Oussama
« Vous qui vous opposez à la volonté d’Allah, contemplez la face de votre ennemi éternel ! La face qui a fait trembler Paris ! La face qui fera trembler le monde ! Et vous, mes frères, rejoignez-moi ! Rejoignez la Guerre Sainte contre le Grand Satan ! »
Tels sont les mots qu’Oussama, fils d’Oussama, prononce à l’adresse de ses frères musulmans. Bientôt, pourtant, ce jeune soldat d’Allah, devenu symbole du Djihad, va perdre tous ses repères.
Confronté aux vides idéologiques, aux contradictions internes et aux liens intimes des deux civilisations qui se déchirent - l’Occident chrétien, bâti sur le modèle de l’Amérique, et le Califat qui l’a vu naître, immense fédération des pays musulmans d’Afrique, d’Orient et du Moyen-Orient - , ce faux Candide interroge les fondements de sa foi et de son engagement.
Une bataille personnelle, philosophique, théologique et humaine, qui le verra peut-être se retourner...
Référence incontournable pour les amateurs de littérature noire et d’anticipation, Norman Spinrad (Il est parmi nous, Fayard, 2009) nous offre un roman « anti-sectariste » brillant. Réflexion profonde et documentée sur l’Islam, critique acerbe d’un Occident sûr de son droit, regard neuf sur le « terrorisme » aujourd’hui, Oussama est une véritable bombe littéraire.
Décevant. Barbant.
Ce sont les deux premiers - les deux seuls - qualificatifs qui me viennent à l’esprit maintenant que j’ai refermé ce livre. J’aurais du mal à en dire plus.
Bon, aller, j’essaie. Mais ne vous attendez pas à grand chose de positif.
Nous sommes dans une période indéterminée de l’histoire située après les attentats du 11 septembre et nous allons suivre l’ascension militaro-terroriste d’Oussama, jeune homme éduqué par un organisme voulant amener le monde entier à reconnaître l’Islam et à se soumettre à sa vérité, je nomme le Califat. Oussama va se rendre en France, perdre son innocence (enfin, presque), revenir au Moyen-Orient et devenir une figure de proue du djihad.
L’intention de Spinrad est évidente : en nous montrant le parcours de ce jeune homme loin d’être bête, il donne un visage humain à ces personnes qui nous sont toujours présentées comme l’Ennemi : les terroristes. C’est louable, ça fonctionne pendant un certain temps, mais une fois que le message est passé, que reste-t-il ? Un long long long récit de combats qui s’enchaînent. Or, vous le savez peut-être, j’aime ce genre d’histoires d’un amour fou. Ou pas. Du tout.
Je ne savais pas que le roman se limiterait à cela, j’ai cru pendant un bon moment qu’il prendrait un autre chemin. Oh, certes, c’est plus qu’un récit de guerre, c’est un récit politique de guerre. C’est également une manière de nous mettre dans la peau de ces djihadistes et de nous faire ressentir l’oppression que fait subir l’Occident aux musulmans (ainsi que la stupidité des réactions de certains gouvernements à leurs yeux). Mais ça ne change pas grand chose au final, parce que l’idée derrière ce livre a beau être intéressante, même louable, elle n’en est pas moins desservie par une histoire lourde et une écriture dépersonnalisée.
En effet, les quelques passages intéressants de ce récit (parce qu’il y en a quand même) ne doivent constituer qu’une cinquantaine de pages en tout sur les 478 du livre. C’est peu. Surtout que nous passons tout le roman à lire les doutes d’un homme qui, alors qu’il se remet tout le temps en question, n’en reste pas moins un Candide soumis à une cause qu’il ne semble pas plus comprendre que ça, guidé qu’il est par de prétendus signes de dieu qu’il interprète somme toute à sa guise.
Ce récit aurait pourtant pu être intéressant, d’autant plus que Spinrad a su éviter les pièges du manichéisme souvent inhérent à ce genre de réflexion, surtout chez un Américain. Il ne semble pas porter de jugement sur son personnage (bien que ce qu’il en dit nous invite à prendre certaines positions tout de même...). Pour ce faire, il a décidé d’opter pour une écriture factuelle des plus arides. Mais à force de vouloir vider son texte de toute influence possible (et de toute figure de style), il en a fait une coquille creuse et peut de ce fait avoir du mal à retenir notre attention. Spinrad nous livre en fait ici un des romans les plus inintéressant stylistiquement parlant que j’ai eu l’occasion de lire. Vous allez trouver ça bizarre, mais je préfère encore un texte que je trouve mal écrit qu’un livre comme celui-ci. Au moins, dans le premier cas, on a l’impression de percevoir l’être humain derrière le récit, on ressent quelque chose en le lisant, on réagit. Mais ici, rien. Et cette absence provoque l’indifférence. Et, par conséquent, l’ennui.
Alors, le message de Spinrad a beau être pertinent, la manière dont il le transmet est tellement dénuée d’intérêt que celui-ci s’efface peu à peu devant l’ennui abyssal provoqué par son roman. L’association « récit de guerre » et « style factuel » a en tout cas été fatale pour moi. D’autant plus que la déception a été grande de ne pas trouver le regard si acide rencontré dans Il est parmi nous. Oh, certes, il y a quelques critiques acerbes dans le tas. Mais je dois dire qu’elles sont rarement surprenantes, à part peut-être en ce qui concerne la solution finale. En effet, le dénouement est la seule chose que je trouve réussie dans ce livre que j’oublierai aussi vite que ce billet sera terminé.
Au final, Oussama n’a pas été pour moi cette véritable bombe littéraire annoncée en quatrième de couverture. Juste une histoire qui aurait pu être intéressante si présentée de manière un peu plus vivante. Car Spinrad s’évertue à nous montrer ici que le mieux est l’ennemi du bien en nous livrant un récit qui se veut en dehors d’un système de jugement mais qui s’en éloigne tellement qu’il m’a surtout laissée indifférente.
Oussama de Norman Spinrad, traduction : Niky Copper, Fayard/J’ai Lu, 478 p.