Skidamarink
Alors que le vol de la Joconde fait la une de tous les journaux, quatre personnes qui ne se connaissent pas reçoivent un fragment découpé de la célèbre œuvre de Léonard de Vinci, accompagné d’un mystérieux rendez-vous dans une chapelle de Toscane.
Pourquoi eux ? Qui les a choisis ? Quel plan se cache derrière ce coup d’éclat ? Ils l’ignorent encore, mais à l’instant même où ils décident de résoudre ensemble cette énigme, leur vie prend un tournant dangereux, exaltant et sans retour.
Bon, soyons clair. Je suis en train de perdre mon temps, plus encore que Don Quichotte devant une triplette de moulins, en écrivant les quelques lignes de cette chronique. Parce que le dernier roman de Guillaume Musso est déjà numéro 1 des ventes. Et qu’il en sera de même de ces autres romans, qui sortiront dans les quinze ou vingt prochaines années. L’aspect pavlovien d’une partie de la mécanique littéraire d’aujourd’hui n’échappe à personne. Madame Chapeau qui déboule en fin d’été, le Goncourt qui aligne ses trois cent mille ventes sous le sapin ou encore l’écrivain névrosé qui s’épanche sur les comportements déviants de sa femme/son père/sa sœur/son voisin/son chien, sont des éléments qui déclenchent à la fois une avalanche de papier et un réflexe d’achat aussi automatique que celui d’un ventilo ou d’une clim’ quand le thermomètre flirte pendant trois jours avec les trente degrés. Nous sommes devenus des animaux consommateurs et une partie de nos réflexes échappe à toute rationalité.
Skidamarink est une tentative, vouée au succès donc, de provoquer un sursaut d’achat auprès de celle et ceux qui se sentent privés pendant trop longtemps de leur auteur préféré. Tout cela a beau être déguisé, emballé, sous la forme d’un « cadeau » fait à celles et ceux qui ne sont pas en possession du « tout premier roman de Guillaume Musso », on ne peut pas s’empêcher de songer que son éditeur a trouvé là un bon moyen de récupérer quelques deniers après la période un peu creuse provoquée par une certaine pandémie. On me rétorquera que la ressortie de ce roman était prévue de longue date ?
OK. Je n’en sais fichtre rien. C’est possible. Dans le chef de Guillaume Musso, je pense même que c’est une démarche honnête. Sans jouer au namedroping, j’ai déjà eu l’occasion de croiser plusieurs fois l’auteur et il m’a toujours paru d’une désarmante sincérité. Reste que, lorsqu’on se trouve assis sur une pile d’un million d’exemplaires vendus annuellement, l’idée de doubler la mise en moins de six mois reste séduisante.
Vous me direz : « Arrête de t'énerver. C’est le deal. Les maisons d’éditions sont des entreprises comme les autres ». Certes. Mais à force de répéter « C’est comme ça, on ne peut rien n’y changer », on va finir par se récolter un paysage littéraire toujours plus inégal, avec une part toujours plus grande du marché occupée par les mêmes zigotos, pendant que le reste des auteurs peineront à vendre trois cents exemplaires.
Mais si vous êtes resté jusqu’ici, c’est que vous avez tout de même envie de savoir ce que veut le « nouveau » roman de Guillaume Musso. Voire même que vous ne l’avez pas encore acheté !
Alors ? Alors rien. Ou plus exactement tout et son contraire, dans un désordre joyeux. Avec Skidmarink, Muso écrit tout ce qu’il a envie de lire, avec la peur, comme tout écrivain débutant, que son roman soit le seul jamais publié. Alors, il y a grands traits, avec une générosité qui n’a d’égale que la naïveté, la maladresse et l’absence totale de respect/complexe concernant la narration. Le roman démarre sur une énigme façon Da Vinci/thriller à énigme, fait des détours par des scènes d’actions digne d’une série B, sursaute pour nous offrir quinze pages du synopsis d’une comédie romantique archi-clichée (avec automne sur Central Park et maison de campagne sur la côte Est !), puis repart dans les méandres d’une histoire à la Michael Crichton, avant de retomber plus au moins sur ses pattes avec une explication à rebours des péripéties vécues par les personnages que les scénaristes de Lost, de 24h Chrono et de House of Cards n’auraient jamais osé concocter lors d’une soirée vodka-défi.
Ajoutez à cela un recours quasi systématique aux deus ex-machina les plus improbables et vous avez là la substantifique moelle de ce fameux « premier roman » d’un futur auteur de best-seller.
Ce n’est pas mauvais, c’est juste brouillon, improbable et incontrôlé. On imagine ensuite quel joli travail d’édition Bernard Fixot et ses équipes ont mené pour faire mûrir le fruit Musso et lui ouvrir toutes grandes les portes d’une carrière qui ne fléchit plus.
Ce Skidmarink est un roman intéressant pour celles et ceux qui cherchent à étudier l’évolution de l’auteur Musso. Et c’est un roman qui trouvera bien entendu sa place dans la bibliothèque de ses nombreux fans. Je reste sidéré de l’énergie, du travail, de l’espace médiatique qu’occupe ce genre de sortie, alors que trop d’autres auteurs publiés, restent dans l’ombre.
Skidamarink par Guillaume Musso, Editions Calmann-Lévy