Semailles humaines
Ce roman est construit sous la forme de quatre livres qui sont de véritables nouvelles à part entière reliées par le thème de la colonisation du système solaire par le concept de pantropie à opposer à la terraformation.
Le livre premier se situe sur Terre à une époque où l’Hommes a plusieurs choix concernant la méthode de colonisation de l’espace. Les autorités préfèrent la solution de terraformation qui permettrait d’engranger des taxes et autres impôts. Un homme, le Dr Rullman, préfère la solution de transformation génétique de l’homme. Ainsi, sur la Lune, un groupe d’êtres humains a été modifié pour survivre en environnement extrême. Quand Rullman s’enfuie avec ses Hommes Adaptés sur Ganymède, les autorités terriennes envoie leur propre Homme Adapté, Sweeney pour ramener ses semblables sur Terre en échange de la promesse de lui rendre son humanité.
Si l’aventure de Sweeney s’achève sur Ganymède (un satellite Jovien), le vaisseau du Dr Rullman est bien parti avec à son bord les futurs colons d’un autre monde.
Ainsi, le second livre, intitulé Tellura, nous entraîne dans le monde d’une civilisation moyenâgeuse digne des romans de fantasy, dépendante du Livre des Lois que personne ne doit contester et qui prédit le retour des géants, ceux qui les ont posés sur cette planète, pour leur apporter la connaissance. Un petit groupe de telluriens, rebelles, se voient condamner comme d’autres avant eux, à plonger dans l’enfer (la région sous les arbres). Ils rencontreront mille dangers et apprendront à lutter contre les prédateurs. Au bout du chemin, ils assisteront au retour des ensemenceurs venus vérifier leur travail.
Le livre troisième - Hydrot - est peut-être le plus étonnant. A cette époque l’homme sillonne la galaxie entière pour semer. Un navire d’ensemencement s’échoue sur la planète Hydrot couverte d’eau du système stellaire de l’étoile Tau Ceti. Les banques de cellules ont été détruites lors du naufrage. Les passagers doivent donc eux même fournir les cellules germinales avant de mourir pour permettre aux humains de coloniser cette planète. La décision est prise de coloniser l’eau douce sous la forme de petits êtres microscopiques pas très intelligents. Mais peu à peu, l’homme va révéler son excellence jusqu’à vouloir se débarrasser de ses plus terribles prédateurs en s’associant avec d’autres formes de vies, avec l’aide de deux tablettes laissées à leur attention par leurs créateurs.
Dans l’ultime chapitre - Ligne de partage - très court, on se retrouve à bord de l’Invincible, un vaisseau Rigellien transportant des Hommes Adaptés à destination de la Terre. L’équipage appartient au type ancestral, les passagers, les ensemenceurs, sont des Hommes-phoques. Le capitaine apprend par le chef des Hommes-phoques que la Terre est leur planète natale, mais qu’elle est devenue impropre à la vie. Le type humain de base, n’existe plus. Il faut la réensemencer et vu les conditions ce ne sera pas avec les humains de base. Le livre s’achève donc sur une interrogation. Qui des hommes ou des Hommes-Adaptés sont les humains les plus supérieurs ?
Ce livre est assez extraordinaire puisqu’il nous projette dans le temps (à une échelle difficilement concevable, d’ailleurs elle n’est pas précisée).
Publié pour la première fois en 1957, le thème de ce roman est encore au goût du jour. James Blish nous livre une solution pour lutter contre l’expansion démographique, mais finalement la crise écologique qui nous guette, aura peut-être la même solution mise en place par ces êtres humains. La clé n’est plus d’adapter son environnement à lui mais de s’adapter à l’environnement. Ainsi, les premiers essais de pantropie, se font sur la Lune, puis un homme s’enfuit plus loin et ainsi de suite semble-t-il, abandonnant la Terre à son sort.
A partir des quelques indices que l’auteur nous livre au fur et à mesure, l’homme n’est pas seul dans l’Univers mais IL a trouvé la meilleure solution pour devenir hégémonique.
Avec ces quatre histoires, nous suivons le déroulement d’une grande épopée dont un cycle se termine par le retour sur Terre mais le nouveau cycle ne fait que commencer.
Les avis sont partagés sur ce roman, certains y voyant juste la promotion des données scientifiques au détriment de l’histoire de la colonisation humaine. Certes, le roman est documenté mais on ne peut pas lui en tenir rigueur, car justement, de la rigueur, il en faut et d’autres œuvres en manque cruellement.
Pour contrebalancer cette sensation, l’auteur touche aux problèmes humains impliquant plus le lecteur comme les croyances, la justice, le non-respect des minorités, l’amour, la construction d’une société, les guerres de territoires (on pourrait presque dire de religion), etc., où un chef charismatique aidé par ses fidèles alliés permet à l’humanité de triompher des dangers et d’asseoir sa suprématie sur les autres espèces.
Un brin d’ironie sur l’insolence des hommes permet d’en redemander encore quand le livre touche à sa fin.
L’aventure humaine prend des tournures étonnantes, même si en l’état actuel des connaissances, nous sommes encore loin de prétendre à de telles performances génétiques et technologiques.
James Blish (1957), Semailles humaines, Traduction Michel Deutsch, révisée par Benoît Berthezene, Editions Gallimard, collection Folio SF, 332 pages.