You Give Love a Bad Name par Amandine Coyard

— いっらしゃいませ!

Comme à chaque fois qu’elle entrait dans un magasin depuis son arrivée à Tokyo, Élodie fixa l’employée qui venait de hurler d’une voix suraiguë cette phrase dont elle n’avait toujours strictement aucune idée de la signification. Soupirant longuement, elle se résolut à l’ignorer une fois de plus et avança d’un pas sûr vers le fond de la supérette. Chaque entrée dans un magasin, dans un restaurant et même dans les karaokés si chers aux Japonais, se soldait par ce moment très gênant. Pure déduction, elle avait fini par la classer dans le registre des salutations. À Rome, fais comme les Romains disait le proverbe, elle avait donc suivi les traces des locaux qui la précédaient et ne répondaient rien aux pourtant si attentionnés employés japonais.

Elle plissa les yeux tout en marchant, les néons surpuissants qui balançaient leur rayons blafards dans les étroits rayons l’aveuglaient toujours autant. Plantée devant le rayon des boissons fraîches, elle tenta de choisir une canette en se fiant aux seules choses auxquelles elle pouvait se raccrocher dans ce pays : les couleurs et illustrations ornant les boissons glacées. « Quelle belle opportunité que de se faire muter au Japon » avaient été les mots exacts d’une grande partie de son entourage. Sa mère en particulier était on ne peut plus ravie d’avoir un pied-à-terre dans une destination aussi à la mode. C’était sans compter sur l’absence toute relative de la langue anglaise dans le pays, chez les locaux ou encore les horreurs qu’on pouvait voir quant il s’agissait de la langue française.

Un mois après son arrivée, Élodie était toujours en plein choc culturel, refusant en blocs les coutumes qu’elle pouvait comprendre et tentant de se dépatouiller avec celles qu’elle ne comprenait pas encore. Cette soirée avec ses collègues anglophones était un soulagement indicible pour elle, il y avait même des japonophones dans leur petit groupe qui permettaient aux autres de ne pas tenter de se frotter aux serveurs. Mais l’épreuve de ce qu’on appelait ici un konbini, repaire incontournable des oiseaux de nuit en recherche de tout et n’importe quoi, lui donnait autant de sueurs froides.

Elle soupira profondément dans un haussement d’épaule, à la toute proche limite de choisir n’importe quelle canette du moment qu’elle avait l’air destinée à des adultes lorsqu’une voix s’exprimant dans sa langue natale attira son attention.

— Une légende japonaise dit que personne ne sait lire ça.

Elle ne put réprimer un léger rire à la blague, avant de jeter un œil par-dessus son épaule. Un grand brun se tenait mains enfoncées dans les poches de son manteau, quelques pas sur sa droite. Manifestement content de sa blague, il arborait un sourire de fierté presque hautain.

— Et moi qui pensais que ça n’était que de tout petits dessins, lui répondit-elle tout en reposant la boisson rose au milieu de ses congénères.

Il lui sourit un peu plus, dévoilant ses dents, puis se saisit sans hésiter d’une canette de bière quelconque, clairement beaucoup plus habitué qu’elle à la chose. Elle ne put s’empêcher de faire une remarque à haute voix alors qu’il ramenait son bras à lui :

— Un autre Français, ça ne court pas les rues à Shibuya.

Il laissa échapper à son tour un rire avant de lui répondre plus sérieusement.

— On ne le croirait pas mais nous pullulons au Japon ces derniers temps. De la vraie mauvaise herbe.

Il haussa les épaules une nouvelle fois, un sourire tout aussi ravageur dessinant deux fossettes qu’Élodie trouvait adorables dans le bas de ses joues. Tellement adorables qu’elle se mit à chercher n’importe quelle excuse pour le retenir de continuer le mouvement qu’il avait initié pour se diriger vers la caisse. Elle n’avait pas parlé en français depuis ce qui lui semblait une éternité, et les quelques bières qu’ils avaient descendues avec ses collègues lui donnaient une envie irrépressible de s’exprimer dans sa langue natale plutôt que de recourir à une langue tampon qu’elle ne maîtrisait pas encore tout à fait. Elle ne doutait pas d’autant plus que ses compagnons de soirée accepteraient un charmant jeune Français de plus pour boire un verre.

