Mr. Shivers

Le fantastique à l’ancienne fait malheureusement de moins en moins recette, concurrencé par la bit-lit. Mais régulièrement paraissent quelques bijoux du genre que le lecteur féru de belle plume et d’histoires à faire froid dans le dos devrait apprécier. Mr. Shivers entre dans cette catégorie d’ouvrages proposant une histoire réellement immersive, où le fantastique n’est pas raison au roman mais vient uniquement l’embellir de couleurs d’outre-tombe.

La couverture est tout à fait représentative de l’ambiance générale de l’ouvrage : inquiétante, poussiéreuse et pourtant intrigante… Voici une quatrième de couverture qui résume parfaitement l’intrigue de base :

C’est l’époque de la Grande Dépression. Par milliers, les gens quittent leur foyer, à la recherche d’une meilleure vie. Mais Marcus Connelly n’en fait pas partie. Lui ne cherche qu’une chose : la vengeance. Passager clandestin des chemins de fer, le vagabond couvert de cicatrices qui a tué la petite fille de Connelly, rôde dans les campements de ceux qui ont tout perdu. Nul ne connait son identité mais tout le monde connaît son nom : Mr Shivers. C’est l’histoire d’une Amérique hantée par la mort et le désespoir. Un monde dans lequel un homme doit affronter une sombre vérité et répondre à une question : jusqu’où est-on prêt à aller pour obtenir satisfaction ?

Mr. Shivers fait partie de ces romans à tiroirs que le lecteur averti saura apprécier à sa juste valeur. L’intrigue est prenante dès les premières pages et je me suis vraiment plongé dans la Grande Dépression, mais je vous en parlerai plus loin. Le fait est que le scénario est suffisamment bien ficelé pour nous permettre d’envisager une solution mais de ne pas savoir avant la fin ce qu’il en est réellement de cet énigmatique personnage de Mr. Shivers. Car tel est le but de la quête de Marcus Connelly et des autres : savoir qui il est réellement et pourquoi il sème ces horreurs sur son passage. Au vu de la manière dont l’auteur présente les choses, ce scénario s’apparente par certains aspects à une chasse au dahu, sorte d’être mythique que tout le monde cherche sans jamais le trouver…

La plume de Robert Jackson Bennett s’adapte à merveille au fantastique et il vint distiller ses éléments inquiétants au fil des pages sans pour autant déflorer son thème avec des descriptions à rallonge et des dialogues aberrants (si, si, j’en vois parfois). La traduction est d’excellente qualité et je n’ai pratiquement pas retrouvé de coquilles, reproche qui avait souvent été fait à Eclipse lors de ses débuts.

Le personnage central du roman tel que l’a conçu l’auteur est la Grande Dépression, justification à tout un pan de l’intrigue. Terriblement bien décrits, les évènements et situations découlant de cette situation économique catastrophique viennent étayer de belle manière un roman déjà fort bien construit.

Mr. Shivers est donc un excellent roman, à ranger dans la catégorie du fantastique classique même si certains éléments de terreur viennent se greffer de manière agréable pour renforcer la puissance du récit. Ne vous laissez pas berner par les dix premières pages légèrement lentes à démarrer puisque vous entrerez dans le récit par la suite. Bonus agréable : l’auteur est très bien documenté et a repris en en-tête de chapitre les signes que se laissaient les vagabonds entre eux au cours de cette période (http://eclipse.fr/images/stories/divers/glyphes_hobos.jpg). Cela est ma foi, fort instructif. Venez découvrir qui est M. Shivers, vous serez surpris…

Mr. Shivers de Robert Jackson Bennett, traduction de Elisabeth VONARBURG, Eclipse Fantastique