L’inconnu du salon par Albine Tangre
Amélia regarda l’horloge avec impatience. Assise devant sa coiffeuse, la jeune femme brossait ses longs cheveux châtains. Il allait être l’heure d’accueillir ses invités, plus que quelques minutes avant que la clochette de l’entrée ne tinte. Une dernière fois, elle vérifia son allure dans le miroir. Bien qu’apprêtée et pomponnée, elle se trouvait fade et insipide. Elle était persuadée que rien ne la distinguerait dans une foule. Elle était banale, elle était inutile, pire encore, elle était moyenne. Amélia n’était ni laide ni jolie, ni sotte ni brillante, ni pauvre ni riche. Une vie sans saveur l’attendait, une vie à rechercher le bonheur et l’accomplissement, sans jamais trouver ni l’un ni l’autre. Pourtant elle sentait au fond d’elle qu’elle était différente. Elle fourmillait d’idées, sa curiosité était sans fin et elle avait une envie si forte de tout faire qu’elle ne savait choisir. Elle aurait aimé être remarquable dans un domaine en particulier, mais le poids des conventions imposées à une femme était tel qu’elle ne pouvait le dépasser.
Les salons que la demoiselle organisait chaque jeudi étaient sa bouffée d’oxygène. Elle invitait des esprits parmi les plus éclairés de la ville, et ils discouraient de choses et d’autres une bonne partie de la nuit. Des artistes, des écrivains, des philosophes, parfois accompagnés de leur femme, venaient chez Amélia afin de refaire le monde. C’était là pour la jeune femme l’occasion d’ouvrir son esprit à de nouvelles considérations, et rien ne la satisfaisait davantage que ces soirées.
Lorsque le premier coup fut frappé à la porte, Amélia se leva et se composa une expression joyeuse. Elle ne laissait voir à personne la douleur qui rongeait son cœur et se devait d’être une hôtesse agréable et souriante. Au bout de quelques minutes l’assemblée fut complète et chacun se trouva une place. Il y avait dans l’appartement de la demoiselle une vingtaine de personnes, dont un homme qu’elle n’avait jamais vu. Brun aux yeux verts, le nouvel arrivé possédait une classe incroyable et un sourire à faire damner une sainte. Une lueur malicieuse éclairait son regard posé sur la maitresse des lieux, qui s’empourpra immédiatement. Amélia se racla la gorge puis proposa que l’on commence à discuter.
Comme à l’accoutumée, les débats furent houleux et passionnés. Chacun défendait son opinion et, bien que les idées divergent peu parmi les participants, l’atmosphère enfumée et alcoolisée échauffait les esprits. Seul le mystérieux homme se taisait et restait debout au fond du salon, son sourire malin plaqué sur le visage. Amélia le regarda du coin de l’œil tout au long de la soirée, cherchant à identifier ses motivations. Il semblait observer les hommes présents, les sondait ou les toisait.
Aux alentours de deux heures du matin, la jeune femme proposa de stopper les discussions pour le soir. Rapidement tout le monde se leva puis sortit dans la nuit automnale. Amélia se retrouva seule chez elle, intriguée par ce bel homme dont elle ne savait rien. Elle se prépara pour dormir puis se mit au lit, étonnée de sentir ses lèvres remontées en un sourire sans motif. Une certaine tension l’habita tout au long de la semaine, s’intensifiant jusqu’à atteindre son apogée le jeudi suivant. Elle voulait revoir cet homme, et cette fois elle comptait bien l’aborder, lui demander qui il était pour commencer.
Assise devant sa coiffeuse, la jeune femme songea à ce qui l’attendait. Et s’il ne venait pas ? Et si lui aussi la pensait peu séduisante, bête et inutile ? Autant de questions qui tournaient et retournaient ses sens et son esprit et lui provoquèrent un début de syncope. Il fallait qu’Amélia se calme, qu’elle pense à autre chose et qu’elle se prépare au plus vite avant d’être en retard. Mais une sorte de paralysie l’empêchait de sortir de sa chambre. Ses cheveux n’étaient pas assez bien coiffés, sa robe assurément pas assez décolletée. Il était difficile pour elle de reprendre sa contenance habituelle, mais il le fallut quand arrivèrent les premiers convives.