— Mais ça me ferait du bien de reparler un peu français, lança-t-elle d’un trait.

Se laissant le temps de reprendre une inspiration et de la contenance, elle compléta plus calmement. Il ne s’agirait pas d’avoir l’air désespérée.

— Je m’appelle Élodie.

Elle tendit une main timide pour appuyer son invitation déguisée, et tenta de ne pas arborer un sourire trop carnassier. Il bascula sa canette d’une main à l’autre afin de lui donner sa main droite et lui resservit une part de sourire étincelant.

— Paul.

*

Ça se passait plutôt bien avec Paul, devait s’avouer la jeune fille. Assise dans leur gargote préférée cachée en plein cœur de Shibuya, Élodie se repassait en boucle le coup de génie qui lui avait fait aborder le chaleureux brun dans un konbini au cœur de la nuit. La si timide jeune femme en France s’était senti pousser des ailes, perdue au milieu de ces collègues parlant beaucoup trop vite en anglais et des slogans lancés ça et là en japonais, pour aborder le mets le plus appétissant de la supérette. Elle laissa un sourire satisfait glisser le long de ses lèvres alors qu’elle y portait son verre d’umeshu. On ne servait sans doute pas les meilleures bières du monde au Japon, mais ils savaient y faire en alcool de prune.

La porte de bois coulissa avec fracas dans ses rails, juste avant que Paul ne courbe la tête assez bas pour pouvoir mettre les pieds dans le minuscule bar. Il gratifia le tenancier d’un discret salut avant de se faire le plus petit possible et s’asseoir sur un tabouret à côté d’Élodie. Il déposa un léger baiser sur sa tempe tout en se débarrassant de son manteau en jouant des épaules.

— Ces bars sont toujours beaucoup plus grands dans mon esprit, soupira-t-il.

Ils n’avaient de bars que le nom. Cet alignement de maisonnettes était le faux secret de ce quartier moderne que la jeunesse s’était approprié, refuge du Japon d’antan perdu au milieu des buildings. Illuminés par de petites lanternes rouges, ce semblant de rue offrait des endroits où boire un verre dans moins de dix mètres carrés, vous forçant à faire lever les clients déjà présents pour rentrer ou à jouer des coudes pour occuper un des cinq ou six sièges derrière le bar. Tout tenait du miracle dans ce petit coin de paradis : comment les tenanciers arrivaient à faire la cuisine et servir à boire dans si peu d’espace, comment ce lieu ne disparaissait tout simplement pas étouffé par la pression immobilière tokyoïte ou encore comment une foule de touristes ou même de locaux ne se pressait pas tous les jours ici ? Avec un faux air vexé collé au visage, Élodie joua avec le rebord de son verre.

— Pas de bisou pour me dire bonjour ?

— Oh tu sais, à Rome…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’elle soupira de manière dramatique. Les codes sociaux du Japon étaient ce qu’ils étaient, en l’occurrence : inaltérables. Elle se permit toutefois de passer une main affectueuse sur son épaule tandis qu’il commandait sa boisson en japonais. Entre autres qualités, elle le respectait beaucoup pour faire l’effort d’apprendre la langue plutôt que d’avoir la paresse tout comme elle de se contenter de montrer des images dans un menu ou recourir à l’anglais jusqu’à ce que le message passe.

— Par contre, j’en ai fait un au chat.

« Je blague ! » ajouta-t-il aussitôt alors qu’elle se départissait d’une franche coudée dans ses côtes cette fois-ci, et ils se racontèrent comme toutes les semaines leurs petits bonheurs et malheurs au pays du soleil levant. Au bout d’à peine quelques rendez-vous, Paul lui avait fait découvrir cette place qui était rapidement devenue « leur » endroit, celui où ils se retrouvaient juste tous les deux et commençaient même à ébaucher un potentiel futur ensemble. Une fois qu’ils avaient pu s’épancher de toutes leurs histoires, vite remplacées par quelques verres de liqueurs locales, ils se décidèrent à quitter l’échoppe avant minuit et s’éviter ainsi de prendre un taxi.

