60 jours et après T3
En cette fin d’année, alors que nos thermomètres descendent jusqu’aux frimas, je ne pouvais pas oublier ma lecture de l’année passée « 50° au dessous de zéro », une lecture si marquante que j’ai équipé tous les membres de la maison en « polaire » suivant les conseils du héros, Frank, pour se protéger du froid.
Et j’attendais donc la suite pour savoir s’il était possible, envisageable qu’on se tire du bourbier « désordre climatique » dans lequel on s’enfonce inexorablement y compris dans notre monde réel.
Autre croisement de réalité avec la fiction, la crise climatologique ne suffit pas, la dépression économique, la hausse du prix de l’énergie, puis sa chute, tout me ramène à la lecture de la trilogie de Kim Stanley Robinson.
J’étais vraiment à point, côté moral pour lire « 60 jours et après ». L’élection de Barack Obama me faisant douter des espaces-temps dans lesquels je me trouvais.
Déjà que cet été, les Russes et les Canadien se disputaient l’espace délivré par le dégel de la banquise, (problème évoqué dans « 50 ° au dessous de 0 »), je me demandais dans quel état j’allais sortir de la lecture de ce dernier tome. Désespérance absolue ou sursaut d’optimisme.
Et bien, Kim Stanley Robinson, s’il ne m’a pas complètement rassurée, me conforte dans le fait qu’il ne faut pas se dire qu’il n’y a rien à faire en attendant que tout s’écroule.
Bien sûr c’est un roman, mais le listing de toutes les solutions à l’étude pour parer aux désordres et dégâts auxquels nous allons être confrontés me donnent à penser qu’il y a des solutions. Tout comme il y en avait pour ne pas en arriver là, si vous tenez à la version déprimante.
Oui, il y a des solutions. Mais il faut la volonté politique. Dans ces premiers jours de présidence, Phil Chase, notre démocrate de fiction, va s’entourer d’une équipe de scientifiques pour affronter les différentes problématiques. De quoi faire grincer des dents à bien des grincheux de tous ordres, ceux qui défendent leurs gros profits, ceux qui profitent des crises.
Phil Chase va mettre en place un New Deal version écologique. Si seulement cela pouvait être vrai dans notre monde réel. Je doute que les 60 jours à venir me conforte dans cet optimisme très relatif. D’autant plus que les méchants, les agences aux logos impossibles à retenir, plus ombreux encore que la CIA, vont tout mettre en œuvre y compris le pire pour que l’avenir reste improbable.
Frank, le personnage qui s’impose le plus dans le récit depuis le deuxième tome, reste confronté à ses problèmes de décisions. Il est vrai qu’aucune décision ne peut être sans conséquence. Ainsi l’implantation de lichens dans la forêt sibérienne destinés à dévorer les excédents de carbone sont en train d’étouffer la forêt.
J’ai cependant été moins prise aux trippes dans ce bouquin, parce que peut être la réalité est trop proche, parce que ma lucidité entrave mon désir d’espérance.
J’aurais aimé - mais c’est sans doute un excès de sentimentalisme de ma part -, que le personnage du petit garçon doté de pouvoirs mentaux hors de l’ordinaire soit développé.
C’est comme si côté personnages, il y avait eu de quoi nourrir la trame de plusieurs romans.
Donc, je me suis surtout attaché à Frank et mise à sa place.
J’attends ce que l’actualité va nous dévoiler dans les prochains mois. Jamais un livre de fiction n’a été aussi proche du réel.
Lire ce roman, ces trois parties, c’est un peu tenter de comprendre le fonctionnement de notre monde dans toutes ses composantes : économiques, politiques, philosophiques.
Je me demande si les lecteurs américains qui ont lu ce livre ont été influencés dans le cadre de leur choix pour Obama ?
En tout cas, s’il est une idée à retenir, c’est qu’il faudrait donner la parole aux scientifiques, pour la prendre en compte et pas seulement dans le cadre d’une communication politique (par exemple comme le Grenelle de l’environnement ou les paroles ont été écoutées mais sans que les actes suivent).
Kim Stanley Robinson m’a aussi donné envie de lire l’œuvre de Emerson et de Thoreau. J’aime bien quand un auteur invite à d’autres rencontres en lectures.
Avec cette trilogie, Robinson dépasse le roman de science-fiction. Je dirais presque que l’aspect « romanesque » est un capteur d’attention pour nous faire lire le reste, c’est-à-dire l’essentiel, le cri d’alarme et l’appel à mettre en œuvre les solutions existantes en mettant de côté les égoïsmes. Donc, on risque d’être déçu par un sentiment d’inachevé côté romanesque, un manque d’aboutissement du côté des personnages.
Je conseille cependant vivement la lecture de ce livre dans les 60 jours qui viennent. Histoire de faire un comparatif des énergies mises en œuvre.
En attendant, dans le cadre d’un optimisme relatif, je continue de trier mes déchets, de veiller sur mon compost et je me pose la question d’un potager. Je n’achète plus aucun légume ou fruit qui ne soit de saison ou qui n’ait abusé des kilomètres pour venir jusqu’à moi. Comme quoi certaines lectures sont influentes sur notre vie.
Pour en savoir plus sur l’écriture de ce roman voir cet article en anglais chez son éditeur :
http://www.lablit.com/article/208
60 jours et après par Robinson Kim Stanley, traduit par Dominique Haas, Presse de la Cité