L’inconnue du fort par Catherine Bolle
Par une matinée d’automne de l’an 1217
Le fort se dresse devant nous, massif et mystérieux dans la brume qui l’entoure. On raconte tellement d’histoires sur ce lieu maudit. Lever la tête vers ses tours suffit à porter malheur, selon la vieille Rotrude. Papa nous a toujours défendu de trainer dans les fossés, en contrebas. Même depuis que nous avons passé l’âge des bêtises. Sa grosse voix résonne encore dans ma tête : « Les affaires du seigneur ne sont pas les nôtres, et il ne fait pas bon croiser le borgne ! ». Le borgne… Le pas saccadé de sa jument me pousse sans cesse contre le torse de l’homme de main du seigneur, depuis que nous avons entrepris l’ascension du chemin qui mène à l’effroyable bâtisse.
Tandis que nous approchons du pont, je frissonne à l’idée de passer l’enceinte de la forteresse et resserre ma cape autour de mes épaules. Mes cheveux relevés offrent ma nuque à la bise sous ma coiffe légère. Malgré tout, je fais mon possible pour m’éloigner du borgne ; la puanteur qu’il dégage me prend à la gorge. Ses bras puissants de chaque côté de ma taille m’enserre comme un étau. Si j’avais imaginé un jour partager sa monture ! Mais il ne nous a pas laissé le choix. Papa n’a rien dit. Aucune protestation alors qu’on m’emmenait. Ses yeux baissés et ses traits résignés m’ont frappée en pleine poitrine. Les reverrai-je, mes frères et lui ? Mon arrestation a-t-elle quelque chose à voir avec la mort du maître, le mois dernier ? Toutes ces questions me torturent.
Nous approchons de la tour principale. Deux serviteurs nous attendent. Avec une délicatesse surprenante, le borgne m’aide à descendre de cheval. Puis il me laisse face à ces inconnus et repart aussitôt. Les deux hommes à l’allure sévère m’invitent à les suivre. Qu’attend-on de moi, à la fin ? Je m’engage à leur suite d’un pas mal assuré. Nous pénétrons dans un bâtiment aux murs épais. Les torches des serviteurs nous guident dans la pénombre. Bien avant de déboucher dans une vaste pièce, l’odeur chaleureuse de l’âtre et le crépitement d’un feu aiguisent ma curiosité : c’est la première fois que je pénètre dans la demeure d’un riche seigneur. Ma chemise usée jusqu’au dernier fil et ma cotte rapiécée me semblent soudain déplacées, je baisse les yeux et fixe le sol.
Les serviteurs m’abandonnent au centre de la pièce. Un mouvement subtil devant l’immense cheminée attire mon attention. Je redresse la tête et me fige. Une femme de petite taille s’est levée de l’un des fauteuils et me dévisage, les traits bouleversés malgré le côté austère que lui procure sa haute coiffe retenue par une barbette. La maîtresse du fort. Voici donc Berthe de Joux dont j’ai tant entendu parler. Les mains sur l’encolure de son mantel d’une couleur bleu nuit, elle hésite un instant avant de murmurer d’une voix tremblante :
— Approchez-vous, mon enfant.
Les quelques pas qui me séparent d’elle sont les plus pesants de ma vie, sous son regard plein de larmes. Pourquoi est-elle émue ?
Il lui faut lever les yeux pour continuer de percer les miens, je la dépasse d’une bonne tête. Elle tend ses doigts vers ma joue puis se ravise. Un nom s’échappe de ses lèvres, mais je ne saisis pas lequel. Enfin, à mon grand soulagement, elle m’invite à m’assoir sur l’un des fauteuils face à la cheminée. Le dossier moelleux me met mal à l’aise, je crains de salir le tissu délicat.
Après un long silence, elle me demande, fixée sur le feu alimenté par une énorme bûche :
— Connaissez-vous la rumeur qui court dans le pays au sujet d’une cellule du fort…
Elle ajoute, un frisson dans la voix :
— Et de la femme qui y fut suppliciée durant des années ?
Je sursaute, choquée qu’elle me pose la question. Bien-sûr que je connais cette rumeur, tout le monde la connait ! Combien de fois a-t-on joué à la prisonnière du fort avec mes frères ?