Le meilleur moment de leurs soirées était peut-être celui où ils sortaient, se disait Élodie. Lorsqu’ils déboulaient dans ce minuscule espace entre les deux lignes de bars, éclairées par des lampes traditionnelles, où les employés japonais en costume tentaient bon gré mal gré de soutenir les uns les autres après le verre de trop. Elle chercha autour d’elle mais ne vit aucun signe du chat noir qui ne leur faisait pourtant jamais défaut, assis d’ordinaire tranquillement sur une pile de cartons et les observant de ses yeux jaunes. Ils le gratifiaient toujours d’une caresse entre les oreilles avant de retourner à leurs vies de salariés.

— Le chat noir ne vient plus, non ?

Cela faisait quelques fois qu’elle se faisait la même réflexion, leur petite mascotte semblait manquer à l’appel.

— C’est un chat tu sais, il fait ce qui lui chante…

*

Un cliquetis lancinant. Le bruit du fer qui frotte, régulier, continuant sans cesse fut le premier signal que le cerveau d’Élodie réussit à traiter. Puis les courbatures, la douleur du sang qui ne circule plus sous sa hanche. Elle voulut se déplacer pour permettre à son système circulatoire de la soulager mais une autre information la frappa de plein fouet : ses poignets étaient attachés l’un à l’autre, de même que ses chevilles.

Elle ne dut le fait de ne pas céder immédiatement à la panique qu’à la sensation d’être complètement groggy, qui suivait certes généralement un réveil mais ne s’accompagnait pas d’habitude d’une douleur fracassante à l’arrière du crane. Elle réussit à relever lentement ses paupières incroyablement lourdes et découvrit que le sol était beaucoup trop près de son visage pour être honnête. Ce qui expliquait également les courbatures.

Chaque mouvement que la jeune fille faisait lui rappelait une douleur oubliée ou lui apportait une mauvaise surprise, elle se décida donc à cesser d’essayer en vain et reporta son attention sur découvrir l’environnement qui l’entourait. Ses fonctions cognitives semblaient également revenir sur le devant de la scène, la dernière chose dont elle se souvenait…

Okaeri !

Paul. Le regard de la jeune fille avait suivi le sol jusqu’à trouver Paul assis dans un sofa, il avait prononcé ce mot japonais de bienvenue en remuant la main comme pour la saluer avec son éternel sourire imprimé sur le bas du visage. Ouch, pensa-t-elle, trop d’informations contradictoires à traiter alors qu’elle était attachée au sol. Elle n’était au moins pas bâillonnée et ne paniquait toujours pas, ce qui était presque aussi inquiétant que le sourire de Paul dans cette situation.

—Bonjour.

Parler n’était ni agréable, ni facile et sa voix sonnait bien trop rauque à ses oreilles mais elle devait tenter de gagner du temps pour retrouver ses esprits et pouvoir enfin mettre des mots sur la situation dans laquelle elle s’était fourrée.

— Je commençais à me demander si j’allais devoir te réveiller, ma jolie.

Il n’avait donc toujours pas perdu l’habitude de lui donner ce surnom horrible. Paul reposa son menton au creux de la paume de sa main, s’appuyant sur sa cuisse dans une attitude faussement désinvolte. De son autre main, il ne cessait de jouer avec la lame d’un couteau suisse dans un bruit de métal contre métal qui commençait à la rendre folle.

— Confortable ? demanda-t-il taquin.

Mais comment diable n’avait-elle pas pu déceler la racine sadique sous cette couche de jolis mots mielleux ? Passée la surprise de se faire manifestement agresser par l’homme dont elle était tombée amoureuse, Élodie commençait à sentir un désespoir et une colère sourde dans le fond de ses entrailles. Elle avait été con, c’était le mot, et elle ne voyait actuellement aucune échappatoire à sa situation.

Personne ne l’attendait ce soir. Elle avait bien précisé à ses amis qu’elle en voudrait beaucoup à quiconque oserait la déranger en ce soir de Saint Valentin. Mais quelle ironie !

— Je vais te raconter une légende, chère Élodie.

