Cité d'la balle
Les meufs dans la cité, elles ont le choix entre la burka et le survét’. Les keums, c’est le rap qui les branche. D’abord, leur faut une tenue officielle. Un truc qui fait gang. Genre une grosse doudoune, une chaîne à mort qui brille, le tout coiffé d’une casquette "Fuck La Police". Ok, ça innov’ pas vraiment. Maintenant, quand t’es de la cité, t’as pas trop le choix. Prenons Dijou, il assure grave à la guitare. Il pourrait être le Led Zeppelin du 21ème siècle. Sauf que le rock, ça reste une musique de pédés. Les homos, parlons-en, justement. Car le rap, c’est aussi "Fuck Les Pédés". Dur dur pour Titi. Sur les murs de sa chambre, y’a que des posters de mecs. Pas du Van Damme ou du Richie Montana. Non. Son trip c’est plutôt Abba, les nus de Cocteau ou un trans’ maquillé en Dalida. En plus, y’a le gros nounours rose par terre. Pour Vlad, c’est plus facile de niquer la vie. Lui, c’est un vrai dur. Un rappeur né. Il défonce la tête à tous ceux qui traitent sa mère de gobeuse de zboubs. Rien à voir avec Toufik qu’est encore puceau ou Mouss qui relativise tout le temps. Enfin, sauf quand Dijou lui dit que sa soeur participe à des tournantes. Là, Mouss, il a son poing comme diplomate.
Entre discours des cités et humour, "Cité d’la balle" se fait l’écho de toute une génération. Y’a des types en survéts qui se plaignent tout le temps, y’a des puceaux, des grandes gueules, des impulsifs, des efféminés frustrés qui vivent dans des immeubles et enfermés dans une culture "Nique le Système". Pour l’humour, ça rappelle l’excellente série qui passait à la télé "Les Lascars". Je me suis bien marré. Le ton est donné et franchement, ça ne se prend pas au sérieux. Même si, derrière l’humour et le gag se cache souvent une critique au second degré. Cette réplique, par exemple : "Salut, Dijou, tu vas où avec ce bidon d’essence ?". "J’me fais chier. J’vais cramer un bus et après je vais caillasser les pompiers". A Titi de rajouter "Donne-moi ça. Tu devrais d’abord essayer de trouver l’origine de ton malaise". Et à Dijou de conclure "T’as vu dans quoi on vit ? Ca t’fout pas la haine, toi ?". Arrive alors une case avec un quartier plein d’immeubles, des cheminées d’usine qui crachent leur pollution, le périph’, des bagnoles, du béton, du bitume, re du béton et re du bitume. C’est sûr qu’avec un tel paysage, y’a de quoi rager. "Cité d’la balle" se lit aussi comme une parodie du comportement "Peura". Petit rappel sur la condition féminine également. Les tournantes, les mères réduites à se prostituer pour nourrir leurs mômes, le manque de féminité dans des fringues de mecs, le voile, le survét’. Sans jouer la carte politique, "Cité d’la balle" se veut un excellent mix entre bon délire et contre discours. J’adore.
Titre : Cité d’la balle
Scénario et dessin : RELOM
Editeur : Le Lombard
Nombre de pages : 48
Parution : Mars 2009