Black Velvet
Que dire après la lecture secouante de ce premier roman d’Alain Dorémieux, mythique directeur de "Fiction" et défricheur des "Territoires de l’Inquiétude" (Denoël) ? Dégoût ? Fascination ? Les deux sans doute. Je m’explique. Tout débute, comme chez Jean Ray, par la découverte d’une ruelle "ténébreuse". Anna est attirée par une lueur curieuse, celle – elle s’en rendra compte plus tard – d’un embryon probablement extraterrestre. Commence alors une étrange ballade entre cet être (qui ne sera jamais décrit de manière précise) et la jeune fille. Jeune fille dont l’auteur, petit à petit, révèle la personnalité douloureuse : à l’âge de onze ans, elle est violée par son père. Et tout découlera de cet événement horrible. Décrit en termes crus, l’inceste dominera toute la vie d’Anna, au-delà même de la mort accidentelle du père alcoolique et dévastateur. En outre, Anna, petite fille épouvantée, rêve continuellement d’un ange noir mystérieux. Ces trois pôles, dorénavant, régleront sa vie. Et régneront sur sa folie. Car Anna sera vampirisée par la créature qui naît… Créature qui lui demandera du sang, sans relâche. Et défileront alors les amants d’Anna, victimes stupéfiées, destinées à assouvir la vie d’un être.
Comme on le voit, la trame fait fortement penser aux films "Répulsion" de Polanski ou, surtout, "Possession" de Zulawski, d’ailleurs explicitement cités. L’obsession du père est omniprésente, et domine toute la conclusion, ambiguë. En refermant le livre, on se demande tout de même si l’auteur n’a pas eu quelques problèmes parentaux…
Extraordinairement bien écrit et d’un bout à l’autre palpitant, " Black Velvet" (Velours noir était un surnom "amical" du père à sa fille), ce roman laisse malgré tout une impression un peu malsaine qui me fait hésiter sur sa qualité.
Alain DOREMIEUX, Black Velvet, Présence du Fantastique n°57, Denoël.