Reine des lumières (La)
Nouveau jalon dans la collection « Ukronie » de Flammarion, voici La Reine des lumières de Xavier Mauméjean.
A l’instar de Maître Eric Henriet, pape du genre, cherchons le point de divergence avec l’Histoire telle que nous la connaissons. Non, Alexandre le Grand n’a pas tranché le noeud gordien, mais l’a dénoué au bout de six mois. Non, son fils Alexandre Aigos n’est pas mort assassiné, mais a conquis l’Afrique pacifiquement. Non, la bibliothèque d’Alexandrie n’a pas brûlé. L’uchronie commence. Nous voici en 2200 de l’ère alexandrine, soit en 2044 de notre ère. Le monde est dominé par la civilisation hellénistique, mâtinée de cette Inde qu’Alexandre conquit à la fin de sa courte carrière guerrière. Civilisation empreinte d’une religiosité mixte : on évoque ainsi Zeus-Brahma, par exemple. L’empereur Sykander, descendant du conquérant, décède, laissant une fille, Roxane. Le frère du défunt, Philippe, convoite le trône. Tout le roman s’articule autour de cet antagonisme, Philippe incarnant la tradition historique, donc un certain immobilisme, et Roxane la jeunesse, influencée par des idées nouvelles telles que – horresco referens – l’égalité des humains (dont les intouchables parias). Le jeune marin écossais Thomas Drake, héros de l’intrigue, et un peu manipulé par l’omniprésente Compagnie des Indes, laquelle dirige toute l’économie de cet Empire gréco-hindoux, s’élève jusqu’à devenir le conseiller puis l’amant de la jeune reine, et son avenir radieux est prédit par l’oracle de Delphes. Après de gros conflits en Afghanistan, et beaucoup de frayeurs, le camp de Roxane finit par vaincre celui de Philippe.
Voilà donc un excellent roman d’aventure historique, fort palpitant. Et les récits de batailles sont magnifiquement écrits. Par contre, je me pose tout de même une question relative à la pertinence de la connotation uchronique. Comment est-il possible, par Poseidon-Varuna, qu’après vingt-quatre siècles, l’on en soit encore au combat d’épées, avec casques d’hoplites ? Les dernières armes employées lors des nombreux affronts sont... le feu grégeois, de timides canons ou des fusils ressemblant à des pétoires, armes découvertes lors de ’notre’ Moyen-Âge ? Et les grandes batailles navales évoquent tout au plus celles du XVIIIe siècle. En autant de temps, la technique aurait du évoluer. Les « reconquérants » de Johan Heliot, pour reprendre une autre roman uchronique, avaient, bien avant, déjà inventé l’aviation et le métro. Les civilisations grecques et hindoues ne sont pas manchottes, que je sache ! Il y a là un retard technologique que je ne m’explique pas, et qui entache un peu la crédibilité du livre. En outre, l’ouvrage est destiné à la jeunesse : nos jeunes ne décèleront-ils pas tout de suite ces anomalies ? Je suis en pleine perplexité. L’épilogue sur la Lune et les remerciements conclusifs à Aristote l’augmentent encore.
Xavier MAUMEJEAN, La Reine des Lumières, coll. « Ukronie », Editions Flammarion, Paris, 2009, 354 p., 15 €