Monde enfin (Le)

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Pour avoir écrit il y a quelques années un roman dit « post-apocalyptique », j’étais intéressé à l’idée de découvrir celui de l’immense Jean-Pierre Andrevon, sans une seconde oser me comparer à son talent. D’autant que ce récit, initialement une nouvelle parue en 1975 puis développé en roman en 2006, décrit la fin du monde à la suite d’une pandémie d’un virus proche de la gastro-entérite. On est loin ainsi de tous ces récits nombrilismes que l’on a vu fleurir depuis le début du covid et c’est bien ainsi.

Nous voilà donc à l’issue de la plus grande pandémie imaginable. L'espèce humaine est anéantie en quelques jours, ne subsistent que quelques rares personnes, hommes et femmes, qui vieillissent sans possibilité de procréer. La maladie a rendu les femmes stériles. En trame de fond, nous suivons les derniers pas d’un vieil homme, ancien savant, dont le rêve secret est de voir une dernière fois la mer avant de mourir. S’y ajoutent des parties appelées livres, quinze au total, qui retracent le destin de quelques survivants, dont plusieurs ont un lien indirect avec Sébastien, le vieil homme. On y trouvera une femme qui désespère de trouver un homme afin de faire un enfant, un militaire français choisi pour faire partie d’une sorte d’arche de survie, un équipage de sonde spatiale expérimentale dont le voyage vers une planète habitable est tombé à l’eau, un ermite qui découvre son jardin d’Eden avant de finir amnésique dans un blockhaus aux Etats-Unis… Cette fable très écologiste emprunte forcément aux récits bibliques, avec ce leitmotiv que l’on retrouve au fil des pages : la nature reprend enfin ses droits, qu’il s’agisse des animaux ou des végétaux, après avoir subi le désastre provoqué par l’Homme durant des années.

C’est à mon sens là que le bât blesse. En passant d’un récit à un autre, entre poésie et SF franche, voire horreur totale (la scène des survivants de la sonde contre les rats à Paris est un des moments les plus violents du roman et qui vaut bien celui de James Herbert) l’auteur finit par perdre un peu son lecteur. Difficile ainsi de comprendre pourquoi le personnage de la petite Laurence, Lolo, après avoir occupé une place prépondérante au début du récit, finit par être écartée sans autre forme de procès. Difficile aussi de s’attacher aux aventures du commandant Paul Corvino, l’épisode new-yorkais en particulier avec ces combats de chars et de dinosaures (!) m’ont laissé de marbre. Quant aux femmes, elles sont souvent traitées en héroïne de BD, au physique irréprochable.

En définitive, Le monde enfin, en roman post apocalyptique, laisse surtout la part belle aux animaux et à la nature, tout en laissant quelques couples survivants dont toutes les femmes sont enceintes… Trop peu pour l’avenir de l’humanité sans doute. Un peu fouillis et donnant l’impression de filer dans tous les sens, peut-être justement parce qu’il s’est complèté à partir d’une nouvelle, il n’en demeure pas moins une œuvre originale, qui, à défaut de ne pas m’avoir totalement convaincu, offre une autre vision du post-apocalyptique, à mille lieues par exemple d’un Richard Matheson.

Je remercie les éditions Actu SF pour leur confiance.

 

Jean-Pierre Andrevon - le monde enfin (version augmentée) - Éditions ActuSF - Juin 2021, 10,90 €

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