Hors Zone/Peut-on définitivement trancher la question du sens de l'univers ?

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Au bord de la faillite, la chaîne de télévision A.T.H.O.S. joue son va-tout : elle organise un débat télévisé en « prime time », intitulé « Hors Zone », consacré au sens de la vie ! L’émission oppose deux hommes, chargés de débattre de ce sujet fondamental en respectant les règles du langage rationnel et scientifique. Le premier de ces orateurs, Roberto Montserrat, est persuadé que la vie a un sens. Le second, Hubert Bucanier, penche pour sa part en faveur de la prépondérance du hasard en toutes choses. Une animatrice, Mayday, est chargée quant à elle de déterminer lequel des deux interlocuteurs se montre le plus convainquant dans son argumentation.

Au fur et à mesure de la diffusion de ce programme en rupture flagrante avec les traditionnels « talk shows » télévisuels, la société dans son ensemble se trouve secouée de réactions violentes. Des réactions qui amèneront les participants à se réfugier dans la clandestinité afin de continuer leur échange, tant les questions abordées semblent remettre en cause les convictions du plus grand nombre.

Après un départ tonitruant, Hubert Bucanier va progressivement perdre du terrain face aux propos émis par son adversaire, qui parviendra in fine à le convaincre que l’Univers est bien pourvu d’un sens. En dépit de la tournure des choses, le débat permettra néanmoins aux deux protagonistes d’aborder diverses théories scientifiques d’importance. De ces théories qui aident les êtres humain à mieux comprendre leur environnement, tant immédiat que lointain : la causalité, l’évolution des espèces par voie de sélection naturelle, l’altruisme, le rôle du langage, le statut de la réalité, la physique quantique, la relativité et la théorie du tout… Autant de thèmes qui facilitent l’émergence d’une connaissance plus juste de notre place dans l’Univers et que ces deux orateurs débroussaillent pour notre plus grand bien.

Le livre de Dominique Vastemans, à cheval entre le roman et l’essai, édité au format magazine et illustré de dessins réalisés par l’auteur lui-même, possède certaines qualités évidentes. Il amène le lecteur à s’interroger sur une série de questions qui nous concernent tous. L’interactivité déployée est appréciable. Ainsi, l’ouvrage n’hésite pas à nous éclairer sur les notions scientifiques ou philosophiques qu’il mentionne en insérant de multiples encarts dans le corps du texte, des encarts qui ont pour vocation de nous rendre lisibles en des termes simples, à la portée de tous, ces concepts compliqués. Ce travail de vulgarisation se révèle extrêmement enrichissant et se doit d’être salué.

On peut en revanche rester sceptique devant les conclusions auxquelles parvient l’auteur. Sa démonstration vise en effet à nous prouver que la science ne saisira jamais la totalité de l’être, que l’intuition doit souvent lui être substituée. Il faut bien garder à l’esprit que ce débat n’en est pas vraiment un, étant donné que les deux personnages qui nous sont présentés sont issus de l’esprit d’une seule et même personne. Une personne qui avait de surcroît déjà probablement décidé, avant de se mettre à écrire cet échange, de la tournure qu’il prendrait ! Il est important de toujours se montrer sceptique face aux démonstrations construites à rebours, à partir d’une conclusion déjà acquise pour l’auteur…

Certains des arguments développés au cours de ce débat, sensés nous convaincre de la fragilité du discours scientifique (que Vastemans, notons le bien, ne renie pas en bloc) paraissent pour leur part un rien spécieux. Le fait que la science n’ait pas réponse à tout, qu’elle ne parvienne pas pour le moment, par exemple, à unifier physique quantique et théorie de la relativité, semble plutôt jouer en sa faveur : c’est ce qui la différencie d’un dogme intangible, rétif à toute modification, quelles que soient les preuves apportées pour l’invalider. Alors oui, l’origine de la vie à partir d’un processus purement chimique n’a pas encore été complètement prouvée (par une expérience, s’entend, les périodes de temps nécessaires à un tel processus évolutif dépassant de loin la durée d’une existence humaine). Mais bien qu’improbable, ce phénomène n’est pas, jusqu’à preuve du contraire, impossible. Pour ce qui est d’une origine de la vie émanant d’une création « intelligente », c’est tout autre chose : jusqu’à preuve du contraire, une telle émergence est non seulement improbable, mais également complètement impossible.

Les développement élaborés par Vastemans pour nous décrire le futur qu’il envisage pour l’humanité - sensée se transformer progressivement en un « superorganisme » se détachant peu à peu de son « support biologique » afin d’accéder à l’immortalité – sont pour leur part intéressants, mais ils relèvent complètement d’extrapolations effectuées par l’auteur lui-même, auxquelles on est libre de souscrire ou non. En revanche, l’idée selon laquelle « la conscience trouvera finalement le moyen de devenir tout à fait indépendante de la matière telle qu’on la conçoit communément » relève pour sa part de l’idéalisme le plus pur, totalement invérifiable. Le concept « d’intuition » est certes attrayant dans certains cas de figure, mais le soucis c’est qu’il peut facilement mener à soutenir tout et son contraire. Si une personne a l’intuition que la conscience humaine est destinée à se dématérialiser, sa voisine sera pour sa part libre d’avoir la certitude qu’elle s’incarnera un jour dans un « Big Mac », ou qu’elle se métamorphosera en oiseau du Pacifique lors du passage d’une comète à proximité de la Terre !

Quoi qu’il en soit, malgré ces points faibles évidents, la lecture de « Hors Zone » reste chaudement recommandable. L’ouvrage se lit d’une traite et initie le lecteur novice en la matière à certains concepts clés. Et même si l’on ne partage pas les conclusions de l’auteur, il est toujours intéressant de voir ses propres convictions attaquées, ne serait-ce que pour mieux réfléchir par la suite à la meilleure manière de les formuler.

Dominique Vastemans, Hors Zone : peut-on définitivement trancher la question du sens de l’univers ?, 71 p., Editions Désiris

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