Pendant qu’elle ruminait de tout son saoul allongée au sol, il s’était levé et lui tournait désormais le dos, face au mur. Il sembler chercher quelque chose dans son téléphone, en silence, ce qui ne faisait qu’accentuer le malaise au fond de l’estomac d’Élodie. Elle commençait à se demander s’il ne faisait pas traîner le tout intentionnellement lorsqu’enfin il le posa dans l’enceinte reposant sur le meuble.

Shots through the heart, and you’re to blame, darling

You give love a bad name

Les accords de guitare électrique s’élevèrent dans la chambre, Paul réglant la musique au volume qui lui convenait pour faire quoique que soit qu’il avait prévu de faire par la suite.

— C’est une blague ? laissa échapper Élodie avant un rire sans joie.

Elle devait s’avouer qu’elle ne connaissait pas le Paul cynique, mais le connaissait-elle vraiment ? L’homme qui l’avait de toute évidence frappée, ligotée puis laisser dormir à même le sol n’avait rien à voir avec celui qui prenait un verre avec elle toutes les semaines.

— Je croyais que les Français étaient les champions de l’ironie.

Paul se réinstalla bien au fond de son siège, juste en face d’elle. Tout en parlant, il se mit à masser machinalement sa cheville qui reposait sur sa cuisse, alors qu’il regardait fixement la jeune fille au sol. Elle avait cessé définitivement de se débattre, convaincue que tenter de forcer ses liens ne serait d’aucune utilité. Il était d’un calme imperturbable, et reprit son discours sans se départir de son horrible sourire :

— Bon, ma légende. Une légende japonaise qui plus est. Imagine-toi l’empire du Japon autrefois, des centaines d’années auparavant… Non pas que tu aies fait le moindre effort pour t’intéresser aux coutumes de ce pays qui t’accueille, ma jolie.

Ce ton condescendant et moqueur l’avait amusée au début ; dire qu’il la mettait hors d’elle à cet instant eut été un euphémisme. Et elle n’avait pas vraiment hâte de voir là où il voulait en venir, puisqu’il semblait qu’une lame était à ajouter dans l’équation. Un sursaut de colère lui souffla de se débattre encore un peu, de tirer sur ses liens ou même de tenter de se lever. Paul ne sembla même pas prendre note de la jeune fille se tortillant devant lui et continua de raconter sa légende.

— Dans cet empire, O Toyo était connue comme étant la plus belle d’entre toutes, promise au prince Nabeshima. Tu vois le genre ? Longs cheveux noirs, grâce naturelle, port de reine… Tout ton contraire !

Un rire gras suivit sa tirade alors qu’il se levait d’un bond. Plus il parlait, plus il avait l’air satisfait de lui-même. Élodie se demandait qu’est-ce qu’il avait bien pu avaler pour en arriver à lui parler de vieilles légendes japonaises en jouant avec son couteau suisse. Le fait qu’il était en train de s’approcher d’elle à pas de loups ne l’aidait pas forcément à voir plus clair dans son jeu.

— Bon je te la fais courte, le chat suceur de sang tue O Toyo puis prend l’apparence de la courtisane pour pouvoir s’approcher du Prince et le vider de son sang… Dans la légende, un incroyable garde protège le prince du chat maléfique. Mais il n’y a personne pour te protéger, toi, murmura-t-il à quelques centimètres de son oreille.

Il accompagna ses étranges paroles d’un mordillement de son lobe qui arracha une grimace de dégoût à la jeune fille, son corps entier se raidissant à ce contact.

— Tu commences à comprendre ? continua-t-il à murmurer toujours aussi près.

— Non.

Mais elle aurait répondu n’importe quoi pour qu’il s’éloigne au moins de quelques centimètres, elle ne pouvait bouger et le savoir si près d’elle lui donnait des sueurs froides. Enfin, encore plus que lorsqu’il était devant elle.

— Un chat suceur de sang ? Est-ce que tu es au moins à moitié sérieux ?

Tremblotante, sa voix ne pouvait même plus donner le change. Elle était terrifiée, apeurée et se faisait de moins en moins d’illusions sur la suite de cette soirée. On était pas censé être calme face à la mort ?

— Un peu d’imagination Élodie, que diable !