Berthe tourne ses yeux rougis par l’émotion dans ma direction. Elle esquisse un sourire devant mon air gêné.
— La rumeur accable cette femme coupable d’adultère, je le sais bien.
Son timbre vibrant me donne la chair de poule. Elle poursuit en se concentrant de nouveau sur les flammes :
— Oui, cette femme a trompé son mari parti en croisade aux côtés de son suzerain. Elle le croyait mort après toutes ces années sans nouvelle. Alors le jour où son ami d’enfance s’est présenté au fort, blessé, elle l’a soigné. Puis…
Sa voix s’étrangle dans un sanglot, mais elle se ressaisit rapidement.
— Puis ils se sont aimés.
Elle reste quelques secondes suspendue dans ses pensées… Ses souvenirs ? Un soupir met fin à cette belle histoire.
— Mais le mari, bien vivant, est rentré. Il a découvert les deux amants et les a châtiés.
Dans une intonation froide et dure, elle achève :
— Il a tué le jeune homme et fait construire une cellule sur mesure dans laquelle l’épouse infidèle ne pouvait ni s’allonger ni se tenir droite. Son unique promenade quotidienne la menait devant une ouverture en face de laquelle elle apercevait la dépouille de son bel amant pendue à un arbre.
Le souffle court, elle reprend sa respiration. Je n’arrive pas à me détacher de cette femme qui vient de se confier à une inconnue. Serait-il possible que la rumeur dise vrai ? Que Berthe ait vécu toutes ces années un pareil enfer ? Mais en quoi suis-je concernée ? Comme si elle lisait dans mes pensées, elle me regarde, les yeux brillants.
— L’histoire est cependant incomplète. L’amour entre la femme et son amant n’est pas demeurée stérile. Lorsqu’on l’a enfermée dans sa minuscule cellule, un enfant grandissait déjà en elle. Cet enfant est né, il y a environ dix-neuf ans. Une petite fille qui a été confiée à une famille paysanne des environs.
Elle se perd encore une fois dans ses souvenirs.
— Je n’en ai eu que peu de nouvelles, jusqu’à la mort de mon époux le mois dernier. Ma première pensée en quittant définitivement ma cellule a été pour elle.
Puis son regard plein de sens se pose sur moi. Mes membre se mettent à trembler sans que je ne puisse les en empêcher ni me détourner de cette femme et de l’atroce réalité qu’elle s’apprête à me livrer. Après une profonde inspiration, les mots sortent de sa bouche.
— Cet enfant, c’est vous.
Les mains sur les bras du fauteuil, je me retiens pour ne pas tomber. Plongée dans un vide sans nom, je ne réussis qu’à bafouiller :
— Vous voulez dire que…
— Je suis votre mère, Mahaut. Vous êtes la fille née de mon amour pour Amey de Montfaucon.
Sa fille ? Non, c’est impossible. J’ai une mère. Elle a été emportée par une vilaine grippe il y a plusieurs années, mais elle était ma mère. Cette inconnue qui me raconte ses malheurs n’est rien pour moi ! Je veux partir, rentrer à la maison ! Je me lève brusquement, mais un vertige me prend sans crier gare et je m’écroule à terre.
Les ordres secs de Berthe me parviennent de très loin. On m’emporte, m’allonge et me déshabille sans que je ne réagisse. Dans mon inconscience, je sens des doigts chauds passer sur mon front et essuyer mes larmes. Maman ? Non, impossible. Alors est-ce cette femme maudite qui prétend être ma mère ? Je secoue la tête et repousse sa main.
Un tremblement plus violent que les autres me réveille. Seule, dans une vaste pièce éclairée par des torches accrochées au mur, il me faut quelques minutes pour rassembler mes esprits. On m’a vêtue d’une chemise et d’une cotte. Le tissu léger effleure ma peau et me fait frémir. Assise sur l’épaisse couverture du lit, j’envisage les différentes possibilités qui s’offrent à moi. Ma décision s’impose assez rapidement. Je repère un mantel posé sur une chaise, me lève et l’enfile. La porte de la chambre est entrouverte, je sors discrètement.
