Reconstitué

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J’ai entamé ce livre par une série d’impressions négatives, que la lecture de la suite m’a permis d’atténuer ou de contredire :

- d’abord, la traduction du titre m’a choqué. Traduire The Resurrected Man par Reconstitué faisait d’abord une référence totalement indue au titre déjà utilisé par Anne McCaffrey, et changeait de façon notable l’impression a priori sur le contenu du roman.

- Ensuite les premières pages, comme cela arrive souvent, sont écrites dans un « sabir de mauvaise traduction » qui comporte, avec des mots français, des tournures de syntaxe anglaise. Cela s’atténue très vite, le français redevient cohérent, et ce genre de défaut arrive à tout le monde, y compris moi-même quand je traduis ; que cela apparaisse tient au fait que la traduction a été faite en commençant par le début, alors que Pascal était encore imprégné de syntaxe anglaise, et que ce début n’a pas été refait à la fin de la traduction. La majorité des lecteurs n’y feront pas attention, moi, avec ma multi casquette de traducteur occasionnel, de correcteur occasionnel, d’auteur multilingue, j’ai tiqué fortement.

- Enfin il m’a fallu un moment pour bien déterminer si le livre était un polar d’ambiance, type cyberpunk, ou une « mystery novel » à la manière d’Agatha Christie et d’Isaac Asimov. La réponse correcte, à mon avis, est la deuxième, et sur ce plan je crois que l’intrigue policière, pour alambiquée qu’elle soit, ne serait récusée par aucun des deux maîtres cités.

Pour en apprécier vraiment la rigueur et la cohérence, il me faudrait au moins un mastère d’Informatique incluant les découvertes faites entre 2012 et 2055 ; je crois que sur ce plan, on peut accorder à Sean Williams un satisfecit sans réserve. La part « polar cyberpunk » est finalement assez limitée, l’introduction et le glossaire d’argot final sont presque superflus. Quant aux acronymes, le fait irritant que l’un des principaux acronymes soit présenté (mais seulement au milieu du livre) comme « traduction inconnue » peut irriter : au moins aurait-il été utile de prévoir une ligne pour le dire dans le glossaire des acronymes.

Je l’ai déjà indiqué : l’intrigue de résolution de mystère policier à plusieurs étages est, quand on en vient à bout, assez solide (AMA) et réussie. Seulement le lecteur s’empêtre de plus en plus au fur et à mesure que le mystère s’épaissit, jusqu’à ce que le héros le perce à jour. Il faut s’armer d’une bonne dose de courage et d’une puissante « suspension d’incrédulité » pour arriver au bout de ce livre finalement assez long. Un mystère en chambre pas tout à fait close (puisque l’enquête se promène dans le système solaire, mais demeure circonscrite à une liste précise d’intervenants) avec une liste de suspects donnée au départ et une longue recherche de preuves. Mais, même si l’hypothèse sur laquelle le livre est bâti peut sembler irréaliste (la quantité d’énergie dont devrait disposer le réseau est énorme, la stabilité de ce réseau, alimenté par de la conversion totale de matière, me paraît irréalisable), malgré la longueur de la recherche et la complication de la réponse, le roman tient la route. De là à y voir un futur classique, il y a du chemin.

Et personnellement je doute des hypothèses sous-jacentes sur la résurrection et donc la récupération des données mentales et de la personnalité sur lesquelles le livre repose.

Avis final mitigé donc.

Du point de vue bibliophilique, le pavé Bragelonnesque habituel, avec une couverture agréable à l’œil.

Sean Williams, Reconstitué, Traduction : Pascal Huot, Illustration : Miguel Coimbra, 480 p., Bragelonne

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