Jeu cruel (Un)

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La souffrance. Il est rare qu’elle soit ainsi au centre d’un roman de SF... C’est celle d’abord de Miner Buris. Il a été enlevé par des extra-terrestres qui ont modifié la plupart de ses organes dans un but aussi sadique qu’incompréhensible. Miner est désormais un monstre dont les organes lui occassionnent souffrance et désagréments. Mais sa souffrance est avant tout sociale et psychologique, lui que personne ne veut plus voir, lui-même y compris. C’est ensuite celle de Lona Kelvin, fille de 17 ans, cobaye d’une expérience (menée par des humains, cette fois-ci) visant à lui prélever des ovules pour réaliser des fécondations in vitro. La fille aux cent bébés n’en a pas vu le bout d’un et souffre autant de sa maternité factice que de la médiatisation dont elle a fait l’objet, suivie d’un rejet brutal des médias, comme ils savent si bien le faire de nos jours. C’est enfin celle de Dunkan Chalk. Il est divertisseur public, entendez producteur de télé-réalité venu d’une époque où ni le concept ni le mot n’existent encore. Lui, il se repaît de la souffrance des autres, autant métaphoriquement que psychiquement. Et pour amuser son public intersidéral, il décide de faire cohabiter le monstre défiguré et la fille traumatisée. De ce jeu cruel ne peut naître qu’incompréhension, rejet et... souffrance.

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Le roman est l’un des premiers ouvrages de science-fiction de Silverberg. C’est une sorte d’OVNI, un exercice de style, une foire aux monstres, une farandole de sentiments sur fond de voyages interstellaires. Ce livre est considéré comme une réussite par la plupart des critiques de la toile et d’ailleurs, une dénonciation de la télé-réalité, une dissection des sentiments humains, une plongée dans le monde de la manipulation des âmes. Je l’ai trouvé ennuyeux et longuet. Les personnages ne sont pas attachants. L’idée de départ est certes biscornue à souhait mais l’intrigue est linéaire et n’offre pas le moindre rebondissement (sauf peut-être à l’extrême fin). Silverberg nous a habitué à mieux et a réalisé depuis de nombreux ouvrages qui sont considérés comme des références.

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En effet, depuis les années 60, on lui doit des livres comme, entre autres, Les Monades Urbaines, une distopie urbaine qui montre comment l’homme a pu se laisser gagner par la surpopulation et la dictature de l’apparence, L’Homme dans le labyrinthe, une relecture du mythe de Philoctère relatée dans l’Illiade ou L’Oreille interne, qui met en scène un télépathe embourbé dans les conséquences psychologiques de son don.

Silverberg est un érudit, doublé d’un auteur à la plume complexe et originale qui a contribué à faire avancer la science-fiction et la fiction en général. Alors autant oublier ce Jeu cruel et se jeter sur ses ouvrages classiques.

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