Vert-de-lierre

Auteur / Scénariste: 

Olivier Moreau, un auteur de romans policiers en manque d’inspiration, décide de retourner dans le village de sa grand-mère tout juste décédée afin d’y régler certains détails. Il y renoue avec les souvenirs de son enfance, et redécouvre un étrange personnage de conte populaire local surnommé le Vert-de-Lierre, sorte d’antique vampire végétal qui le fascinait enfant. Cet intérêt va déclencher des visions et cauchemars chez l’écrivain en mal d’imaginaire ainsi que la rencontre de deux femmes tout aussi intrigantes l’une que l’autre. Olivier découvrira que cette figure païenne ancestrale est bien plus qu’un simple conte bon à effrayer les enfants...

 

Pour débuter, je parlerais du scénario. Je l’ai trouvé très bien ficelé du début à la fin. En effet, l’autrice nous fait suivre un écrivain en quête d’inspiration, et déjà cela m’a touchée, étant moi-même une passionnée d’écriture. Ce qu’Olivier ressent est très bien retranscrit, mais le plus terrible, c’est lorsqu’il fait la connaissance d’une charmante demoiselle qui lui fait lire son manuscrit. Et, c’est là que le roman de Louise Le Bars devient fichtrement intéressant et bien cousu, puisque le lecteur entre dans une sorte de mise en abyme : un récit dans un récit, une intrigue dans une intrigue.

 

Bien entendu, je me suis douté que le manuscrit évoquait le Vert-de-Lierre, un mythe fictif inventé de A à Z par l’autrice elle-même, alors qu’il semble tellement vrai. On jurerait qu’il s’agit là d’une revisite, mais non… La maman de ce bébé a vraiment tout imaginé, du début à la fin des deux manuscrits qui s’entremêlent au cours du récit. Le plus beau, c’est que tout est cohérent, tout se tient, et même si le récit manque de rebondissements étonnants, on comprend très vite qu’il n’est pas fait pour ça. C’est une lecture très florale, supposée faire vibrer vos cœurs de lecteurs et de passionnés de mythes gothiques sans vous laisser respirer. Parce que, oui, du suspense, il y en a quand même. Plus précisément, l’autrice nous tient en haleine, non pas en ajoutant un plot-twist à son histoire, mais en nous immergeant sans relâche dans les pensées d’Olivier. Tantôt contradictoires, tantôt très réfléchies, ces dernières ne laissent pas une seule seconde de répit. Et, pour couronner le tout, aux états d’âme d’Olivier se mêlent ceux du personnage de Mary, dans le manuscrit qui est donné à l’écrivain. Toutes les émotions ressenties se retrouvent doublées, voire plus fortes pour l’un, moins pour l’autre, néanmoins jamais cette danse ténébreuse et fleurie ne s’arrête ; on se retrouve englouti malgré nous dans cette histoire (dés)enchantée.

 

Bien entendu, en plus d’un scénario qui tient la route, Louise Le Bars nous montre ses talents de conteuse de la plus belle des façons. Son écriture s’avère fluide et terriblement addictive, semblable à de faibles murmures cristallins envoyés à nos oreilles pour nous narrer les aventures d’Olivier et de Mary. Le scénario contient des peines, des joies, de la colère, du soulagement, de l’affliction, du bonheur. Bénédiction ou malédiction ? Mythe ou réalité ? Au final, lit-on Louise Le Bars ou ses personnages ? Cela finissait par devenir difficile à savoir, tant les plumes sont uniques et se marient bien. De plus, elles ne se départissent pas de poésie, tout en restant accessibles à tout public, même si je pense qu’un adulte sera plus apte à apprécier la lecture d’une telle histoire. Certaines thématiques y sont abordées de façon abrupte et douce à la fois, un mélange de rudesse et de délicatesse. Une merveilleuse façon d’aborder sous tous les angles le mythe du Vert-de-Lierre, tricoté avec dextérité par Louise Le Bars.

 

Très clairement, les personnages font vivre le roman. Ils sont attachants, consistants – même Mary, alors qu’elle est le personnage d’un livre ancré dans un autre livre ! – et cohérents avec leurs idéaux et leurs courants de pensée. J’ai adoré le lien qui unit Mary à la Nature, mais aussi celui qui se tisse entre Olivier et l’autrice du manuscrit, sans parler de la coalition entre le Vert-de-Lierre et tout le reste. Un véritable enchevêtrement de relations bien construit et qui prend tout son sens à la fin de l’histoire… Comme je le disais plus haut, Olivier m’a touché, de par son syndrome de la page blanche. Je ne l’ai pas vraiment vécu de la même façon, puisque lui c’est la fuite de ses idées qui le rend mal, alors que moi, c’était juste un dégoût temporaire de l’écriture en elle-même. Cependant, je me suis sentie très proche de lui dans son combat, dans ses pensées. Il est réaliste, humain, avec des défauts, des qualités, des forces et des faiblesses. J’ai eu envie d’en savoir plus sur lui, de le voir heureux, et j’ai passé toute ma lecture à angoisser pour lui parce qu’on le sent frôler le danger, jouer avec le feu. C’est très stressant !

 

La fin du livre nous dévoile des secrets auxquels on ne s’attend pas forcément, même si la puissance de ce récit ne se résume pas à un quelconque rebondissement. Ce n’est pas une lecture qui vous tiendra en haleine par des mystères et des secrets dans la narration, mais plutôt dans la façon dont les personnages vont appréhender ça. Par exemple, c’est comme si vous regardez un film, que vous voyez un personnage poser une bombe sous une table puis qu’un couple s’y assied. Vous allez passer tout votre temps à sentir votre cœur palpiter, à vous demander, non pas qui a posé cette bombe, mais quand est-ce que le couple la remarquera et s’il la remarque à un moment donné. Vert-de-Lierre, c’est exactement ce ressenti. Tout au long de cette courte et intense histoire, vous appréhenderez la fin. Et lorsqu’elle vous sera enfin donnée, vous soupirerez… de tristesse, de colère ou de soulagement ? À vous d’en juger ! ​

 

Grosso modo, si vous appréciez les contes locaux – qu’ils soient repris ou inventés – et les romans aux allures gothiques et florales, je vous conseille Vert-de-Lierre les yeux fermés. Louise Le Bars, par sa plume suave et complexe, vous emportera sans mal dans deux histoires différentes, pourtant liées par un même nom, une même intrigue : le Vert-de-Lierre. Avec un héros humain et attachant, laissez les ténèbres vous happer. Elles vous permettront peut-être de comprendre le fin mot d’un mythe beau et horrible à la fois...

Lien de la chronique : http://papillonvoyageurbloglivresque.weebly.com/chroniques/vert-de-lierr...

 

Vert-de-lierre par Louise Le Bars, Noir d’Absinthe

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