300, étude sur la forme


Tout comme Robert Rodriguez avec son adaptation cinématographique de Sin City en 2005, Zack Snyder avait pour principale préoccupation le respect de l’œuvre de Frank Miller. Dès lors qu’il décida de transposer 300 à l’écran, il exigea dès le début auprès des studios d’avoir une liberté créative totale et finit par obtenir un budget avoisinant les 60 M$ pour concrétiser ses idées les plus folles.

L’ombre et la proie


Partant du principe qu’il s’avérait essentiel de rester fidèle à l’univers si particulier de Frank Miller et afin d’avoir un maximum de flexibilité pour contrôler l’aspect visuel de son film, Snyder choisit de tourner entièrement sur fond bleu, selon le même procédé de base déjà utilisé pour Sin City, mais tout en recherchant un résultat final très différent de ce dernier avec la création de subtils jeux d’ombres et de lumières, une patine cuivrée ou encore un contraste permanent entre un ciel nuageux et des couchers de soleil flamboyants.

A l’instar des planches dessinées par Miller, Snyder sacrifia volontiers le réalisme des images du film afin de rendre l’histoire aussi vivante que possible. Désirant obtenir une palette visuelle stylisée, on a créé tout spécialement pour l’occasion un traitement chromatique original, baptisé “crush”, consistant à écraser les noirs pour rehausser la saturation des couleurs afin de modifier les contrastes. Chaque image du film a été traitée avec ce procédé.

Frères d’armes


A partir des storyboards fournis par Snyder, chaque scène fut préalablement conçue sous la forme d’un environnement 3D minutieusement élaboré puis mise en couleurs afin de récréer la Grèce antique (Sparte, divers paysages grecs, défilé des Thermopyles, etc…). Cette indispensable phase de développement a permis non seulement de tester quasiment tous les effets visuels du film (les capes des Spartiates, les armes, les blessures, le sang virtuel, etc…) mais aussi de déterminer avec précision les décors à construire et ceux qui seront ultérieurement générés par ordinateur ainsi que les divers ajustements à faire.


Parallèlement, le département décoration créait les maquettes des décors qui ne seront, en fait, que partiellement construits. Il suffisait, en effet, de ne fabriquer qu’une partie des éléments (colonnes de temple, rochers de montagne), le reste étant recréé en images de synthèse puis ajouté aux scènes tournées avec les acteurs en studios sur fond bleu. De son côté, le département costumes fabriquait quelques 700 vêtements (slip en cuir, sandales et cape rouge pour les Spartiates ainsi que ceux plus sophistiqués des Perses) auxquels viendraient se rajouter toutes sortes d’armes (épées, lances, boucliers, arcs, flèches, etc…).



300 nécessita 10 semaines de préparation suivies de 4 mois de tournage en studios à Montréal, entre octobre 2004 et janvier 2005, sur fond bleu parmi quelques décors, le cas échéant, (la seule scène réellement tournée en extérieurs naturels est celle de l’arrivée à cheval des messagers perses) afin de pouvoir retravailler ensuite systématiquement tous les plans.
Par la suite, il fallut encore un an de travail minutieux en post-production pour finaliser l’aspect spécifique du film et y rajouter toutes sortes d’effets spéciaux ainsi que les diverses créatures fantastiques.


Qu’il s’agisse des décors, des paysages, de l’action ou des batailles, chaque image du film constitue un effet visuel en soi. Au final, c’est l’ensemble de ses 1300 plans qui reflète aussi bien le style et l’esthétique du roman graphique de Miller que la vision personnelle que Snyder y a insufflé, au travers des divers éléments qu’il a rajoutés à l’œuvre originelle.

Les guerriers de l’Enfer


Dans le but de sculpter leur corps afin de pouvoir camper des guerriers crédibles, les acteurs ont préalablement suivi un entraînement intensif de plusieurs mois incluant la pratique de la boxe et de la course ainsi que l’apprentissage de divers mouvements combinés à l’utilisation de toutes sortes d’accessoires. Pendant cette période, l’esprit de compétition entre eux était également fortement encouragé.

