Sur le globe d'argent

Soumis par Equipe Phenix le lun, 30/01/2012 - 15:18

Je vous propose la découverte d’un très rare film de SF d’un grand cinéaste, Andrzej Zulawski, à vrai dire inachevé et parfois quelque peu difficile à décrypter… ce qui se confirme dans ce terrible, époustouflant, démentiel Sur le Globe d’Argent, tourné entre 1976 et 1977, finalement sorti seulement en 1987 au Festival de Cannes.

Superproduction polonaise dont l’histoire est tirée d’un roman adapté de l’œuvre de son grand-oncle, Jerzy Żuławski, Le Globe d’Argent, le film n’a donc eu qu’une vie publique assez réduite.

Pour résumer, des cosmonautes arrivent sur une planète pour la coloniser. Cela tourne mal, ils retombent dans les âges primitifs, la Terre devient un mythe. De plus leurs descendants doivent faire face à une espèce d’hommes oiseaux surpuissants et télépathes…

Jeu délirant et outrancier des acteurs, omniprésence de thèmes et références bibliques et philosophiques, plans superbes, mouvements de caméra subjectifs, costumes et décor dignes d’une production hollywoodienne mais sans la volonté de montrer ostensiblement l’argent dépensé, nous avons là le film de l’Est dans toute sa splendeur !

Interrompu par la censure polonaise de l’époque du bloc communiste et finalement fini de monter dix ans après, le film fut présenté dans une version inachevée, puisqu’il manque des scènes entières remplacées par une voix-off et de surprenants plans de villes polonaises, de gens dans le métro descendant un escalator…

Film bancal donc, avec des moments extraordinaires, des plans d’une rare force, Sur le Globe d’Argent est d’un exotisme total, d’un intellectualisme forcené enrobé dans du grand spectacle.

J’en suis ressorti à vrai dire assez estomaqué et quelque peu déçu évidemment des difficultés de compréhension qui courent tout du long du film. Mais pour un(e) passionné(e) de SF, un cinéphile, c’est toujours une joie réelle de découvrir une œuvre véritablement différente, qui vous emmène ailleurs pour de vrai.

C’est un foisonnement quasi permanent de questionnements auquel nous sommes confrontés comme spectateur, attitude qui est très rare au cinéma, d’où notre trouble devant le film. Il faut constamment réfléchir, se concentrer.

N’importe quel film commercial, même très bien réalisé, ne peut soutenir la comparaison avec Sur le Globe d’Argent en termes d’intensité d’image.

D’ailleurs, il est frappant de voir parfois la similarité de certains costumes et plans avec le Dune de David Lynch, contemporain puisque sorti en 1984. A se demander s’il n’a pas eu accès aux rushs du film d’Andrewj Zulawsky pour concevoir son film, plus accessible mais très réussi également...

Ce qui est le plus fascinant finalement dans ce film n’est pas tant l’histoire de SF elle-même que l’exotisme absolu du film.

La Russie, l’Europe de l’Est ont un rapport au rationalisme, à la religion, à la culture véritablement autre que l’Europe de l’Ouest. Une partie de leur cinéma exprime cela de manière très forte, souvent déconcertante et magnifique, comme le récent Tsar de Pavel Lounguine consacré à Ivan le Terrible, film aux moyens beaucoup plus modestes et réussis sur le règne de ce tsar sanguinaire, dévoré d’un questionnement religieux autant que politique.