Sortie de route

M. Théodore est un homme déjà mûr qui traverse la vie sans la regarder. Célibataire endurci, il suit quotidiennement le même programme, selon un ordre établi inébranlable. Guichetier dans un bureau de poste, son existence sans relief le satisfait pleinement. Un jour, un vieil homme dérange ces certitudes et M. Théodore doit alors affronter une série d’étranges événements insignifiants.

Tout bascule soudainement lorsque trois membres de la BRAME (brigade de répression des abus en matière d’être) surgissent en pleine nuit pour l’enlever. Ils le transportent sur une étrange île, où , avec d’autres prisonniers, M. Théodore découvre l’absurde de sa nouvelle situation. C’est pourtant là que lui apparaît, pour la première fois, un espoir.

La novella est un exercice difficile auquel s’attaque Nathalie Salvi avec ce texte, à la fois conventionnel et dérangeant. Conventionnel car M. Théodore est un condensé de toutes les petitesses convenues de l’être humain, au point d’en devenir caricatural. Il va s’en dire qu’il est également parfaitement prévisible. Dérangeant car l’auteur met en question la société actuelle et ses travers, proposant en remède une île utopique qui se révèle en définitive pire que le mal qu’elle combat.

L’auteur se révèle particulièrement cruel avec M. Théodore. Après lui avoir laissé entrevoir une transformation, N. Salvi referme la boucle de l’aventure et laisse son non-héros s’enfoncer dans sa vie superficielle. En fin de compte, la sortie de route ne concerne pas le héros mais la société utopique, trop fragile pour résister à la nature humaine. Avec ce texte actuel et bien maîtrisé, N. Salvi continue la série des novellas de l’éditeur Griffe d’Encre.

Sortie de route, de Nathalie Salvi, illustrration par FABLYRR, Éditions Griffe d’Encre, 93 pages