Une fois encore l’inconnu aux yeux verts s’installa le long du mur et garda ses distances. Il ne parlait pas, souriait encore et toujours, hochait parfois la tête ou fronçait les sourcils selon qu’il était en accord ou pas avec ce qui était dit. Amélia eut grand peine à se concentrer sur autre chose que ce bel homme. Elle commençait à entretenir à son égard des pensées grivoises qui la faisaient rougir. Personne ne parut s’en rendre compte ni ne lui en fit la remarque quand arriva l’heure de se dire au revoir. Sans qu’elle ne puisse rien y faire, le flot des sortants emporta le mystérieux individu avant qu’elle ait pu lui parler. Lui vint alors l’idée qu’il n’était sans doute pas venu seul, à moins de s’être introduit sans y être invité. Il y avait donc une des connaissances de la jeune femme qui savait qui il était et pourrait sans doute la renseigner à son propos. Elle décida ainsi de garder en dernier recours cette éventualité si elle ne pouvait s’entretenir directement avec lui. Amélia voulait savoir qui il était, ce qu’il faisait, ce qu’il aimait. Plus encore, elle avait besoin de connaitre cet homme. Malgré ce que voulait la bienséance, elle aurait aimé le voir seule à seul, et advienne que pourra !
En se couchant cette nuit-là, Amélia connut le premier orgasme de sa vie. Les trente années qu’elle avait vécues ne lui avaient pas apporté l’amour. Elle n’avait jamais été plus loin qu’un chaste baiser posé sur des lèvres closes, persuadée alors qu’elle ne livrerait son corps nu qu’à un homme exceptionnel, l’homme de sa vie, son futur mari. Cependant il ne s’était jamais présenté, et l’intimité de la jeune femme semblait s’être assoupie par manque d’attention. Mais le mystérieux inconnu avait éveillé les sens de la demoiselle, lui livrant un plaisir encore inexploré. Elle rêva de son torse massif que ses mains parcouraient, de sa bouche généreuse que ses lèvres goutaient, de sa virilité gonflée de désir qui n’attendait qu’elle. Libérée de sa gêne, Amélia entreprit d’embrasser chaque partie du corps de son amant. La peau de leur deux sexes nus faisait connaissance et, alors que dans son songe Amélia goûtait à un désir défendu, son corps réagit violemment en l’emportant dans un tourbillon orgasmique.
Elle ressentit la honte à son réveil, une gêne indicible d’avoir fait quelque chose de sale et de répréhensible. Son bas-ventre palpitait encore des sensations nouvellement explorées. La jeune femme décida de se remplir un baquet d’eau froide afin de malmener quelque peu ce corps capricieux et inconvenant. Si la froideur de l’eau eut pour effet de calmer les pulsions sexuelles d’Amélia, son esprit quant à lui continuait à vagabonder auprès du bel homme qui lui inspirait de mauvaises pensées. Tout au long de la semaine, la demoiselle se surprit à souvent repenser aux yeux et au sourire de l’inconnu. Elle se demandait parfois comment était bâti son corps, s’il était poilu, si son ventre accusait un surplus de graisse. Et au plus profond de ses rêves moites, elle imaginait ce que cela lui ferait s’ils faisaient l’amour ensemble. Petit à petit elle en fit une obsession qui ne la quittait plus. Il lui fallait toucher cet homme, l’embrasser, le contempler dans sa nudité offerte. Elle voulait le posséder et être possédée par lui.
L’automne se poursuivit ainsi. Chaque jeudi était plus ou moins semblable au précédent. Elle tenait salon mais n’écoutait plus ce qu’elle ne considérait à présent que comme un babillage inutile, son attention étant entièrement tournée en direction de l’inconnu. Lui souriait de manière énigmatique et opinait du chef de temps à autre. Vint un soir la dernière réunion de la saison. Amélia faisait une pause le temps de laisser passer l’hiver et ses frimas, et ne reprenait qu’une fois le printemps de retour. Elle n’avait pas encore réussi à parler à l’homme qui occupait chacune de ses pensées, malgré ses nombreuses tentatives. Il s’agissait là de sa dernière chance de connaitre au moins son nom. Elle tenta d’échafauder un plan d’action afin qu’il ne puisse pas lui échapper, ce qui occupa une bonne partie de sa journée.