Dès leur plus jeune âge, les Spartiates étaient éduqués dans le seul but de devenir des guerriers aguerris. Dans la mesure où Miller les a presque représentés dans son roman graphique comme des demi-dieux, Snyder s’est donc, lui aussi, volontairement éloigné de la réalité historique, en choisissant une approche beaucoup plus stylisée surtout en ce qui concerne les affrontements armés. Dès le départ, il savait parfaitement de quelle façon il voulait filmer les scènes de combat en chorégraphiant l’action de façon très précise tout en y incorporant certains éléments propres aux arts martiaux. Ignorant toutefois quelles étaient exactement les techniques de combat des Spartiates, le chef cascadeur a alors mélangé toutes sortes de mouvements d’arts martiaux issus d’Europe, de Chine, du Japon et de la Thaïlande. Par la suite, en post-production, on a également accéléré le déroulement de certaines images pour conférer aux Spartiates une vitesse quasi surhumaine.


Pour renforcer l’aspect surréaliste des forces en présence, tous les acteurs étaient maquillés, de la tête aux pieds. Les Perses portaient de petites prothèses et leur peau était recouverte de peinture dorée tandis que les Spartiates étaient entièrement peints à l’aérographe afin de faire ressortir leurs muscles.

En dépit de toutes les nombreuses morts par armes blanches qui jalonnent le récit (dont des décapitations et des membres sectionnés), il n’y a eu aucune utilisation de faux sang pendant le tournage. En effet, tout a été créé, par la suite, en images de synthèse afin de mieux pouvoir contrôler la quantité d’hémoglobine et les projections au ralenti dans toutes les directions. Cela permettait ainsi de donner un côté irréel à la violence en stylisant cette débauche de sang. Ce choix spécifique fait partie intégrante de la chorégraphie des combats et de l’esthétisme visuel du film.

God and monsters


En plus d’avoir étoffé le personnage de la Reine Gorgo, Snyder a également pris la liberté de rajouter quelques nouveaux “monstres” à l’œuvre de Miller ou encore de nous dévoiler l’hideux faciès que les Immortels cachent derrière leurs masques de métal.
Lorsque la gigantesque armée perse déferle sur Léonidas et ses valeureux guerriers, elle apparaît comme n’ayant plus grand chose d’humain car elle rassemble toutes sortes de créatures terrifiantes : le bourreau qui possède d’énormes pinces de crabe en guise d’avant-bras et les utilise pour décapiter les généraux ayant failli à leur mission, les Immortels masqués qui constituent la garde d’élite de Xerxès, le féroce géant aux dents acérées qui, une fois libéré de ses chaînes, balaye d’un revers de la main tous les malchanceux qui se trouvent à sa portée, les magiciens qui manipulent avec dextérité des sortes de grenades primitives, sans compter des éléphants de taille impressionnante et un rhinocéros rendu fou furieux.


L’équipe des maquillages spéciaux a mis au point le look d’Éphialtes, des Immortels, du Bourreau et de divers personnages de l’entourage de Xerxès, du loup aux yeux rouges qui affronte le jeune Léonidas au début de l’histoire ainsi que du “Mur des Morts” édifié par les Spartiates en empilant, les uns sur les autres, des centaines de cadavres de leurs ennemis.

En ce qui concerne le géant, ils lui ont donné l’apparence de quelqu’un qui aurait survécu à un grand nombre de batailles, une sorte de super combattant dont la chair a été meurtrie par de multiples blessures puis suturée avec peu de soin. Quant au personnage d’Éphialtes, Andrew Tiernan, qui l’interprète, a du se soumettre à de fastidieuses séances quotidiennes de pose de diverses prothèses pendant 5 heures d’affilée. Par la suite, on a utilisé des retouches numériques pour accentuer les contrastes sur son corps difforme.

En outre, il a aussi fallu créer un très grand nombre de blessures avec des prothèses de cicatrices ainsi qu’une quantité importante de faux corps dont ceux qu’on aperçoit empalés sur des lances plantées dans le sol.

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