LE ROY Philip 07
La porte du Messie
La porte du Messie a eu beaucoup de mal à trouver son éditeur. Pourquoi tant de refus alors que tu es parfaitement reconnu ?
Beaucoup d’éditeurs n’aiment pas les sujets qui fachent. L’islam et son décorum (son livre, son prophète, sa Mecque) en font partie. Personne n’osait publier La porte du messie, d’autant plus que ce roman remet tout à plat. Si tu critiques les cathos, tu ne crains rien. Si tu critiques les juifs, tu risques un procès. Mais si tu critiques les musulmans, au mieux tu es taxé d’islamophobie, au pire, tu écopes d’une fatwa. Aucun n’écrivain n’avait attaqué le sujet de front à ce jour. Avec le Cherche Midi, on a joué les pionniers. La littérature doit rester le dernier espace de liberté.
James Ellroy disait qu’aux Etats-Unis, dès lors qu’on inscrit « roman » sous un texte, on peut tout dire et on ne risque rien. Te sens-tu aussi serein que lui ? N’as-tu pas hésité à l’écrire ?
Jamais je n’ai hésité à l’écrire. Au contraire. Durant la phase de préparation et de recherche, j’étais surexcité par tout ce que je découvrais et tout qu’on nous cachait. Ce n’est qu’après la sortie du livre que j’ai regretté. Il est arrivé trop tôt. Les gens n’étaient pas prêts. On est dans un pays pusillanime qui met plus de temps que les autres à comprendre ce qui se passe autour de lui. Il faudrait lire La porte du Messie dans quelques années comme un roman historique éclairant les lecteurs sur le mal que les fous d’Allah auront répandu sur la planète.
Tu prétends que tous les faits sont réels. Comme dans le Da Vinci Code, cité par Guillaume Hervieux dans sa préface. Quelle part de manipulation du lecteur dans cette affirmation ? N’est-ce pas un peu facile comme ressort romanesque ? Et si tout est vrai, pourquoi romancer ? Surtout qu’une bonne part du Da Vinci Code s’appuie sur une supercherie née dans les années 50.
On me demande souvent pourquoi délivrer la vérité sous forme de roman. Mais il faut poser la question dans l’autre sens : pourquoi ce sujet pour mon roman ? On est dans la littérature et non dans le documentaire. La documentation n’étant que la partie préliminaire de l’écriture. En tant qu’auteur de thrillers, mon but est de raconter des histoires qui touchent et qui font peur. Pour que ce soit efficace, je choisis une menace réelle et palpable. Je veux faire flipper le lecteur jusque dans son quotidien, dans son lit, dans ses pires cauchemars. Mais on doit enquêter sérieusement si on ne veut pas agiter un simple épouvantail. C’est pourquoi j’ai sollicité Guillaume Hervieux pour préparer ce roman. Quant au Da Vinci Code Guillaume et moi torpillons ce livre fantaisiste et conformiste dans L’origine du monde.
Sur ces faits, des savants ont déjà publié, notamment ceux que tu indiques dans ta bibliographie. Si leurs travaux n’ont rien changé, que pourra ton roman ? Le voile est-il trop opaque ?
As-tu fait des découvertes que tu n’as pas mises dans La porte du Messie ?
Je n’ai pas pour ambition de changer les choses, mais de faire passer un sacré bon moment au lecteur. Je laisse l’humanité s’anéantir et continuer à me donner les ingrédients dont j’ai besoin pour terrifier mes lecteurs. D’ailleurs, au cours de nos investigations sur les origines du Coran, Guillaume et moi avons fait d’autres découvertes croustillantes et encore plus importantes qui seront dévoilées dans L’origine du monde.
Qu’attends-tu comme réception, notamment par la communauté musulmane ? T’es-tu préparé à des réactions ?
Je n’attends rien de la communauté musulmane car je n’écris pas pour elle. Seule la réaction des lecteurs m’importe, qu’ils soient croyants ou pas. Tout ce que je souhaite, c’est qu’ils éprouvent du plaisir à me lire tout en prenant quelques claques.
Fondamentalement, la lutte entre la croyance et la rationalité n’est pas perdue d’avance pour les rationnels ?
Il ne devrait pas y avoir de lutte entre les croyants et les athées, pas plus qu’il ne devrait y avoir de lutte entre ceux qui sont amoureux et ceux qui ne le sont pas. La foi, comme l’amour (censé inspirer les religions) ne se pratique que dans l’intimité. Dès qu’elle entre dans la sphère publique, cela devient de la politique. Et là, c’est dangereux.
Ton personnage, Simon Lange, est encore un paumé et un combattant, comme Nathan Love. Son cousin ? Simon Lange, c’est ton Jason Bourne ?
Simon roule pour lui seul. Il enquête sur son propre passé. Il veut savoir d’où il vient et comment il a été manipulé depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. La réponse lui fera très mal au sens propre comme au sens figuré. Du coup, mon Jason Bourne à moi, c’est Sabbah Shahi. C’est elle l’élément moteur, la combattante. Elle deviendra mon personnage principal.
* *
L’origine du monde
Tu as écrit là deux romans qui nous révèlent d’abord les origines du Coran, puis carrément l’origine des religions. Pourquoi des sujets aussi… brûlants ? Comment te sont venues ces inspirations ?