Je devine un petit couloir, mais il fait trop sombre pour distinguer quoi que ce soit. Comment est-ce que je vais m’enfuir d’ici ? Il n’est pas question que je passe une seule nuit dans ce maudit fort. Prenant mon courage à deux mains, je m’empare d’une torche et emprunte le couloir. Il débouche sur une pièce vide dans laquelle règne une atmosphère étrange. Je rejette dans mon dos ma longue chevelure que je n’ai pas pris la peine d’attacher et inspire pour me donner du courage. J’avance de quelques pas quand soudain, je les remarque. Un frisson de terreur irradie le long de ma colonne vertébrale. J’étouffe un cri.
Des barreaux en fer. Ils cachent une ouverture étroite dans le mur. Serait-il possible que… Non, je chasse cette idée ridicule d’un geste. Intriguée malgré tout, je m’en approche, la torche à hauteur de mon visage. J’hésite un instant avant d’oser toucher le fer. Il me glace la peau et m’arrache une plainte. Mes doutes s’évanouissent et une vague d’émotion me submerge. J’ai beau ne pas accepter l’idée que cette femme soit ma mère, la savoir prisonnière d’un tel endroit durant plusieurs décennies me bouleverse. Mes doigts agrippent les barreaux qui se mettent à bouger. À mon grand étonnement, la grille n’est pas fermée à clé. Je l’ouvre sans réfléchir, me penche et balaye la pièce de ma torche. Son étroitesse est à peine imaginable. Comment Berthe a-t-elle pu y vivre aussi longtemps ? Un bref élan de fierté me chauffe le cœur. Suivi d’une foule de questions. Suis-je née ici ? À même le sol poussiéreux ? Ou l’a-t-on autorisée à quitter sa cellule pour l’occasion ? Un sanglot se brise au fond de ma gorge.
Le besoin indescriptible qui me pousse à entrer dans la pièce minuscule me prend aux tripes, impossible de lui résister. Mais à l’instant où je franchis la grille, un courant hivernal me traverse. Courbée, je me tiens aux murs pour ne pas tomber. La compassion que j’éprouve pour cette femme laisse peu à peu place à un autre sentiment. Puissant, ardent et mauvais. Comment le seigneur de Joux a-t-il pu enfermer Berthe ici ? Comment a-t-il pu faire subir ça à son épouse ? Un éclair de lucidité me transperce, mais je rejette aussitôt l’explication qui tente de se frayer un chemin. Seule compte le fait que ma mère a dû trouver le temps bien long, coincée dans la poussière de cet endroit lugubre. Oui, ma mère. Ses yeux baignés de larmes déchirent mon ventre. Après tout ce qu’elle a subi, je l’ai rejetée moi aussi…
Dans un grognement de rage, je lance la torche contre l’un des murs de la cellule. Elle tombe au sol en même temps que moi. La tête dans mes mains, je me recroqueville contre les pierres comme pour m’en imprégner, les faire entrer dans ma chair, ressentir au plus profond de moi la souffrance de celle qui m’a mise au monde. Les larmes jaillissent et mes cris s’étouffent dans ma gorge. Le ventre soulevé de spasmes, je me balance d’avant en arrière sans chercher à reprendre mon souffle, gagnée par la folie du désespoir qui pénètre chaque pore de ma peau. Pourquoi est-ce arrivé ? Pourquoi ? La petite voix éclate dans ma tête.
Tu sais très bien pourquoi, ricane-t-elle. D’après-toi, qu’est-ce qui a mis le sire de Joux hors de lui lorsqu’il a vu le corps de sa femme ? Quand ses yeux se sont posés sur son ventre arrondi ?
Je cogne mon front contre le mur pour la faire taire. Assez ! Mais elle persiste.
L’honneur était vengé avec la mort du rival. Alors pourquoi s’acharner sur son épouse si ce n’est pour laver un affront plus grand encore ?
Un autre coup de tête sur les pierres. Et encore un. Que tout cela cesse ! Mes cris résonnent sur les murs tandis que je frappe et frappe encore mon front. Le sang coule sur mes paupières, pique mes yeux, mais une douleur bien plus forte explose dans mon ventre. Ma voix éraillée retentit dans le silence de la nuit.
