emporte le lecteur dans un tel tourbillon, reflet sans aucun doute de son intellect qui ne peut se contenter d’une pensée linéaire, que l’épuisement guette. Une telle force littéraire finit par devenir un handicap pour les idées, perdues au cœur des envolées et d’un déchaînement virtuose… mais parfois aveuglant.

Kenan Gorgün écrit fichtrement bien. Il possède une « voix » ce qui n’est pas le cas de nombre d’auteurs bien plus populaires et reconnus… Mais s’il parvenait enfin à contrôler toute cette énergie pour l’obliger à se placer au service d’un récit, ou d’un essai, aux objectifs clairs, on tiendrait alors un très grand auteur.

Anatolia Rhapsody par Kenan Gorgün, Éditions Vents d’Ailleurs.