Le soir venu, Amélia fit en sorte d’être éblouissante. Elle étrennait une nouvelle toilette bleue aux reflets chatoyants, ses cheveux étaient relevés en un savant chignon, et elle s’était davantage maquillée que d’habitude. Elle était bien décidée à séduire l’homme dont elle rêvait, bien qu’il lui faille rester discrète et dans les limites de la bienséance. Elle alla accueillir ses invités, restant plus longtemps à la porte afin de remettre à l’inconnu un petit mot qu’elle avait préparé dans l’après-midi. Ces quelques lettres tracées à l’encre de chine : Je dois vous entretenir d’une affaire personnelle avant votre départ. Je vous prierai d’attendre avant de quitter la réunion ce soir. Elle savait sa maladresse, mais était plus que novice dans le domaine. Et en aucun cas elle ne pouvait laisser passer cette chance. Elle désirait ardemment cet homme. Plus qu’une simple lubie, elle avait besoin de voir ses rêves transformés en réalité.
Le dernier salon de la saison fut plus long que les autres. La tradition voulait que l’on partage un verre avant de se dire au revoir et, pour une fois, ceci ennuya Amélia. Elle aurait voulu mettre tout le monde à la porte pour se retrouver enfin seule avec l’inconnu aux yeux verts. Mais ce contretemps se mua en belle surprise. L’âtre faisait rayonner sa chaleur aux convives installés tout autour. Le bel homme mystérieux se racla la gorge et fit entendre sa voix pour la première fois de la soirée. Il semblait même à Amélia que jamais encore il n’avait pris la parole devant elle. A l’assemblée captivée il conta un mythe. Ce fut court, mais chacun retint son souffle afin de goûter la beauté de cette histoire. Amélia quant à elle était bercée par les intonations mélodieuses de sa si jolie voix. Bien malgré elle, sa concentration décrocha des paroles prononcées et elle se prit à l’imaginer lui susurrant des mots d’amour.
Quand le conte fut achevé, tout le monde se leva et alla saluer l’hôtesse. Le moment à la fois tant attendu et pourtant redouté arrivait. Amélia se mit devant la porte d’entrée et serra chaleureusement ses amis dans ses bras quelques secondes. Il ne restait enfin plus que l’inconnu et elle-même. Sans se départir de son habituel sourire, il s’adressa à la jeune femme de sa voix puissante et virile :
— Bonsoir Amélia ! J’ai attendu comme vous me l’avez demandé. De quelle affaire s’agit-il donc ?
La demoiselle avait cru défaillir en l’entendant prononcer son prénom, et elle se trouvait à présent bien embêtée. En un instant tout ce qu’elle avait préparé s’était enfui de sa mémoire et elle se sentait rougir à vue d’œil. Elle bafouilla un peu avant de réussir à prononcer des mots intelligibles :
— Je vous ai vu aux salons que j’organise depuis quelques semaines déjà, et je ne sais même pas qui vous êtes. Je vous prierai donc d’avoir l’obligeance de me dire qui j’ai eu le plaisir de recevoir.
L’inconnu sourit davantage encore, se rapprocha d’Amélia doucement, puis posa ses lèvres entrouvertes sur celles offertes de la demoiselle. Il fit jouer délicatement sa langue afin de se frayer un passage dans la bouche d’Amélia et effleura tendrement sa joue du revers d’une de ses mains. L’autre était posée au creux des reins cambrés de la jeune femme. Puis, sans rien dire, il s’enfuit de l’appartement. La pauvre ne parvenait pas à se remettre de l’intensité de ce baiser. Une chaleur sourde parcourait son corps pour se concentrer à mi-hauteur. Réalisant enfin qu’elle avait été plantée là et seule, Amélia courut dans sa chambre afin de se déshabiller. Cette fois un bain froid ne pourrait la soulager. Il lui fallait toucher ce bouton gonflé de désir, le rendre à nouveau inerte à force de frottements. Une fois qu’elle fut repue de plaisir et écartant la honte, la demoiselle se laissa partir dans de merveilleux songes où elle rejoignait son amant.