— Maudit soit l’amour ! Maudit soit ce fort et celle que je suis !
Mon crâne se fend sous le choc qui accompagne mes mots. Un dernier soupir s’échappe de mes lèvres alors que des pas affolés s’approchent de la cellule.
Par un après-midi d’août 2015
Les éclats de voix se rapprochent, résonnant sur les murs à quelques mètres de là. Je me penche par l’ouverture de la cellule et tends le cou pour l’apercevoir. C’est sa dernière visite de la journée et je me languis déjà à l’idée de l’attendre jusqu’à demain.
— Avancez par ici pour la suite de la découverte du fort !
Le voilà, les bras le long du corps, à l’aise malgré la timidité que j’ai appris à déceler dans ses regards fuyants lorsqu’un visiteur le presse de questions. Heureusement pour lui, ils se contentent en général de filmer ou prendre des photos avec ces appareils fixés au bout de leurs doigts comme un prolongement naturel.
— Voici la célèbre cellule de Berthe de Joux.
C’est le moment que je préfère. Tandis qu’il décrit d’une voix chargée de mystère l’enfer vécu par ma mère entre ces quatre murs, je me glisse à l’intérieur des vieilles pierres. La fusion de mon âme avec le fort me procure à chaque fois un sentiment de plénitude. Je vibre à travers les particules de l’édifice et capte la vie qui résonne en lui. Le moindre pas, le plus petit frottement contre l’un de ses murs, l’ondulation des bruits même infimes sur ses parois. Tout me parvient simultanément et m’offre une sensation d’ivresse qui ne prend fin que lorsque je réalise les limites de cette mutation contre-nature. Je n’ai jamais compris pourquoi je ne peux dépasser l’enceinte de cette maudite cellule. Mais peu m’importe, à cet instant précis. Celui où il applique sa paume contre les pierres pour appuyer son propos. La chaleur de sa peau me guide jusqu’à lui et je glisse entre les grains de poussière pour l’atteindre au plus près. Ressent-il ma présence sous ses doigts ? Il ne les poserait pas systématiquement si ça n’était pas le cas. La petite voix dans ma tête revient à la charge.
Que tu es bête, ma pauvre fille ! Quand bien même il capterait quelque chose d’étrange, tu n’es qu’une âme errante, immatérielle, incapable de séduire un homme. Et n’oublie pas que tu as maudit l’amour, autrefois…
Comment pourrais-je l’oublier ? Ce souvenir m’a hantée durant des siècles. Et jusqu’à l’arrivée de ce guide au début de l’été, j’étais persuadée que l’amour n’était que souffrance et misère.
La visite se poursuit. Il quitte la pièce en queue de file, je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à la suite des touristes. Puis je replonge dans ma torpeur. Mais le silence ne dure pas. Quelques minutes plus tard, des pas sur le sol carrelés attirent mon attention. Médusée, je reste figée sur sa silhouette qui s’approche. Il est seul, cette fois. Recroquevillée, je n’ose plus bouger de peur de le faire fuir. Il se dirige droit vers le mur contre lequel il a l’habitude d’appuyer sa main plusieurs fois par jour depuis des semaines. Un frisson parcourt mon âme à l’instant où sa peau entre en contact avec les pierres. Immobile, il reste ainsi, les yeux fermés, à attendre… que je vienne à lui ? Sur le point d’aller à sa rencontre, d’autres pas me détournent de cet instant magique.
— Qu’est-ce qui t’arrive, Sacha ? Tu médites ?
Qui c’est, celle-là ? C’est la première fois que je la vois ici. Il se redresse, gêné, et se tourne dans sa direction.
— Salut, Alice. Déjà là ?
— Il faut un peu de temps pour que tu me formes à mon nouveau job, j’ai pensé que…
— Oui, bien sûr, abrège-t-il. Le plus simple serait que nous fassions une visite détaillée du fort.
Que veut-il dire ? Pourquoi former un autre guide ? Je me précipite vers l’ouverture, obligeant la force qui me maintient à l’intérieur de la cellule à resserrer sa mainmise sur moi. Avec horreur, j’assiste au jeu de séduction de cette garce. Les mains dans les poches de son pantalon moulant, elle s’approche beaucoup trop près de lui et lui sourit d’un air niais qui me donne envie de la gifler.
