Béla Bartók contre la veuve noire du Führer
Quel titre ! Quoi, Bartók, le célèbre compositeur, un héros fantastique ? Voici un ovni musical et uchronique, tour de force magistral de deux auteurs, Jérôme Verschueren, qui a écrit la novella, et Jeam Tag, l'illustrateur de la prodigieuse couverture que l’on n’oubliera pas. On y voit un Bartók échevelé, martelant son piano sur le toit d'un gratte-ciel de New York devant deux individus plus que patibulaires.
De quoi s'agit-il ? D'une nouvelle de 41 pages décrivant un combat mortel entre Bartók et les nazis à New York en 1940. Fuyant l'avancée allemande en Hongrie, Bartók, après un long séjour en Suisse chez son ami Paul Sacher, a émigré aux États-Unis où il mourra cinq ans plus tard. Tout cela est vrai. Mais, sur ce séjour autant glorieux que douloureux, nos deux auteurs ont greffé une mini épopée, tenant du thriller historique le plus déroutant. La fascination du texte réside en cette transformation d'une figure de compositeur de musique classique bien sérieux en un héros de thriller. Le récit est conté par une jeune Black vagabonde, envoûtée par la création de la Musique pour cordes, percussion et célesta en 1937. Retrouvant Bartók en Amérique, elle se met à son service. À ce moment, les États-Unis ne sont pas encore en guerre, mais se voient infiltrés par de nombreux espions nazis. L'on annonce précisément l'arrivée d'une « arme secrète » allemande. Becky – c'est le nom de l'héroïne – la rencontre fortuitement : cette arme est... une femme, blonde et splendide, mais venimeuse en diable. Et commence le combat formidable entre le FBI, la jeune noire, la plus que sulfureuse Eva, Edgar Varèse, qui pointe sa chevelure hirsute, et Bartók en personne, aidé par des ombres-spectres, dont on ne saura pas grand-chose sauf qu'elles se révèlent très efficaces. Bartók n'est pas toujours en première ligne car déjà malade et souffrant irrémédiablement de son exil, malgré quelques honneurs rendus.
La scène finale, où l'on rencontrera Eleanor Roosevelt ou Albert Einstein, n'est pas piquée des vers. Mais, n'ayez crainte, tout finit bien, parce que la musique de Bartók tue ! Je ne vous en dis pas plus.
Le style de Jérôme Verschueren est alerte, vif, et va droit devant. Très moderne, il n'est pas sans emprunter quelques fois à Frédéric Dard et peut effaroucher les âmes sensibles (sic). Ce fascicule détonnant est à lire en écoutant la Sonate pour deux pianos et percussion.
Les auteurs entendent poursuivre les aventures de leur héros jusqu'à son décès en 1945, comme suit :
- Béla Bartók et les algorithmes de l'Apocalypse (1941)
- Béla Bartók dans les griffes de Baba Yaga (1942)
- Béla Bartók et la main guidonienne(1943)
- Béla Bartók face à son destin (1944-1945).
A l'aune du premier volume, cela promet d'être réjouissant !
P.S. La première page de l'opuscule esquisse rapidement la biographie du compositeur et la dernière détaille une discographie succincte, ainsi que l'explication des termes « section d'or », « diatonisme » et « chromatisme ».
Jérôme Verschueren et Jeam Tag, Béla Bartók contre la veuve noire du Führer, Éditions Le Carnoplaste , 2013, 42p., 7,50 euros.
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