Formule de Dieu (La)

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Déguisé en un thriller dont les épisodes présentent une invraisemblance rare, ce livre propose une longue réflexion sur la possibilité de démontrer l’existence d’un Dieu créateur de l’univers qui, tout en étant profondément différent du dieu de la Bible ou de ses nombreuses variantes, n’en aurait pas moins été pressenti dans tous les mythes de la Création, en particulier dans la Genèse.

 

Pour nous présenter cette preuve qu’il prétend déduire des lois de la physique et, en particulier, des découvertes récentes, il va la faire rechercher par un héros cryptologue qui cherche à déchiffrer un mystérieux carnet rédigé par Einstein dans ses dernières années. Et, au fur et à mesure de sa recherche, notre héros se fera expliquer par différents physiciens, dont certains ont travaillé avec Einstein à l’écriture du carnet, pourquoi certaines théories récentes, du Big Bang à la théorie des cordes ou celle de l’anthropogenèse, permettent de croire à une intention et à un but dans l’apparition de l’univers, dans son évolution, et dans l’apparition de l’humanité et de l’intelligence. Sans revenir complètement à la thèse du « dessein intelligent », en rejetant en particulier l’idée même d’un dieu révélé en quête d’adorateurs et les innombrables aberrations dont sont truffés Bible et Coran, c’est une version agnostique de ce thème que nous revoyons, à partir de la pétition de principe logique énorme que représente la confusion entre improbable, hasard extrême sans volonté sous-jacente et existence d’une intentionnalité. Ce n’est pas parce que l’univers que nous connaissons a, dans le choix des constantes universelles qui l’ont régi, une probabilité infinitésimale, bien moindre encore que les probabilités les plus invraisemblables du générateur d’improbabilité de H2G2, qu’il en découlerait que sa création ait été voulue par une conscience. Au contraire, pour moi, l’énormité de cette improbabilité rend invraisemblable l’existence d’une conscience, fut-elle divine, capable d’imposer la réalisation de cet événement impossible. Seulement voilà : comme le faisait remarquer Charles Sheffield dans un essai sur le même thème, l’évènement est réalisé et cela remet l’étude par des observateurs qui n’existeraient pas si l’univers n’existait pas sur un tout autre chemin d’étude. Et puis, quand on arrive à la fin du livre, ne peut-on pas penser que cette auto-conscience de l’univers, que pourraient pressentir certains mystiques comme Bouddha, voire certains philosophes comme Spinoza, et qui pourrait avoir inspiré une partie des religions existantes une fois débarrassées de la part prédatrice et conquérante aujourd’hui prépondérante dans celles-ci, aurait pu inspirer certaines pensées humaines ?

 

Ceci étant, pour en revenir au roman, nous y voyons donc le héros, Thomas Noronha, cryptologue portugais, essayer de déchiffrer des messages codés tellement courts que leur déchiffrement exige de connaître d’avance la réponse. Et c’est par des intuitions géniales qu’il parviendra, d’abord, à découvrir qu’un poème de quatre vers redonne par simple permutation des lettres de chaque mot une phrase dite en allemand par Einstein (réellement dite ? Et dans les circonstances imaginées par le roman ? Aucune importance, elle semble assez conforme aux idées métaphysiques d’Einstein). Ensuite les personnes rencontrées, les physiciens qui ont travaillé avec Einstein en particulier, lui ont expliqué, dans des exposés qui présentent de façon péremptoire comme des vérités acquises un certain nombre de résultats aujourd’hui hypothétiques, comment on peut justifier les six jours de la Création comme le temps vécu par une entité soumise à un champ gravitationnel décroissant et retrouver ainsi une cohérence avec l’histoire de l’Univers depuis le Big Bang jusqu’à l’apparition de la vie intelligente. Ou lui ont expliqué comment la théorie des cordes semble parallèle à certaines affirmations de la Kabbale, comment hindouisme, bouddhisme et tao semblent sous-tendre les théories modernes en physique... Cela le conduira à trouver la clé de déchiffrement du dernier message. Et, accessoirement, l’amour de sa vie...

 

Ce parcours initiatique, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, est extrêmement intéressant et pose, bien entendu, des questions. Comme écrit plus haut, je vois dans le raisonnement une pétition de principe, qu’un des interlocuteurs signale d’ailleurs pour, néanmoins, la renouveler en estimant que l’improbabilité extrême du résultat est une preuve suffisante de l’existence d’une volonté créatrice alors que je trouve que cette même improbabilité est une contre-preuve puisqu’elle élève d’autant le niveau de puissance et de capacité demandé à cette volonté créatrice. Comme je l’ai écrit plus haut, je veux bien croire au dieu-conscience de soi-même de l’univers proposé, mais en tant que résultat de cette création, non en tant qu’auteur. Tout le raisonnement semble pour moi se résumer en « un bébé est conscient de lui-même donc sa naissance est due à sa volonté préalable » !

 

Un bon roman n’est-il pas un roman qui laisse des questions ouvertes ? Le principal reproche que je ferai à Jose Antonio dos Santos sera celui de prétendre apporter des réponses en déclarant acquis les résultats qu’il rappelle.

 

Sinon, même classé thriller, ce livre entre sans conteste dans la fiction spéculative ou SF...

 

La formule de Dieu, de Jose Antonio dos Santos, traduit par Carlos Batista, HC éditions, 2012, 575 p., 22€, ISBN 978-2-35720-113-2

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