L’inspiration m’est venue tout d’abord par la rencontre mystérieuse avec une femme voilée. Elle m’a interpellé sur un salon en me soutenant que le Coran avait été écrit par des chrétiens. J’ai alors enquêté avec l’aide de Guillaume Hervieux, un théologien aguerri. L’enquête nous a menés très loin dans le temps et dans différents pays du monde. On a mis le doigt sur une gigantesque manipulation de l’Histoire et mis en lumière une menace qui n’a pas tardé à devenir une réalité, seulement quelques semaines après la sortie de La porte du Messie ! On avait tous les ingrédients du thriller : le mystère, la manipulation, la menace. En en plus on avait raison sur toute la ligne !
Comment est-il possible que toutes nos religions, ou presque, soient aussi « fausses » ?
A cause du pouvoir qu’elles confèrent. Quand on parle au nom de Dieu, on peut tout se permettre. Alors, pour acquérir ce pouvoir, tous les moyens sont bons, y compris la réécriture des textes religieux originels. C’est ce que firent les copistes hébreux, le clergé et les califes, à tour de rôle.
Les manuscrits dont tu parles existent-il réellement ?
Oui et tous les États islamiques de la planète feront le forcing pour les détruire.
Comment pourrait-on rétablir la vérité ?
Je n’ai trouvé qu’une seule réponse. Elle est révélée à la fin de L’origine du monde.
Comment fais-tu pour mêler aussi habilement action, suspense, histoire et religion ?
Bien préparer son sujet avant l’écriture. Se documenter, interroger, enquêter, aller sur place. Ensuite bien construire les personnages. On doit les connaître à fond avant de commencer à écrire le premier mot. Puis définir un axe et jeter le chapitre 1 sur la feuille. Il doit être le plus accrocheur possible. Plonger ensuite ses personnages dans la situation périlleuse que l’on a créée. Et faire bouillir le tout avec un sujet brûlant.
Ca fait la 2e fois que tu t’attaques à la religion…Quel regard portes-tu sur la religion dans notre société ?
Je n’accorde aucun crédit au dogme religieux et à tous les représentants de Dieu. En revanche, j’ai du respect pour ceux qui ont une vie spirituelle qui vise à l’élévation de l’être et dont la foi ne concerne que leur relation avec Dieu. Bon sang, un peu de pudeur ! Exposer sa foi à tout bout de champ est aussi indécent que de narrer sa nuit d’amour à des inconnus.
J’ai l’impression que l’Histoire avec un grand H a pris un peu le pas sur l’histoire du héros…
Dans La porte du Messie, l’Histoire avec un grand H est entremêlée avec celle du héros. Plus Simon s’approche de la vérité sur ses origines, plus il lève le voile sur les origines du Coran. Une fois qu’il saura, il en paiera les conséquences et basculera du côté obscur de la force. Il deviendra un personnage très noir, profondémment nihiliste qui n’oeuvrera qu’à la destruction de l’humanité. Du coup, c’est Sabbah qui se coltinera le sale boulot et deviendra la véritable héroïne dans L’origine du monde. Ce qui est logique pour un roman qui ambitionne de rendre justice à la moitié de l’humanité : les femmes !
Combien de temps t’ont pris les recherches et l'écriture de ce roman ?
Quatre ans en comptant les investigations qui m’ont permis d’écrire à la fois La porte du Messie et L’origine du monde.
La religion chrétienne dans Le dernier testament, l’Islam ici, le prochain, ce sera le bouddhisme ?
Dans L’origine du monde je remets à zéro les compteurs de toutes les religions. J’aurai ainsi fait le tour de la question. Mais je ne touche pas au bouddhisme qui n’est pas une religion d’ailleurs. Les bouddhistes zen disent « Si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha ». Cet aphorisme vise à se défaire de ses préjugés, de ses certitudes, de ses croyances même les plus sacrées. C’est ce qu’il y a de plus difficile à faire, mais c’est aussi le premier pas vers la liberté. Je n’ai rien à redire à ça. En revanche, on n’est pas prêt de rencontrer un religieux qui déclare « Si tu rencontres Dieu, tue Dieu ».
Que penses-tu de ce qui se passe ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours en Syrie justement, en France et dans le monde? Coup religieux, coup politique, connerie à l'état pur ?
La porte du Messie et L’origine du monde. Mais pour faire plus court, je te répondrais que deux civilisations s’affrontent dans le monde : le système capitaliste cynique et la théocratie barbare. Une économie de guerre contre une idéologie de guerre. On en est réduit à ce choix entre deux modèles de société qui valorisent la bêtise humaine. Nous sommes donc en guerre depuis des années. On n’en a pas l’impression car quand ça explose en Israël ou au Liban, les médias nous enfument avec la sexe tape d’un footballeur. Egoïstement, il faut attendre que ça pète chez nous pour qu’on prenne conscience de la situation. A nous de trouver une troisième voie pour sortir de cette abêtissement planétaire. Dans L’origine du monde, Simon et Sabbah ont chacun la leur.
Te sens-tu grandi après l’écriture de ces deux livres ?
Quelle belle question ! Chaque écrivain devrait se la poser. La grandeur est avant tout chez les érudits courageux qui ont risqué leur vie pour délivrer la vérité. En intégrant leurs travaux dans deux œuvres littéraires qui m’ont pris quatre ans de ma vie, j’ai peut-être grandi un peu. En tout cas, cela m’a transformé.
Quels sont tes projets ?
Je travaille actuellement sur un roman qui révèle une face cachée de l’Histoire du XXe siècle. Un panier de crabes dans lequel on trouve les Kennedy, Sinatra, Hollywood, le FBI, la CIA, la mafia, Fidel Castro. Avec au milieu Marilyn Monroe qui note tout dans un carnet. Et moi, je retrouve aujourd’hui le carnet à moitié brûlé à côté d’un cadavre calciné…
Critique de L'origine du monde
Critique de La porte du Messie
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