Utopiales 2009 : Souvenirs de Nantes


C’était en 2000. Les premières Utopiales. A Poitiers, tout près du Futuroscope. J’y avais interviewé Jean-Michel Truong pour Le Successeur de pierre et rencontré Jacques Goimard et Brian Aldiss. Souvenirs inoubliables. Les aléas de la vie ont fait que je n’ai pu assisté aux Utopiales successives, qui depuis eurent lieu à Nantes, ô bien choisie puisque ville natale de Jules Verne. Enfin, j’y puis aller, pour cette dixième édition. Et voici, un peu glanés au hasard, quelques moments vécus.

Je suis arrivé le jeudi 29 octobre au soir, le temps de débarquer du Thalys, et de filer décrocher mon accréditation de journaliste pour Phénix. La Cité Internationale des Congrès se situe dans un quartier de bureaux, grandiose et propret, à un jet de Loire du centre ville, tout près de la Tour LU. Ah la tour Lu. Oui, celle des « petits Lu », gloire ancestrale de la ville. Il en reste le ’Lieu unique’, curieux bâtiment industriel reconverti : librairie encagée et toilettes en couloirs grisâtres et terriblement tagées. Vraiment bizarre, cet endroit.


Lendemain vendredi. Les activités des Utopiales étant concentrées l’après-midi, je flânai dans cette bonne ville de Nantes que je ne connaissais pas du tout. On m’avait dit : « L’éléphant ! » : j’ai donc été voir l’éléphant. Pour cela, il faut aller sur l’île de Nantes, on y va en tram rapidement en quatre arrêts. En fait, il s’agit d’un immense hangar, abritant ’les Machines de l’île’. On y découvre des monstres articulés : crabe, araignée, poisson des profondeurs, serpent des mers, tous gigantesques. On visite l’atelier aussi, fort vaste, destiné à plus de 150 ouvriers et artisans, dévoués à cette tâche insolite : donner vie à des créatures mythiques. Quant à l’éléphant lui-même, grosse attraction touristique, il est énorme. On peut le voir sur le site de la ville de Nantes www.lesmachines-nantes.fr.


Il sort pour une balade, quatre fois par jour, bande de gosses sur le dos et cornac dirigeant les roues : spectacle impressionnant. Surmonté d’un paravent, il passe lentement le long d’un ’arbre à hérons’ tout en métal, sur lequel, juché au mépris du vertige, je puis le saluer gravement. Revenant auprès des monstres de la galerie des machines, je m’extirpai petit à petit de ce monde steampunk pour revenir à moi, et contempler la Loire. Très chouette sandwich place du Commerce, à côté de la FNAC, sous un soleil radieux. J’ai même enlevé ma veste. Petit moment de calme précieux et heureux.

Il était temps d’entrer aux Utopiales, enfin. Un tour complet des lieux prend du temps. Sous-sol dédié au cinéma, rez-de chaussée aux expositions et aux débats, étage au salon du livre. Cela vous donne une idée de l’ampleur de l’espace. Sans compter les salles prises par les jeux de rôles, et bien entendu l’incontournable bar, très vaste et confortable. C’est là que je rencontrai les inconditionnels du fandom tels François Manson, Sara Doke ou Georges Bormand, mais aussi des auteurs comme Michel Pagel, Ayerdhal, Roland C.Wagner, Pierre Bordage (grand directeur de ces Utopiales), Jean-Claude Dunyach, ou Sylvie Laîné qui me dédicaça gentiment son dernier livre Marouflages (ActuSF). Tiens, je parlai aussi avec Richard Comballot, à qui je dois, via Marc Bailly, d’être entré chez Phénix grâce au Spécial Moorcock (on est là dans les années 1989, ça ne nous rajeunit pas). Très intéressant débat sur les extra-terrestres avec Richard-Bessière, et Stephen Baxter animé par Lauric Guillaud. Sont-ils bons ou méchants, ou simplement ’autres’ ? Le débat suivant, sur l’érotisme et le SF, eut un succès colossal. Il y avait Francis Berthelot, Joëlle Wintrebert, Leo, Dunyach, Ayerdhal, Laîné... du beau monde. Moi, j’assistai plutôt à celui consacré aux mondes perdus (un peu mon dada, comme vous savez) avec Thomas Day, Gilles Ménégaldo et James Gurney. Celui-ci est l’illustrateur remarquable de « Dinotopia », très bien représenté à ces Utopiales, expo remarquable. Epuisé par toutes ces rencontres, je rentrai à l’hôtel puis passai la soirée avec mon épouse dans ce charmant quartier du Bouffay, accumulant cafés, bars et restaurants (même un resto afghan !) tout au long de plusieurs rues piétonnières charmantes et pittoresques.



Le lendemain, samedi 31 octobre, au matin, visite de la grandiose cathédrale puis du château des ducs de Bretagne. Deux heures et demi, cette visite ! En fait, le château est beau mais totalement rénové, et sert à de belles expositions, comme celle sur la traite des nègres, remarquable. Quand on voit ces entraves de chevilles en fer, ou ces découpes des navires dessinant l’étage médian où les esclaves étaient couchés par centaines durant la traversée, on ne peut s’empêcher de frémir. Et les rois nègres vendaient allègrement leurs sujets aux envoyés de Louis XV... Je m’arrachai à ces événements pénibles, mais pas si éloignés dans le temps, pour rejoindre la Cité des Congrès et un avenir plus ’radieux’...
Belle rencontre avec James Gurney, le dessinateur lyrique de Dinotopia, puis superbe hommage à feu Jim Ballard, au ’bar de Madame Spock’ (lieu des petits débats) sous la direction savante de Gilles Ménégaldo, avec ce grand intellectuel qu’est le professeur Roger Bozzetto, mais aussi le passionnant écrivain Francis Berthelot ou le jeune Ugo Bellegamba, signataire fougueux de la préface à l’anthologie officielle des Utopiales dont je vous ferai une petite critique bientôt. Pierre Christin, immortel créateur de ’Valérian’ a attiré beaucoup de monde à l’Espace Shayol (lieu des grands débats), tout comme, deux heures plus tard, les frères Bogdanoff, qui jouèrent les stars, bien évidemment. Stars plus physiciennes que SF, ce qui fait que j’abandonnai après une demie-heure, pour rejoindre Philippe Ward et Sylvie Miller, puis Lauric Guillaud. La rencontre de personnalités connues jusque là uniquement par mail est évidemment un moment des plus passionnant et précieux.

Pas de chance, le lendemain, alors qu’il faisait si beau, était archi pluvieux, et je rentrai à Bruxelles sous une drache terrible. Drache qui n’a pu me faire oublier les moments de bonheur que je viens de vous communiquer avec tant de plaisir. C’était en 2009.

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