— Au pire, rien ne presse. Viens chez moi pour un cours particulier, si ça te dit.
Elle ne manque pas d’air !
— C’est que… répond-il en se grattant la tête.
— Quoi ? Tu as une petite amie ?
— Non, mais…
Le regard qu’il pose sur le mur de la cellule enflamme ce qui me tient lieu de cœur et ravive le brasier au fond de mes entrailles. Dans un souffle de rage, je fusionne avec la poussière au sol et tournoie jusqu’à la soulever. Ça tourbillonne au point de me filer le tournis. La quinte de toux qui s’empare de la pimbêche calme mes nerfs et me ramène à ma forme fantomatique.
— D’où vient cette poussière ? crache-t-elle en tentant de reprendre son souffle.
J’éclate de rire devant son visage couvert d’une pellicule grisâtre. La belle continue de s’époumoner devant l’œil surpris de celui qu’elle n’aurait pas dû approcher.
— Je sors prendre l’air, rejoins-moi !
Elle se précipite à l’extérieur en secouant sa tignasse. Le sourire en coin qui traverse le visage de Sacha est communicatif : s’il pouvait voir le mien ! Sans se soucier davantage de l’échevelée, il revient contre le mur et s’y appuie des deux mains. La tête baissée, il murmure :
— Allez, un ultime frisson avant mon départ.
Son départ ? Je plaque une main contre ma bouche pour retenir un cri qui ne sortira jamais, de toute façon. L’idée s’immisce dans mon âme avec tout le désespoir qu’elle suppose. Ce n’était pas seulement sa dernière visite de la journée…
Résignée, je gagne l’intérieur des pierres pour une ultime vibration contre sa peau. Jamais contact n’a été aussi fort que la caresse qui nous unit dans cet instant unique. J’en savoure chaque seconde et l’imprime dans ma mémoire pour l’éternité. Les traits transfigurés par un éclat de bonheur, il finit par se détacher du mur. Je reste enfouie dans les particules qui portent toujours sa chaleur pour vibrer encore un peu et ne pas le voir disparaître définitivement.
Une douleur sourde vieille de plusieurs siècles, de bien avant ma naissance, enfle dans ma poitrine et s’insinue dans chaque pore de mon âme. Le vide effroyable laissé par l’absence de l’être aimé. Celle qu’a endurée Berthe pendant que je grandissais en elle.
Deux mois plus tard
D’une main tremblante, l’inspecteur Hubert Delamotte, responsable de l’affaire du cadavre découvert au fort de Joux, tend le rapport d’autopsie au maire de la commune dont dépend l’édifice. Celui-ci cale ses petites lunettes rondes et parcourt le papier, la mine dubitative.
— Drôle d’histoire, soupire-t-il en déposant le rapport sur son bureau.
— Je ne vous le fais pas dire, ajoute l’inspecteur.
Le maire se gratte le menton et mordille le bouchon d’un stylo avant de reporter son attention sur l’objet de son trouble. Ce sont ces deux phrases qui le titillent particulièrement : « La datation indique avec certitude que les os appartenaient à une femme jeune décédée au treizième siècle. Les marques sur le crâne laissent supposer qu’un choc violent serait à l’origine du décès ». La belle affaire ! Cela n’explique pas comment le squelette s’est retrouvé dans la cellule, les os imbriqués comme s’ils n’avaient jamais été manipulés. Un mystère dont le maire se passerait bien. Il ne manquerait plus que cela fasse fuir les touristes !
— Écoutez, mon cher Delamotte. Tout cela nous dépasse, c’est évident.
— C’est sûr, monsieur.
Le maire éponge son front, soulagé. Les deux hommes échangent un coup d’œil entendu : inutile de perdre du temps, l’oubli est la meilleure solution. La femme morte dans la cellule de Berthe de Joux restera ce qu’elle doit être : une inconnue.
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Commentaires
Bravo !
Bravo !Super nouvelle, je me suis régalée !Merci.
Merci
Merci Nadine, votre commentaire me touche beaucoup.