Le réveil fut bien maussade. Beaucoup trop troublée pour y songer avant, elle venait de se rendre compte qu’elle ne savait pas où se trouvait celui qui hantait son esprit. Pire encore, elle ne connaissait même pas son nom. Les salons étaient finis jusqu’au printemps, Amélia se retrouvait seule avec ses pensées et ses désirs. Elle se traina toute la journée, ne reprenant espoir que lorsqu’elle revivait le baiser merveilleux de la veille.
Le lendemain, Amélia se trouvait mieux. D’une part le mystérieux inconnu savait où la trouver, et puis il restait à la jeune femme la possibilité de chercher parmi ses amis lequel avait convié l’homme aux yeux verts aux salons qu’elle organisait. Elle laissa passer quelques jours afin de voir s’il venait à elle, puis s’en alla quérir des informations. Elle procéda par ordre, rencontrant ses invités différents jours et avec des prétextes variés. Une fois c’était lui qui avait oublié son portefeuille chez elle, une autre fois elle avançait l’excuse d’un foulard échangé par mégarde. Une fois qu’elle eût fait le tour de tous ceux qui venait à ses salons de manière occasionnelle ou régulière, Amélia dut se rendre à l’évidence. Personne ne connaissait cet homme. Pire encore, personne ne se souvenait de sa présence. C’était fou, et inconcevable. Mais le mystérieux inconnu n’avait pas d’existence. Elle s’était remémoré le conte qui avait tant captivé son public ; seulement, après s’être enquise de ce détail auprès de ceux qu’elle avait interrogés, rien de probant n’en était ressorti. Aucun des invités n’expliquait ce moment de calme par l’écoute du récit de l’homme aux yeux verts. Non, pour tous il s’agissait là d’un simple instant de repos avant d’aller affronter le froid d’un hiver balbutiant.
Amélia tourna et retourna ces informations dans sa tête. Elle envisagea mille et une possibilités qu’elle rejetait aussitôt. Le plus probable était encore que pour une raison qui lui échappait, elle avait basculé dans la folie. Son corps trop longtemps négligé avait dû imaginer ce moyen de se rebeller et de trouver là un plaisir qui lui était refusé. Trente années de célibat complet, ce devait être trop pour elle. Elle qui avait toujours rêvé du grand amour, de l’homme quasi parfait avec qui elle coulerait des jours heureux. De toute évidence, cet homme n’existait pas. Alors elle se l’était créé.
L’hiver fut bien triste pour Amélia. Ses quelques rondeurs féminines avaient fondu en même temps que son espérance, ne laissant plus qu’une carcasse décharnée sans but dans la vie. Sa sexualité à peine découverte avait disparu, et chaque journée se révélait plus difficile que la précédente. Amélia avait commencé par se dire qu’il lui suffirait d’attendre le retour des salons afin de l’y rencontrer à nouveau. Mais à quoi bon attendre après un homme imaginaire et imaginé ? Puisqu’il ne revenait pas à elle, il était stérile de patienter. Elle se vit donc dépérir, et ceci non sans une certaine satisfaction. Elle avait tant désiré être particulière, hors norme. Eh bien une femme qui s’invente un amour et se meurt car il a disparu, voilà une chose bien singulière.
Un soir, alors qu’Amélia était assise devant sa coiffeuse et occupée à brosser ses ternes cheveux filasse, elle entendit du bruit dans son dos. Elle se tourna aussi vivement que lui permettait ses forces mais ne vit rien. Elle reprit donc sa tâche sans plus se préoccuper de cette légère distraction. Le miroir qui faisait face à la jeune femme était voilé. Elle ne supportait plus de contempler ses cernes, ses yeux vides de sens, ni sa bouche qui imprimait sans cesse un mouvement boudeur et malheureux.
