Star Wars au prisme de la franc-maçonnerie

Je viens de terminer la lecture du numéro hors-série de Philosophie Magazine intitulé « Star Wars, le mythe tu comprendras », numéro consacré aux différentes influences tant philosophiques que religieuses comme le bouddhisme, le taôisme, le bushido, l’idéal démocratique étasunien, la mythologie. Une société initiatique étant la base de la république nord-américaine brille par son absence : la franc-maçonnerie. Pourtant, elle imprègne les six volets de la saga imaginée par George Lucas.

 

La franc-maçonnerie spéculative moderne est née en 1723 à l’initiative de loges anglaises qui se regroupent pour fonder la Grande Loge de Londres. Elle entend se rattacher à la tradition des maîtres bâtisseurs de cathédrales et des constructeurs des pyramides de l’ancienne Egypte. Si le temple abrite une bibliothèque, la transmission du savoir entre le padawan et son maître est orale comme son homologue maçonnique. Au sein de la franc-maçonnerie, la tradition des bâtisseurs cohabite avec celle de la chevalerie. Les références chevaleresques commencent dans les ateliers supérieurs du Rite  de York qui est le plus pratiqué aux États-Unis d’Amérique, du Rite Écossais Ancien Accepté, du Rite Écossais Rectifié, au-delà du grade de Maître. Ces références à la chevalerie furent introduites par le chevalier André-Michel de Ramsay, reçu franc-maçon le 14 mars 1730, lors  d’un discours prononcé en mars 1737. Le sieur de Ramsay se détourne des origines « ouvrières » de la franc-maçonnerie pour établir une filiation entre la franc-maçonnerie moderne et les chevaliers occidentaux partis en croisade. À partir de ce discours, va naître un courant maçonnique (Rite Écossais Rectifié) qui fera remonter ses origines à l’ordre des Templiers. Il convient de souligner qu’il existe aux États-Unis d’Amérique, un ordre paramaçonnique fondé en 1919 sous le nom de l’ordre de Demolay, du nom du dernier Grand Maître de l’Ordre des Templiers.

 

Entre les Templiers et les Jedi, il existe beaucoup de points communs. Les deux ordres défendent un idéal, le premier la chrétienté et le second se considère comme le rempart de la République alactique. La même règle de pauvreté et de chasteté s’applique également aux deux ordres. Le templier ne possède que son épée et son cheval, le Jedi son sabre laser. Ils sont également victimes de la vindicte du pouvoir exécutif temporel pour qui ils constituent un obstacle à l’exercice absolutiste de leurs prérogatives. Au cours d’une gigantesque rafle méthodiquement organisée, le roi de France Philippe Le Bel fait procéder à l’arrestation et à l’emprisonnement des chevaliers du Temple le 13 octobre 1307 ; sept ans plus tard le dernier Grand Maître Jacques de Molay est brûlé vif. Dans l’épisode, la revanche des Sith, le chancelier Palpatine prend les pleins pouvoirs, renverse la République Galactique sous le prétexte fallacieux de contrer un complot des chevaliers Jedi. Il ordonne également l’élimination physique de l’ordre et de ses membres.

 

Autre point commun, des templiers auraient réussi à échapper à l’arrestation massive du 13 octobre 1307 et à gagner l’Écosse rebelle du roi Robert the Bruce qui échappe à la mainmise du roi de France et du Pape, et ce  pour organiser la survie dans la clandestinité de l’ordre au milieu des corporations de la pierre. Au fil des siècles, l’ordre serait devenu la franc-maçonnerie spéculative. Yoda et Obiwan Kenobi sont les derniers rescapés du massacre des Jedi. Ils se replient respectivement sur le système de Dagoba et sur la planète Tatooine, régions stellaires se situant à la périphérie de l’empire galactique naissant comme l’Écosse du 14e siècle échappant au contrôle pontifical et français.

Que ce soit l’ordre Jedi des trois films sortis en salle de 1998 à 2005 ou l’Alliance rebelle des 3 premiers longs métrages (1976 à 1983), le mot d’ordre est « rassembler ce qui est épars » Alors que les troupes régulières de la République agonisante et les storm troopers de l’Empire sont issues essentiellement du clonage en série et représentent l’uniformité, les humains et les espèces non-humaines combattent au sein de l’ordre Jedi ou de l’Alliance. Ils occupent en toute égalité des postes à responsabilité. Nous retrouvons cette diversité humaine au sein de la franc-maçonnerie contemporaine et libérale, ce qui n’est pas la réalité pour la franc-maçonnerie américaine divisée entre loges anglo-saxonnes protestantes blanches et celles affiliées à l’obédience afro-américaine Prince Hall. Ici Star Wars traduit peut-être un désir de fraternité et d’égalité qui n’existe pas dans la société étatsunienne actuelle.

