Spécial SF suisse : Trois films (partie 2)
Bonjour à toutes et à tous !
Deux films anciens de Jean-Luc Roy
J’ai eu la chance de voir au cinéma deux raretés suisses toujours, avec deux longs métrages de Jean-Louis Roy, réalisateur de fiction et surtout de documentaires, membre fondateur du Groupe 5 de cinéastes dans les années 60, suite à la nouvelle vague française.
L’inconnu de Shandigor
Commençons par L’inconnu de Shandigor datant de 1967, parodie à la belle esthétique noir et blanc des films de savant fou et d’espionnage, James Bond en tête.
Un savant invente l’Annulator de bombe atomique. Ne voulant pas révéler son invention pour qu’elle devienne à son tour une arme de guerre aux mains d’une puissance, il s’enferme avec son fidèle collaborateur et sa fille dans une villa, assaillie par tous les espions de la Terre, ou presque...
On retrouve avec grand plaisir l’acteur interprétant le savant, Daniel Emilfork qui jouait également le savant de La cité des enfants perdus de Jeunet et Carrot, mais aussi Jacques Dufillo, Serge Gainsbourg, Howard Vernon dans les rôles des chefs espions.
L’œuvre de comédie est baroque, reprenant tous les clichés, avec toutefois un aspect assez intéressant à mon sens. Le savant n’est pas si fou que cela, puisqu’il se pose une véritable question, la responsabilité de ses actes. Inventeur, il refuse la propagation de son invention, cache la formule, fuit les puissances qui veulent acquérir une fois de plus un moyen de domination. Quiconque peut annihiler les effets d’une bombe atomique pourrait en effet lancer les siennes sans craindre de représailles, l’enjeu est donc de taille.
Le film est donc le miroir inversé des inventeurs de la bombe atomique qui n’ont commencé à larmoyer sur le mal qu’ils ont fait qu’après l’avoir fait...
Sous un aspect de grosse farce très bien ficelée, L’inconnu de Shandigor est donc basé sur un vrai questionnement portant sur le rôle social de la technoscience. La réponse, le refus de délivrer son savoir, étant bien sûr bien utopique... mais rend le film incontestablement troublant.
Quand à l’inconnu de Shandigor, l’amoureux de la fille du savant, il réservera une dernière surprise à la toute fin du film. La surveillance du savant datait de longue date...
L’esthétique du film est vraiment soignée, faite à partir de pas grand-chose, mais le sens de l’image de Jean-Louis Roy fait merveille, c’est un véritable régal du début à la fin, fait de pleins d’inventions cinématographiques, de décors efficaces. Une œuvre vraiment unique.
Black Out
Le second film en couleur cette fois-ci, Black Out datant de 1970, traite lui aussi d’une peur, mais cette fois-ci, il s’agit d’un drame, du huis clos d’un couple dans leur petite villa, terrible allégorie d’une Suisse confite dans sa peur de l’étranger, égoïste et bête...
Suite à la visite d’un bunker destiné à abriter la population en cas de guerre nucléaire ou d’envahissement du territoire par une armée étrangère, un couple âgé qui a perdu leur jeune fils au service militaire décide de stocker de la nourriture jusqu’à l’excès, refuse toute visite, ferme fenêtres et porte.
Dominé par son épouse, l’homme va se rebeller. Un enfant silencieux apparaît au grenier, véritable réfugié d’une guerre en cours ou imagination de leur esprits perturbés ? Au spectateur de choisir.
Le dernier plan du film est sublime. La femme morte de faim, comble de l’ironie, l’homme sort les bras en l’air, se rendant à un envahisseur invisible, se dirige vers des enfants jouant au foot devant un grand immeuble...
Car cette peur de l’avenir passe par la peur de la jeunesse, thème sous-jacent de Black Out.
Comme pour L’inconnu de Shandigor, le ton est là aussi singulier. On hésite à voir dans les comédiens des amateurs disant un peu maladroitement leur texte. Pourtant, l’ambiance est si prenante, les plans bien filmés, la logique de leurs actes si nauséeux, leurs vie si proche de celles de millions de gens ordinaires que le film fonctionne.
On y croit. La peur est là, pas loin, en chacun d’entre-nous. Black Out est d’une pertinence toujours actuelle...
Ces deux films de Jean-Louis Roy sont malheureusement indisponibles en dvd... N’hésitez pas à les voir si vous en avez l’occasion. Ce ne sont pas des chefs-d’œuvre mais ils nous rappellent utilement qu’avec peu, on fait beaucoup. Surtout si l’on a quelque chose à dire.
Pour en savoir plus :
http://www.thecinetourist.net/linconnu-de-shandigor.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Roy_(r%C3%A9alisateur)
Autres films SF suisses : http://www.drs.ch/www/de/drs/199414.die-fantastische-seite-des-schweizer-films.html