Amélia ne se voyait pas, elle ne put donc pas apercevoir derrière elle l’homme qui approchait. Ce fut lorsque deux mains se posèrent sur ses épaules que la demoiselle sursauta. Elle vit sa dernière heure approcher et fut soudain prête à l’accueillir. Il s’agissait bien de la fin de la vie d’Amélia. Cette femme qui ne s’aimait pas, qui n’osait pas s’affirmer ni s’assumer allait mourir. Mais c’était au profit d’une autre femme, plus forte et plus heureuse.
L’homme qui venait de rejoindre Amélia était l’inconnu du salon. Il était apparu dans l’appartement fermé de la jeune femme. Elle comprit dès lors qu’il lui serait inutile de lui demander comment il se prénommait, ni ce qu’il faisait dans la vie. Il était là, prêt à l’aider et à l’aimer, et c’était tout ce qui importait
Puisant dans une force nouvelle, Amélia posa sa brosse sur le marbre du meuble qui était devant elle puis ôta sa chemise de nuit. Là, nue et sans fard, elle laissa son fantasme la porter dans ses bras et la déposer délicatement sur le lit. Il fut nu lui aussi en un clin d’œil et s’allongea auprès de sa belle. L’excitation d’Amélia était grande, pourtant elle voulait prendre son temps. Elle colla son corps froid et osseus tout contre la peau chaude de son amant et savoura la chaleur des deux êtres réunis. Amélia posa une main sur la joue râpeuse de l’inconnu qu’elle caressa. Puis elle explora son cou, son ventre, ses bras. Elle essayait d’imprimer dans son cerveau chaque parcelle de la peau qu’elle touchait afin de ne pas oublier ce moment magique. Elle allait faire l’amour pour la première fois et, même si lui n’était pas réel, tout ceci l’était pour Amélia.
Elle se mit ensuite à califourchon sur lui et l’embrassa passionnément. Il répondit à ses avances avec fougue et, avec d’infinies précautions, il la pénétra. Amélia cria sous le coup de la douleur et du désir. Bougeant tout d’abord lentement afin de ne pas la brusquer, l’homme accéléra le mouvement de va-et-vient de son bassin. Amélia l’y encourageait en gémissant de plus en plus fort, lui labourant le torse de ses ongles. Elle se sentait enfin femme, entière et vivante. Elle voulait qu’il se fonde en elle, que leur deux corps ne fassent plus qu’un. Et c’est précisément ce qui arriva. Au moment de la délivrance, Amélia assista à la dissolution progressive de son amant. Il ne disparut pas à proprement parler. Non, il sembla comme aspiré par la jeune femme. Il n’était plus visible, mais demeurait présent. A tout jamais elle serait accompagnée.
Amélia goûta vite à son nouveau statut. Elle ne ressentait aucune perte quant à la disparition de l’homme aux yeux verts. Elle se sentait investie d’un regain d’énergie propre à lui faire déplacer des montagnes. Pour débuter cette nouvelle vie, la jeune femme dressa la liste de tout ce qu’elle avait toujours voulu faire. Et, puisqu’il faut bien commencer quelque part, elle se mit à l’écriture. A l’instar de George Sand ou de la comtesse de Ségur, Amélia voulait coucher ses pensées sur le papier.
*
Amélia était ma grand-mère, et j’ai appris beaucoup de son histoire dans ses écrits. Malgré l’invraisemblance de ses propos, je pense que tout n’est pas qu’invention. Cette formidable femme qu’elle était, qui a accompli de grandes choses notamment pour la cause des plus faibles et démunis, était très ambivalente et paradoxale. À la fois douce et rebelle, silencieuse et bavarde, parfois très sage ou complétement délurée, cette femme avait un secret.
Un jour où je fouinais dans le grenier, je suis tombée sur un vieux morceau de papier plié et à demi déchiré. Les lettres manuscrites étaient peu lisibles, mais j’ai cru discerner les mots qu’elle avait écrits à l’inconnu pour qu’il l’attende le soir du dernier salon. Et parfois, lorsque ma grand-mère défendait une cause qui lui tenait à cœur, un étrange sourire se dessinait sur ses lèvres et ses yeux bleus délavés prenaient une teinte verte.
ou en PDF ici http://www.phenixweb.info/sites/default/files/L-inconnu-du-salon-Albine-...
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