 

Mais la franc-maçonnerie et l’ordre Jedi ont un ennemi en commun : celui qui surgit de leur propre rang. Chez les francs-maçons, cet ennemi a pour noms les trois mauvais compagnons. Ils assassinent Hiram l’architecte en charge de la construction du Temple de Salomon car il a refusé de leur donner les mots et signes en vue de leur admission  chez les maîtres bâtisseurs. Hiram estimait que les trois compagnons ne possédaient pas les qualités requises. Anakin, le futur Dark Vador, est un jeune padawan qui siège au Conseil de l’Ordre Jedi en qualité de représentant du chancelier Palpatine, il demande à être élevé au rang de Maître Jedi. La majorité du Conseil rejette sa demande, il doit se contenter de siéger avec un simple statut d’observateur. Anakin en conçoit de l’amertume car il est sûr de ses qualités, le fielleux Palpatine ne faisant qu’attiser sa rancœur. Pour la franc-maçonnerie, qu’elle soit anglo-saxonne ou autre, les trois mauvais compagnons représentent l’hypocrisie, l’ignorance et le fanatisme. Anakin croit posséder les valeurs d’un maître bien qu’il ne soit que padawan, il est un ignorant au sens initiatique du terme. De plus, sa crainte de perdre son épouse Padmé le mène vers la colère. La colère l’entraîne vers le fanatisme et se termine par sa soumission au côté obscur de la Force.

 

Dans le long métrage « La revanche des Sith », Anakin devient un mauvais compagnon au sens maçonnique du terme. Il trahit et tue le maître Jedi Mace Windu au lieu de l’aider à mettre aux arrêts le chancelier Palpatine. Enfin, Anakin participe activement au massacre de ses frères. Il est dévoyé par le côté obscur de la Force comme les mauvais compagnons qui se sont détournés de la fraternité. Dans notre monde, bon nombre de francs-maçons censés se trouver du côté de la justice sociale et des plus humbles ont fini par trahir leurs idéaux. Le dictateur Augusto Pinochet, Marquès-Rivière se mettant au service de l’occupant nazi et du régime de Vichy, Nathan Forest, le fondateur du Ku Klux Klan, les maçons italiens de la loge P2 entre affairisme et fascisme sont les exemples flagrants de dévoiement. Anakin Skywalker n’est plus un personnage de fiction.

 

Existe-t-il un lien entre la Force des Jedi et l’égrégore des francs-maçons ? Dans la saga Star Wars (les trois épisodes diffusés en salle entre 1976 et 1983), la Force est un champ d’énergie unissant tous les êtres vivants, même si les derniers films proposent une explication biologique consistant en un lien avec une forme de vie, les midi-chloriens. Je préfère de loin la première approche psychique spirituelle sans divinité et organique d’Obiwan Kenobi et de Yoda en phase avec l’égrégore maçonnique. L’égrégore est un phénomène où toutes les pensées deviennent une sans devenir pour autant unique. Sans elle, l’unité d’une loge maçonnique se désagrège et ne devient plus qu’un assemblage d’individualités. En l’absence de la Force qui l’unit à l’univers, un Jedi n’est rien. Un franc-maçon qui se prive de l’égrégore n’est qu’un mystique isolé sans aucune efficacité autant sur lui-même que sur la société dans laquelle il évolue. Quand la Force est perturbée ou que l’égrégore est brisée, les Jedi comme les francs-maçons deviennent des éléments isolés et vulnérables. Une dernière hypothèse est également à envisager, la Force ou l’égrégore ne constituent-elles pas l’héritage non assumé de la Maât en tant que conscience universelle et harmonie cosmique léguées par l’Égypte pharaonique ?

 

Enfin, l’Ordre Jedi et la franc-maçonnerie occidentale œuvrent également pour la défense de la république et de la démocratie. Ils ont également espoir en l’avènement d’une humanité meilleure qui rassemble ceux qui sont dispersés.

Tous ces éléments tendent à démontrer que la saga Star Wars repose sur les piliers souterrains de la franc-maçonnerie.

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