Elle sentit un bras se glisser dans le creux de sa taille sans ménagement, la forçant à s’asseoir tout contre lui et déclenchant une vague de douleur dans ses muscles endoloris. Enfin, se dit-elle, lorsqu’une larme s’échappa de ses yeux devenus humides durant la discussion. Elle commençait à penser que son cerveau était en phase complète de déni de sa situation.

— Par contre, tu n’as pas encore crié, je suis très fier de toi.

Il accompagna son compliment d’une main caressante le long de son cou, arrachant un gémissement de dégoût à la jeune fille. Non, elle n’avait pas crié. Elle n’en avait même pas eu l’idée, encore moins la force et se doutait bien que s’il n’avait pas pris la peine de la bâillonner c’est qu’il n’en avait pas besoin. Il avait loué cet appartement luxueux et isolé sans doute uniquement dans ce but, en plus de l’impressionner en début de soirée.

— Tu sais, au début je me suis demandé ce qu’il te trouvait mais bon, je peux comprendre qu’on se laisse avoir par l’emballage.

Paul jouait avec ses cheveux, ses longues boucles blondes qui attiraient le regard des gens comme un aimant dans ce pays semblaient également avoir attiré l’attention d’un fou. Elle aurait du les couper. Se mordant les lèvres jusqu’au sang, elle retint avec difficulté un sanglot avant de reprendre la parole. Gagner du temps.

— De qui tu parles ? Tu es jaloux ? Il n’y jamais eu personne d’autre ici, murmura-t-elle perdue face au babillage sans queue ni tête de son petit ami.

— Tu ne fais aucun effort.

Elle sentit une pointe glisser sur sa nuque et comprit aussitôt que la lame avait remplacé ses doigts dans son dos, il perdait patience.

— Fais-moi le cadeau d’une seconde de réflexion. Je te parle de Japon, de chat, d’amants, à quoi penses-tu ?

La tenant toujours contre lui, il l’entoura soudainement de ses bras et se lança dans une étreinte étonnement douce, posant même sa tête dans le creux de son épaule. Derrière eux, Bon Jovi continuait à s’égosiller sur une maîtresse aux mœurs douteuses.

You promise me heaven then put me through hell

— Je pense au chat de Shibuya qu’on ne voit plus, répondit enfin la jeune fille.

— Ah !

Il la lâcha alors sans crier gare, provoquant une chute ridicule où elle ne put pas se rattraper puis glissa avec grâce sur le sol pour s’asseoir en tailleur devant elle.

— On avance, commenta-t-il satisfait.

Il porta un regard critique à la position d’Élodie au sol, manifestement peu à l’aise puis la tira d’un geste souple mais ferme à lui.

— Que fait le chat ? demanda-t-il quand leurs visages se firent face.

— Le chat… Le chat tue la courtisane pour tuer le prince.

Un sourire aux dents découvertes se dessina progressivement, alors qu’il amenait le couteau au niveau de leurs visages et ponctuait chaque syllabe d’un geste du poignet. Il s’arrêta un instant et sembla savourer la musique de fond qu’il avait lui-même choisie.

I play my part and you play your game

— Je t’ai aimée, tu sais ? Pas autant que cet abruti, et un peu à ma façon. Mais je t’ai aimée.

C’était un adieu, même si elle avait du mal à croire ce qui sortait de sa bouche, il venait de lui dire en substance que tout ça était fini. Fin du spectacle, on remballe, dit une petite voix amère dans le fond de son crâne. Sa gorge était tellement sèche qu’elle en devenait douloureuse et pourtant les larmes ne voulaient pas sortir alors qu’elle voyait son propre reflet dans les yeux d’un homme qui l’avait séduite et qui était peut-être mort depuis des mois déjà.

— Trois mois ? demanda-t-elle faiblement après un rapide calcul.

Paul, ou son corps tout du moins, rit à la question avant d’y répondre :

— Ah, je suis vraiment trop bon. Six !

Elle en avait des haut-le-cœur.

— Allez, dis-le, réclama-t-il sa précieuse lame dansant sur la joue d’Élodie. Qui suis-je ?

— Tu es le chat.

 

Bon Jovi, You Give Love A Bad Name

 

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