Rescapé du Fenris (Le)
Jacques Van Herp n’est pas seulement le brillant essayiste que tout le monde connaît (voir par exemple le célèbre et indispensable "Panorama de la science-fiction", réédité par les Éditions Lefrancq), mais également un nouvelliste de grand talent. Brillamment préfacé par Thomas Owen, qui connaît bien l’auteur, voici un recueil double de nouvelles s’étalant sur plus d’une quarantaine d’années : les "Contes de ma ville", centrés sur Bruxelles, et les "Contes des vagues" récits maritimes. Ces derniers, contes de pirates parfois très cruels ("The Blackjoke") sont dans le style du Grand Aîné et Ami, Jean Ray. Les nostalgiques de sa jeunesse, avec d’innombrables souvenirs d’école ("Le Caïd", cruel aussi), mais nostalgique également d’un Bruxelles disparu, celui d’avant la tristement célèbre "bruxellisation". "C’est le progrès !… Tout meurt, tout disparaît !", "Le passé meurt, tout comme les gens" (p. 94), mais ce passé l’étreint et l’obsède. "Échecs et maths" est exemplaire à ce propos : nouvelle fourmillant de réflexions diverses sur la vie quotidienne d’alors opposée à celle de nos jours, elle ravira spécialement les Bruxellois connaissant le dialecte de leur ville (pp. 87-88 : un véritable morceau d’anthologie !). Les amateurs de vrai fantastique se délecteront de "L’étudiante de Prague", où ils retrouveront le Golem, et souligneront le grand thème mystique de la puissance des mots, ceux qui nomment et font exister (lire la méditation à ce sujet p. 115). Et "Le Chasseur" attirera les fans de Lovecraft. Pour terminer, je signalerai deux nouvelles fort amusantes, qui prouvent que Van Herp peut aisément allier macabre et comique : "Si jamais je te pince", histoire d’enterré vivant, et surtout "De du’vel on a nek", inénarrable histoire de pacte diabolique, joliment prolongée par une brève postface cynique.
Un vrai petit bijou de fantastique, à savourer sans modération !
Jacques VAN HERP, Le rescapé du Fenris, Éditions Claude Lefrancq en poche