Baroudeur
C’est toujours un plaisir de retrouver un livre de Jack Vance, même si il s’agit d’une réédition. ActuSF vient de sortir Baroudeur, un livre qui reprend cinq nouvelles qui sont sorties en 1951 et 1961. Dans un format pratique et très démocratique, ActuSF continue d’éditer régulièrement des perles de la SF. Les nouveaux lecteurs découvriront des nouvelles qui peuvent toujours se lire aujourd’hui, tandis que les anciens retrouveront des nouvelles qui étaient disséminées dans d’autres recueils.
Jack Vance est un conteur-né, un créateur d’univers incomparable, qui décrit les civilisations ou d’autres peuples comme peu d’auteurs savent le faire. A partir d’histoires dont la trame est relativement simple, il crée des mondes où le lecteur devient à la fois explorateur et ethnologue.
Ce recueil de nouvelles aurait pu s’appeler « Papillon de lune » qui est aussi le titre de la principale nouvelle. Mais ce titre a déjà été utilisé par Pocket dans sa collection « le livre d’or ». Heureusement cela ne gâche pas le plaisir de retrouver Vance à travers ces cinq nouvelles.
La princesse enchantée : et si une invention permettait de filmer les images qui se déroulent au fond des yeux des aveugles ? A partir de cette idée, Vance tisse une nouvelle qui oscille entre policier et fantastique. Une intrigue qui se passe dans un hôpital et qui nous parle de film, d’une belle aveugle et de docteur peu scrupuleux. Nouvelle très sympa malgré son démarrage un peu lent.
Personnes déplacées : adopte un format particulier. Sous forme d’éditorial, d’extrait de discours, de lettre, Vance nous conte la découverte de troglodytes qui font leur apparition à la surface de la Terre. Au début il s’agit d’une découverte scientifique et ethnologique. Les troglodytes ne sont pas nombreux, mais au fil de la nouvelles, ils sortent de leur trou par dizaines, par centaines, par milliers, pour arriver à six millions de personnes. Une vraie émigration venue des entrailles de la Terre. Les gouvernements essaient de régler ce flux de nouveaux arrivants en créant d’abord des camps dans lesquels ils sont rassemblés, ensuite en les expatriant vers des pays qui ont assez de place pour les accueillir. On assiste à des drames en apprenant que certains peuples se sont battus contre ces encombrants « Trogs ». Mais ces derniers ne résistent pas aux virus qui nous sont familiers. Le dénouement est triste car les troglodytes disparaissent presque dans la plus grande indifférence, tué par le virus de la grippe. Une nouvelle qui caricature parfaitement une situation qui existe aujourd’hui, celle des réfugiés.
Le papillon de lune : Une nouvelle axée sur la symbolique du masque. Sur Sirène, le masque est de rigueur. Ne pas en porter un correspond à mettre sa vie en danger. Le masque est à la fois le moyen de se définir sur le plan social et en même temps un moyen d’exprimer ses états d’âme. A travers une enquête policière qui ne concerne que des étrangers à Sirène, on suit une enquête policière difficile à résoudre pour le personnage principal car il ne peut voir le visage des différents suspects. Derrière un masque correspondant à un papillon de lune, le héros doit retrouver un criminel. Il s’agit d’une des meilleures nouvelles de Jack Vance. Une perle qui mérite à elle seule l’achat de ce recueil.
Le bruit : probablement la nouvelle la plus faible de ce recueil. Le lecteur lit un journal retraçant les voyages oniriques du personnage principal. Écrit à la première personne, cette nouvelle n’accroche pas vraiment l’attention du lecteur. Son seul point positif, c’est de démontrer une fois de plus que Jack Vance n’est jamais à court d’imagination. De monde en monde, il ballade le lecteur, mais sans vraiment le convaincre.
Le temple de Han : nous présente un voleur qui s’empare d’un joyau dans le temple de Han. Il va être confronté aux prêtres du temple qui ne veulent qu’une chose : mettre fin à sa vie. Le voleur rencontrera le vrai dieu qui est vénéré dans ce temple. A travers une sorte de joute, il va le défaire. Un texte agréable à lire, mais un héros qui manque de charisme.
Voilà cinq nouvelles inégales qui datent des débuts de Jack Vance mais qui se laissent toujours lire avec un certain plaisir. Il est difficile de ne pas avoir envie de lire (ou relire) un roman de Vance après ce recueil.
Il reste décidément un auteur incontournable par bon nombre d’amateurs de SF, dont je suis. A consommer sans modération. Et si ActuSF veut nous faire un deuxième tome, c’est avec grand plaisir que je le lirai.
Baroudeur de Jack Vance, illustré par Véronique Meignaud, ActuSF