Solaris n°186
Nos amis canadiens ont mis le paquet : voici un des plus riches Solaris de ces derniers temps ! Peut-être parce que le thème du dossier m’interpelle ? Le fantastique urbain est fascinant, en effet, parce qu’il nous touche tous, dans notre vie quotidienne.
Le lecteur est pris, tout de suite, avec ce texte étrange, lourd de conséquences, et très évocateur, d’Esther Rochon, L’oiseau de fer de la rue Norman. Montréal côté ouest, Lachine, vers Ville-Saint-Pierre. L’auteur décrit bien cet endroit isolé, entouré d’autoroutes, perdu dans le béton, ouvrage ferroviaire en déshérence. C’est là qu’un jour, il rencontrera trois personnes, le gros, le moyen et le petit, qui cherchent le Cœur de Montréal et qui lui ouvriront son destin. Sans bien comprendre, il accomplit un voyage immobile, onirique, au-dessus du Saint-Laurent. Vieux à présent et dans sa maison de repos, il se souvient de cet instant unique, qu’il a raté, sans doute. Magnifique. Disparition, de Mathieu Croisetière, traite d’un thème connu, l’effacement du quotidien. Tout commence par la disparition… d’une tondeuse à gazon à Trois-Rivières (dont j’apprends incidemment que les habitants se nomment Trifluviens). Petit à petit, tout se déglingue, le narrateur ne peut plus rentrer dans sa maison, habitée depuis longtemps par une autre famille, sa femme ne travaille plus à son bureau, il perd sa carte d’identité, la folie s’installe. On pense évidemment à la célébrissime nouvelle de feu Matheson, Escamotage, sauf qu’ici, une explication semble exister en la personne d’un petit voisin cruel, qui s’appelle Damien, comme dans The Omen…
Sébastien Chartrand, avec Commensalisme, transcende ingénieusement l’immortel Le horla de Maupassant : voilà comment un texte célèbre peut être renouvelé de manière originale. Hommage pour hommage, voici celui d’Yves Meynard envers Lovecraft dans Les mystères d’Innmouth, à travers un jeu de société qui mènera le timide héros vers l’horreur (glauque bien sûr).
Deux belles études enfin : l’une sur la bioéthique, du même Chartrand, et l’autre sur les grands télescopes dans le monde, de Mario Tessier. Un super numéro.